Ce
ne
fut
qu'après
bien
des
incidents
et
des
actes
particuliers
accomplis
en
vue
de
venger
la
mort
de
Kakig,
incidents
et
actes
sur
lesquels
l'histoire
se
tait,
qu'un
des
fidèles
hommes
de
ce
Kakig,
nommé
Roupin,
se
mit
à
la
tête
des
rebelles,
se
souleva
contre
les
oppresseurs
de
sa
nation
et,
abandonnant
Zamanti,
le
patrimoine
de
Kakig,
se
dirigea
vers
le
Sud-Ouest
et
prit
possession
du
pays
plus
sûr
de
la
Phrygie,
l'an
1081,
de
l'Ère
vulgaire.
Il
y
fonda
une
nouvelle
dynastie
arménienne,
celle
des
Roupiniens,
qui
devint,
un
siècle
plus
tard,
une
dynastie
royale.
Tout
ce
que
nous
savons
authentiquement
de
Roupin
c'est
la
succession
de
sa
dynastie
jusqu'à
la
sixième
génération,
puis
les
liens
de
proche
parenté
que
ses
descendants
contractèrent
par
la
suite
avec
les
Héthoumiens
qui
les
remplacèrent
sur
le
trône,
tout
en
maintenant
le
nom
de
Roupiniens
jusqu'à
la
fin
de
leur
royaume.
Mais
nous
ne
connaissons
pas
assez
l'origine
de
Roupin,
ni
les
moyens
qu'il
employa
pour
s'affranchir
du
joug
étranger
et
se
rendre
maître
d'un
nouveau
pays
où
il
fixa
sa
demeure
princière.
Tous
les
auteurs,
brefs
dans
leur
récit,
racontent
différemment
les
faits
qui
se
sont
passés
à
cette
époque,
et
principalement
ceux
qui
ont
écrit
éloignés
des
lieux
où
leur
accomplissement
s'effectua,
et
qui
répètent
ce
qu'ils
ont
entendu
dire
et
mêlent,
la
plupart
du
temps,
le
faux
avec
le
vrai.
Plusieurs
prétendent
que
Roupin
avait
des
liens
de
proche
parenté
avec
les
Bagratides
et
le
donnent
même
comme
le
dernier
descendant
de
la
famille
de
Kakig.
Un
auteur
dit
qu'il
était
«de
la
milice
des
Bagratides
et
de
leur
Maison».
Un
autre,
qu'il
était
«parent
de
Kakig»;
un
autre
encore,
qu'il
appartenait
«à
la
branche
royale
et
qu'il
était
prince
du
sang
du
grand
Kakig»;
un
autre
enfin,
qu'il
était
«frère
du
roi
Kakig»;
et
même
on
parle
d'un
poignard,
fabriqué
par
un
imposteur,
et
que
l'on
conservait
dans
le
musée
de
Grégoropolis,
poignard
sur
lequel
était
gravé
ceci:
«Roupin,
fils
de
Kakig»,
suivi
d'autres
mots
incohérants.
De
tout
cela,
ce
qui
doit
être
le
plus
probable,
c'est
ce
que
dit
le
premier
des
historiens
cités
ci-dessus;
c'est-à-dire:
que
non-seulement
Roupin
faisait
partie
de
la
milice
des
Bagratides,
mais
encore
qu'il
appartenait
à
la
famille
des
Ardzerounis.
Celui
qui
dit
ceci,
écrivait
sous
le
règne
de
Léon
II,
fils
de
Héthoum
I,
et
il
avance
avec
franchise
que
«notre
Léon,
couronné
roi,
réunit
en
lui
les
deux
branches
royales
».
Vahram
le
Docteur
qui
se
trouvait
à
la
cour
de
ce
roi
et
qui,
par
conséquent,
ne
pouvait,
dans
son
récit,
s'écarter
de
la
vérité
et
de
la
tradition,
surtout
sur
ce
point,
se
trouve
d'accord
avec
lui.
Cependant
on
pourrait
croire
que
ce
passage
concerne
la
famille
des
Héthoumiens
qui
étaient
Ardzerounis
du
côté
maternel.
Ochin,
le
fondateur
de
cette
Maison,
avait
épousé
la
fille
de
Aboulgharib,
gouverneur
de
Tarse,
qui
était,
lui,
de
la
famille
des
princes
de
Sénékérim
roi
de
Vasbouragan
(pays
de
Van.
)
D'autres
écrivains
plus
sérieux
appellent
Roupin:
le
Sassounien.
Ils
admettent
les
Sassouniens
et
les
Ardzerounis
comme
deux
branches
d'une
même
famille.
De
même
que
les
historiens
ne
sont
point
d'accord
sur
l'origine
de
Roupin,
ils
diffèrent
entre
eux
aussi
dans
leur
récit
sur
sa
vie
et
sur
les
événements
qui
le
portèrent
à
la
principauté.
Ghiragos,
le
premier
et
le
plus
célèbre
de
ces
historiens,
qui
désignent
Roupin
comme
issu
de
la
race
royale,
ainsi
que
Michel
le
Syrien,
ne
dit
pas
nettement
de
quelle
dynastie
royale
il
entend
parler.
Il
dit
seulement
que
Roupin
était
«de
la
famille
et
de
la
milice
de
Kakig
des
Ardzerounis».
Tout
comme
à
propos
de
la
question
qui
précède,
il
cite
deux
Kakig.
Ainsi,
il
attribue
l'aventure
de
l'évêque
Marc
et
du
chien
à
Kakig,
roi
de
Kars.
Quant
à
celui
qui
y
trouva
la
mort,
il
le
nomme
simplement
un
autre
Kakig.
Puis,
il
raconte
qu'auprès
de
ce
dernier,
se
trouvait
un
petit
garçon
(Roupin),
qu'avait
remarqué
et
acheté,
parmi
les
prisonniers
des
Grecs,
«un
trafiquant
arménien
et
duquel
il
avait
fait
son
gendre
».
Quand
cet
enfant
est
devenu
grand
homme
et
chasseur,
il
fait
le
récit
de
ses
exploits
et
narre
de
quelle
manière
il
s'empara
des
contrées
de
la
Cilicie
où
il
était
venu
pour
chasser.
D'autres
chroniqueurs,
parmi
lesquels
Mekhitar
d'Aïrivank,
montrent
Roupin
comme
étant
un
homme
accompli
lorsqu'il
étendit
son
autorité,
c'est-à-dire
vers
le
milieu
du
XI
siècle:
«Alors
(de
1245
à
1250)
—
dit-il,
—
les
Roupiniens
s'emparèrent
de
la
Cilicie;
«Dieu
nous
a
fait
justice
à
nous
les
opprimés!
car
le
Grec
avait
pris
notre
royaume,
mais
Dieu
a
rendu
son
pays
aux
Arméniens
et
ils
y
régnent
à
présent».
II
y
a
des
auteurs
qui
appellent
seulement
Roupin:
un
des
princes
de
Kakig;
il
en
est
d'autres
qui
ajoutent:
«un
glorieux
prince
des
princes».
Si
ce
que
nous
raconte
Ghiragos
est
vrai,
le
petit
garçon,
serviteur
de
l'autre
Kakig,
c'est-à-dire,
du
roi
de
Kars,
est
un
autre
personnage.
C'est
de
lui
qu'il
est
dit
qu'en
grandissant
il
se
faisait
remarquer
comme
un
chasseur
passionné
et
qu'il
poursuivait
les
perdrix
sur
les
hauts
plateaux
de
la
Cilicie,
aux
alentours
de
Partzerpert
(Haute-forteresse),
qu'il
savait
être
sans
garnison,
qu'il
invita
l'évêque
et
seigneur
de
ce
château-fort
à
un
festin
dont
les
mets
provenaient
de
sa
chasse,
le
fit
tuer
sur-le-champs,
en
même
temps
que
son
serviteur
et
confident
étranglait
le
seul
être
humain
qui
se
trouvait
dans
le
château.
Puis,
que
ce
chasseur
de
perdrix,
ayant
hissé
sa
bannière
au
haut
de
la
tour,
prit
ainsi
possession
de
Partzerpert.
Je
crois
plutôt
que
Roupin,
le
fondateur
de
la
dynastie
souveraine
de
Sissouan,
comme
le
rapportent
les
chroniqueurs
les
plus
fidèles,
était
un
parent
de
Kakig
et
qu'avant
la
mort
de
ce
dernier,
il
était
le
Seigneur
de
la
forteresse
de
Gossidar.
On
ignore
la
juste
situation
de
ce
château,
mais
il
était
probablement
aux
environs
de
Césarée,
non
loin
des
propriétés
de
Kakig;
car
un
chroniqueur
auquel
on
peut
se
fier,
dit:
«Lorsqu'il
(Roupin)
reçut
la
nouvelle
de
la
mort
de
Kakig,
il
partit
avec
toute
sa
famille
et
se
rendit
dans
la
province
de
Phrygie,
à
un
village
appelé
Colmozola
ou
Coromozol,
(qu'on
croit
situé
dans
la
vallée
du
fleuve
Sarus)
où
il
se
fixa.
Sur
la
montagne
voisine,
il
y
avait
beaucoup
d'Arméniens
que
le
Grand
Roupin
appela
auprès
de
lui.
Il
en
augmenta
ses
forces
et
s'empara
de
toute
la
contrée
de
cette
montagne
de
laquelle
il
chassa
les
Grecs
à
qui
il
enleva
toutes
les
possessions.
Après
avoir
vécu
pieusement,
il
mourut
en
chrétien
et
fut
inhumé
dans
le
saint
monastère
de
Castalon.
Il
laissa
sa
principauté
à
son
fils
Constantin».
Selon
ce
que
nous
disions
à
propos
de
Gossidar,
Roupin
s'en
était
emparé
tout
d'abord,
puis
s'était
dirigé
sur
Coromozol,
mais
non
pas
après,
comme
l'ont
prétendu
plusieurs
écrivains,
comme
si
c'eût
été
«après
le
meurtre
de
Kakig
qu'il
réunit
beaucoup
de
soldats
et
vint,
à
leur
tête,
s'emparer
de
Gossidar
et
y
établit
le
siège
de
son
gouvernement
et
soumit
les
contrées
montagneuses
de
la
Phrygie.
»
Ces
faits
sont
évidents.
Cependant
on
ignore
où
étaient
positivement
situées
la
première
et
la
seconde
résidence
de
Roupin,
où
fut
la
souche,
nous
pouvons
le
dire,
des
princes
de
sa
famille.
Ce
n'est
pas
ce
Roupin
qui
s'empara
de
Partzerpert,
comme
le
ferait
croire
le
récit
que
nous
avons
rapporté
plus
haut.
Ce
n'est
pas
lui
non
plus
qui
soumit
la
plaine
de
la
Cilicie,
ainsi
que
l'avance
le
passage
exagéré
d'un
auteur,
très
sûr
dans
tout
le
reste,
l'intime
ami
de
Saint
Nersès
de
Lambroun,
qui
dit,
dans
son
mémorandum
des
Commentaires
de
celui-ci
sur
les
Psaumes:
«Le
brave
et
intrépide
prince
Roupin,
leur
fondateur,
étant
un
parent
du
Grand
Roi
des
Arméniens
Kakig,
se
dirigea
du
côté
de
l'Orient
et
vint
dans
les
régions
de
Tarse,
sur
les
hauts
plateaux
de
la
Cilicie;
il
étendit
son
domaine
et
fut
maître
de
toute
la
contrée».
Chose
remarquable,
c'est
que
les
noms
des
deux
fondateurs
de
la
nouvelle
dynastie
arménienne
Roupin
ou
Ropin
et
Héthoum,
n'ont
jamais
été
connus
ni
même
entendus
dans
notre
nation
avant
eux.
Les
chroniqueurs
notent
l'année
1095
comme
date
de
la
mort
de
Roupin.
Quinze
ans
s'étaient
écoulés
depuis
la
mort
de
Kakig.
C'est
de
la
mort
de
ce
dernier
que
devrait
dater
le
commencement
de
la
principauté
des
Roupiniens,
c'est-à-dire
de
l'année
1080
de
l'ère
vulgaire.
De
cette
époque
à
la
domination
complète
de
la
Cilicie
par
le
fortuné
Léon,
il
s'écoula
un
siècle,
durant
lequel
Roupin
eut
huit
successeurs
et
compta
cinq
générations,
comme
le
montre
le
tableau
généalogique
ci-contre:
1080,
Roupin
I.
1095,
Constantin
I,
son
fils.
1100,
Thoros
I,
fils
de
Constantin.
1129,
Léon
I,
frère
de
Thoros,
—jusqu'en
1137.
1145,
Thoros
II,
fils
de
Léon
I.
1169,
Melèh,
frère
de
Thoros
II.
1175,
Roupin
II,
fils
de
Stéphané,
fils
de
Léon
I.
1187,
Léon
II
(des
Barons),
frère
de
Roupin
II.
1199,
Le
même,
premier
roi
de
Sissouan,
mort
en
1219.
Tous
ces
princes
ou
grands
Barons
avaient
avec
le
même
sang
le
même
naturel;
tous
poursuivaient
le
même
but.
Leur
caractère
indomptable
les
faisait
se
montrer
d'une
dureté
sauvage
en
secouant
le
joug
des
Grecs.
Ils
ne
voulaient
pas
seulement
vivre
libres,
selon
leurs
mœurs
et
la
foi
qu'ils
tenaient
de
leurs
pères,
ils
harcelaient
leurs
oppresseurs,
ils
les
maltraitaient.
Leur
but
était
de
les
chasser
du
territoire
dont
ils
reculeraient
les
frontières
jusqu'à
ce
que
la
nature
du
pays
ou
la
force
d'un
voisin
puissant
vinssent
y
planter
des
bornes.
C'est
ainsi
que
font,
pour
se
rendre
maîtres
peu-à-peu
de
tout
le
pays,
les
trois
premiers
Barons.
On
les
voit
étendre
leurs
possessions
aux
sommets
et
aux
pieds
des
montagnes.
Le
quatrième
(Léon
I.
)
s'avance
dans
la
plaine
et
bientôt
perd
à
la
fois
tout
ce
qu'il
a
conquis.
L'amour
de
la
liberté
inculqué
par
Roupin
dans
le
cœur
des
Arméniens
semble
s'éteindre
un
moment.
Mais
ses
quatre
derniers
descendants
non-seulement
reconquièrent
ce
qu'ils
avaient
perdu,
mais
y
ajoutent
l'un
après
l'autre
les
plateaux
et
les
plaines
de
la
Cilicie.
Pendant
un
demi-siècle,
ils
combattent
par
les
armes
et
par
la
ruse,
ils
s'étendent
sur
leurs
voisins,
les
Grecs,
les
Turcs
et
les
Francs
nouvellement
arrivés.
Ils
chassent
du
pays
ou
soumettent
à
leur
pouvoir
les
premiers;
ils
passent
des
traités
avec
les
seconds,
dont
ils
sont
protégés
par
les
remparts
fidèles
du
Taurus;
ils
s'allient
avec
les
troisièmes
dont
ils
prennent
les
usages.
Enfin
ils
arrivent
jusqu'à
la
Méditerranée
et
se
répandent
sur
toutes
ses
côtes.
Entre
cette
mer
et
leur
premier
pays
les
massifs
du
Mont
Taurus,
toute
la
Cilicie
cède
aux
armes
des
Arméniens
et
tombe
dans
leurs
mains.
Ce
n'est
plus
la
Cilicie,
c'est
une
nouvelle
Arménie;
c'est
un
nouveau
pays
qui
va
prendre
le
nom
de
son
conquérant,
de
celui
qui
avait
déjà
donné
son
nom
au
pays
qu'il
possédait,
quand
son
pouvoir
n'allait
pas
au-delà
des
montagnes,
et
qu'on
appelait
alors
le
pays
du
Seigneur
des
Montagnes.
L'on
verra
cela
plus
tard.
Ce
ne
furent
pas
les
Grecs
seuls,
autrefois
maîtres
de
ces
contrées
qui
devinrent
alors
sujets
des
Arméniens,
il
y
eut
aussi
des
Turcs,
des
Arabes,
auxquels
on
prit
leurs
forts
ou
qu'on
épouvanta
et
chassa
hors
du
pays.
Il
y
eut
encore
un
grand
nombre
de
Syriens
et
des
Francs
(j'entends
par
ce
dernier
nom
tous
les
peuples
de
l'Europe
qui
vinrent
en
Croisades
et
qui
s'étaient
rendus
maîtres
de
certaines
villes
de
la
Cilicie),
et
un
mélange
de
gens
de
peuples
nomades,
entre
autres
des
Turkomans
qui
s'étaient
pleinement
soumis
aux
successeurs
de
Roupin,
soit
par
la
force,
soit
par
les
lois
de
vasselage,
soit
enfin
par
la
conclusion
de
traités
particuliers.