Léon le Magnifique premier Roi de Sissouan ou de l'Arménocilicie

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  Sous les lois et la politique nouvelles, sous l'influence de nos nouveaux voisins et alliés étrangers, nos anciens us et coutumes durent forcément se modifier. Nersès de Lambroun écrivait de son temps 1: «L'Arménien devenu franc par le costume ». Et à Léon, lorsque le même Nersès voulut rejeter sur lui les reproches que Léon avait faits jadis à Nersès, en l'accusant d'introduire des nouveautés dans le pays, il écrivait qu'il (Léon) pouvait bien, lui aussi, suivre les anciens usages de ses ancêtres et ajoutait: « Ne tenez point votre tête nue, à l'instar des princes et des rois francs, mais coiffez plutôt le Charpouche de vos aïeux. Laissez croître les cheveux et la barbe, comme vos pères. Revêtez le large et épais toura, et non le pilon et les habits étroits. Montez à cheval avec brides, avec des poitrails et non pas sans eux et avec le lehle à la manière latine 2. Prenez les titres d'Emir, de Hédjoube (gouverneur de ville), de Marzeban (gouverneur de province), de Espassalar (commandant), et non pas ceux des Latins: Sire, Proximus, Connétable, Maréchal, Che v alier et Vassal, dont ceux-ci font usage... Et s'il vous pèse trop, s'il est trop dur pour votre Grandeur, d'abandonner les habitudes raffinées des Latins, c'est-à-dire des Francs, et de revenir aux anciennes mais plus grossières coutumes des Arméniens; par exemple, de laisser croître les cheveux et allonger la barbe, et de rélargir les vêtements, combien ne nous « pèsera-t-il pas plus de faire fi et d'abandonner les règles admirables que nous avons prises d'eux, à la gloire de la Sainte-Église Ces paroles du Saint, mais plus particulièrement celles qui ont trait à la manière de se vêtir, visent plutôt le Roi que les autres et laissent entrevoir les nouveautés que Léon avait fait introduire. Pourtant, Nersès ne dit rien sur ce qui nous paraît le plus intéressant, sur la Couronne royale. Elle était de la forme en usage chez les Latins ou les Byzantins, de qui Léon l'avait reçue. Ce n'était point le Sarpouche oriental, ”— Ê‘, que les Pakradouni mettaient à leur front, tels que les représentent les sculptures en relief des rois Sempad et Kourkène, ou de David et Kourkène, dans les temples de Sanahine et de Haghpade. Ce n'était point non plus cette majestueuse et la plus belle de toutes les couronnes royales, la tiare des Arsacides arméniens, comme on le voit sur les monnaies des Tigran et des Artavaste.

Le pilon, comme nous l'apprend l'ordre du sacre du roi, était la pourpre, le manteau des Romains. Il était appelé ainsi, parce qu'il ressemblait beaucoup par sa forme au manteau (pilon) des religieux arméniens. Il n'en différait que par sa couleur rouge.

Les habits serrés étaient la robe étroite faite à l'exemple de celle des Empereurs grecs. Dans nos manuscrits, nos rois sont représentés avec cette robe, le plus souvent de couleur bleue et surchargée de broderies et d'ornements tissés. Elle descendait jusqu'aux genoux et plus bas quelquefois. Par-dessus, on passait le manteau, la pourpre ornée de pierres précieuses et d'agrafes d'or. Autour des reins, on ceignait la ceinture, également couverte de pierres précieuses et de boucles d'or.

Le Tchaghtchère, comme on le voit encore dans l'ordre du sacre, n'est pas ce large vêtement qui descendait de la ceinture aux pieds, ce n'était que les étroits pantalons des chevaliers du temps.

Les mahmèzes, étaient les chaussures avec éperons que l'on mettait pour monter à cheval. La manière d'aller à cheval d'alors, ainsi que les harnais des chevaux étaient ceux en usage parmi les chevaliers de l'époque. Ces harnais étaient bien moins pesants que ceux dont les Arméniens se servaient auparavant.

Que les Roupéniens aient coupé leurs cheveux et accourci la barbe, la figure de Léon gravée sur son sceau nous l'atteste, ainsi que les miniatures représentant d'autres rois dans nos manuscrits.

Les emblèmes royaux étaient la bannière, surmontée d'un lion, le globe d'or et le sceptre à la pointe en forme de fleur de lis 3.

D'où l'on peut supposer que, à l'exception de la couronne et de la pourpre, les barons et les princes, ainsi que les nobles, portaient des vêtements de couleurs et d'ornements variés. La reine portait un costume différent peu de celui du roi; peut-être que sa tunique était aussi de même forme, ou un peu plus longue.

Nous pouvons nous faire une idée des habits du Roi et des habits du peuple par l'image que nous avons insérée dans Sissouan, p. 481, deux fois plus grande que l'original peint par Bidzagh Sarkis, le miniaturiste connu et l'auteur des miniatures qui illustrent l'Evangile de Trazargue. Ce qu'il y a, sans contredit, de plus important pour nous dans cette image, c'est le portrait de Léon IV, fils d'Ochine, qui paraît reproduire les traits réels du Roi 4. Il fut peint en 1331, lorsque ce Roi n'avait que 22 ou 23 ans.

Il est superflu de dire que Léon, tant au dehors qu'à l'intérieur de son palais accepta les coutumes et suivit l'étiquette des Cours de Byzance et des Occidentaux de l' époque. Nous avons fait remarquer déjà que sur son sceau et ses monnaies Léon avait fait graver la légende: Léon, Roi d'Arménie, par la grâce de Dieu. Quel que soit 1' écrit sur lequel Léon ait appuyé son sceau, les Arméniens l'ont appelé Sickel, du latin Sigillum. Léon dans ses décrets et ses lettres latines, puisque nous ne possédons aucune en arménien, qu'il adressait aux étrangers, signait de cette manière: Leo Dei gratia Rex Armeniorum, filius Stephani et de potenti genere Rupinorum, ou: Leo, filius Stephani, de potenti genere Rupinorum, Dei gratia, Rex Armeniorum. On peut s'en convaincre par les Privilèges de Léon aux Génois et aux Vénitiens. Quand il écrivait au Pape ou à l'Empereur, il ajoutait au « Dei gratia» les mots suivants: Per Romani imperii gratiam. Vers la fin de son règne, Léon, paraît avoir abandonné cette dernière formule, car aucun de ses successeurs n'en a fait usage. Et, comme la succession au trône passait directement du père au fils, on ne se crut plus vassal de personne, ni redevable du droit d'hommage envers personne.

Nous avons fait remarquer en outre que, dans leurs décrets et lettres de donation, les successeurs de Léon traçaient l'en-tête à la manière des Empereurs byzantins. Ainsi, ils écrivaient: N. N. Fidèle au Christ, Roi d'Arménie. C'est de même qu'écrivait Héthoum ( Voir Sissouan, p. 207 ) et Léon IV, ( Id. p. 363 ). L'aïeul de ce dernier, Léon II ( Id. p. 397 ), au lieu du mot « Fidèle », écrivait: Vrai serviteur de Dieu, et ajoutait encore: par sa grâce et sa miséricorde.

Les derniers rois Roupéniens ajoutaient à leur nom le titre glorieux de: « Roi de tous les Arméniens». Le mot « tous » ne se trouve que dans la première lettre de notre Léon au Pape. Jamais il ne l'écrivit dans ses autres lettres ou décrets, et c'est ce qui mérite d'être pris en considération 5. Ses sujets donnaient au Roi l'épithète commune de « Saint Roi » (Sourp Takavor), outre les qualifications que lui donnait chacun de sa propre volonté. Ce «Saint Roi» répété sans cesse aux oreilles des étrangers, passa dans leurs chroniques ils l'écrivirent «Soup takvol» 6.

Aucune lettre écrite par des sujets de Léon ne nous est parvenue. C'est avant le Sacre que Nersès de Lambroun lui écrivit. Nous ne possédons non plus aucune des lettres écrites par Léon à un autre Roi. On lui décernait communément les épithètes de: Saint, Pieux, Assisté de Dieu, Christophile, Vainqueur. On s'est servi probablement à son égard du mot d' adoration; puisque nous le voyons dans un morceau de parchemin se trouve l' en-tête d'une lettre écrite au Roi Ochine, en 1310: « Assisté par les armées du Seigneur, fait Roi d'Arménie par la grâce de Dieu et couronné par Dieu, Nous, vos serviteurs, aussi infimes que la poussière de la terre, Nous, Grégoire Ternebanontz (de portier) et Grégoire prêtre qui.... courbons notre front jusqu'à terre, et nous rappelons avec adoration à Votre Majesté ... ».

Du reste, ces épithètes changeaient selon la personne et le rang de celui qui écrivait. Les étrangers lui donnaient le nom d'Illustris, Serenitas ou Magnificentia, comme nous le voyons dans les lettres d'Innocent III, à Léon 7.

Toutes ces épithètes, tous ces surnoms, écrits par le Roi ou décernés au Roi, se faisaient entendre dans le temple du Tout-Puissant pendant la célébration de la Messe, au moment l'on désigne ceux pour qui l'on prie, comme nous le lisons dans les Missels écrits au temps des Roupéniens. Il est dit, par exemple, dans ces Missels: « Nous vous prions, Seigneur, pour la force et la victoire de notre fidèle Roi en J-C. N. N... et de tous les Rois Chrétiens... Et surtout pour nos rois défunts, Héthoum et les Léon et leur reines Zabel et Gherani ( Kyria-Anna ), et pour ceux qui versèrent leur sang pour la foi: les Thoros et le Baron Constantin, et pour leurs fils et leurs ancêtres les Roupéniens, et pour la délivrance de nos frères, etc. etc. »

1 Dans son Commentaire sur la Messe.

2 Nous ne connaissons pas au juste la signification précise de ces termes de l'original, Sukhdial, Djouchan, Lehle qui doivent être de la Chevalerie du temps, ou de l'époque arabe.

3 Vahram décrit ainsi ces insignes dans son poème:

«Ils sacrèrent le roi d'Arménie Héthoum,

Et le couronnèrent d'une couronne d'or;

Ils lui donnèrent un sceptre d'or,

Et un globe surmonté de pierres précieuses».

4 L'usure du parchemin ne nous a pas permis de reproduire tout à fait exactement les traits de Léon.

5 Sous le règne de Léon, la plus grande partie de notre nation, dans la Grande Arménie, se trouvait sous le pouvoir des Seldjoucides et des Géorgiens. La Petite Arménie était soumise aux Sultans de Konieh, de Sébaste, de Erzéroum, etc. Le Roi de Sissouan n'avait aucune autorité, aucune influence sur ces deux Arménies. Après Léon, les Tartares s'emparèrent de toute l'Arménie, de la Grande et de la Petite, et soumirent Sissouan aussi. Les Rois de Sissouan n'avaient donc plus le droit de se dire Rois de tous les Arméniens. La seule raison que je trouve pour qu'ils aient pu conserver cette appellation, c'est que le Roi de Sissouan était le seul roi de nationalité arménienne ou parce qu'il était fait mention de lui, avec le Catholicos de tous les Arméniens, dans les offices de l'Église.

Il faut convenir cependant, que Léon et ses successeurs se crurent non seulement roi des Arméniens du pays de Sissouan mais de ceux aussi qui se trouvaient dispersés dans les provinces et les pays voisins des Princes occidentaux, de Chypre et de la Syrie. Et nous voyons même, en revanche, les Arméniens de ces divers pays, appeler, le Roi de Sissouan, dans leurs chroniques, notre Roi, ou le Roi des Arméniens. A ce point de vue, les principaux centres de colonies ou communautés arméniennes, sur lesquels rejaillissent les rayons de la Couronne royale de Sissouan, étaient:

1. Jérusalem les Arméniens étaient en grand nombre avant l'arrivée de la première Croisade, sons le grand Grégoire le Martyrophile. Outre les historiens de notre nation, les chroniques occidentaux et les Assises de Jérusalem attestent qu'il y avait à Jérusalem beaucoup d'Arméniens et qu'au milieu du XII siècle ils y possédaient un hôpital, toute une rue ou quartier qu'on appelait Ruga Armenorum, citée dans les documents des Archives, en 1222. (Böhmer II, 142).

2. Antioche et ses environs, avant et depuis l'arrivée des Croisés et sous le gouvernement des Princes, il y avait un grand nombre d'Arméniens.

3. Ptolémaïs ou S. Jean-d'Acre, la première ville comme entrepôt commercial et garnison des Occidentaux après la prise de Jérusalem par Saladin. Les Arméniens y possédaient un hospice vers le milieu du XII siècle, que le Roi Gui de Lusignan donna aux Templiers en 1190. En 1248, il y résidait encore beaucoup de nos compatriotes, cela est attesté par leur Bailli qu'ils y avaient, quoique celui-ci portât un nom étranger; il s'appelait Guiscard.

4. Césarée de Palestine, se trouvait, au milieu du XII siècle, un grand nombre d'Arméniens dont il est fait mention dans les Assises de Jérusalem. (Beugnot, les Assises de Jérusalem, II, 511, 528).

5. Tyr et Sidon, des nobles Arméniens s'allièrent avec les Princes de ces villes encore indépendantes. Comme Fimie, fille de Héthoum I, qu'épousa Julien, Seigneur de Sidon ou Saïd; Zabel, fille de Léon II, avec laquelle se maria Amaury, frère du Roi de Chypre, ensuite bailli de cette Ile.

6. Karak ou Grag et Schaubak ou Monreal, les principales des sept forteresses du royaume de Jérusalem, voisines de l'Égypte, de l'Arabie, du Désert et de la Mer. Il y avait une colonie arménienne, dont nous possédons un Ménologue qui se trouve aujourd'hui à Etchemiadzine et qui fut écrite au Couvent de Trazargue en 1316. Ce livre a été donné à l'Église S. Georges de Karak, en 1330, par Léon IV.

Laissant de côté tous les autres endroits de moindre importance de cette région, nous citerons:

7. Chypre, qui mériterait un chapitre à part, tant cette île est pleine des souvenirs et des établissements des Arméniens. Nous laissons cette tâche aux curés de l'Église, qui y existe encore et est officié de nos jours. Nous dirons seulement que la plus grande colonie des Arméniens s'y trouvait entre le XII et le XV siècle, lors de la fondation de deux sièges épiscopaux arméniens à Famagoste et à Nicosie. Le premier n'eut qu'une courte durée, le second se tint plus longtemps. Dans le diocèse de Nicosie, il y avait tout un bourg appelé, à cause de ses habitants, Armenia. L'église de ce bourg était dédiée à la S. te Vierge. Peut-être a-t-on confondu cette église, avec une autre du même nom élevée à Maghousa, qui existait en 1311, pendant qu'y brillait la grande protectrice des savants et des religieux, Alice, fille de Héthoum de Lambroun et femme du Sénéchal de Chypre.

Aux environs de la capitale de l'île, on cite encore d'autres villages arméniens: Le Dgypse, fondé en 1306, dont l'église était dédiée aux Saints-Archanges. A une époque plus récente: Platani, Rarnokipos ou Cornogibo: dans la province de Famagoste: Spathario ou Spathariko, se trouvaient au temps de Léon II, je crois, les églises du Saint-Général (S. Sarkis) et de la Sainte Barbara. Une autre grande église arménienne est citée à Piskopia, Episcopie ou Lapais, se trouvait le monastère des Prœmonstrates. C'est dans ce couvent que l'historien Héthoum, Seigneur de Coricos, prit l'habit religieux et le nom d' Antoine. On connaît le monastère actuel des Arméniens et la résidence du prélat à Saint-Macaire.

M. le C. te de Mas-Latry, le célèbre historien et chirographe de Chypre, écrivait voici trente ans, qu'il existait aux alentours de Nicosie, cinquante ou soixante familles arméniennes. Aux XIV et XV siècles, on cite des paysans arméniens, habitant les vallées de Missores et les montagnes de Cérines. Ne seraient-ce pas les cultivateurs des vignes appelées arméniennes, dont nous parlons dans notre Sissouan à la p. 13.

6 Willebrand, Voyages. Joinville, Vie de S. Louis,

7 Dans un de nos manuscrits, on rencontre un chapitre spécial sont réunies toutes les épithètes glorieuses qui étaient décernées au Roi. Il était appelé: "Semence précieuse poussée sur le trône de nos anciens bons pères, établie en la maison de Dieu et en la Cour du Seigneur, élevé à la dignité royale par la providence du suprême Souverain et par la volonté d'une assemblée solennelle, Roi pieux et Théophile,,.