Nous
avons
dit
plus
haut
quels
étaient
les
traités
qui
avaient
été
passés
entre
Léon
et
le
prince
d'Antioche
qu'il
tenait
prisonnier.
Il
avait
été
stipulé
que
si
Alice,
fille
de
Roupin
II,
accouchait
d'un
enfant
mâle,
celui-ci
hériterait
du
trône
d'Antioche.
Ce
fut
justement
un
garçon
que
cette
princesse
mit
au
monde.
Raymond,
père
du
prince
nouveau-né,
mourut
prématurément
en
1198,
selon
quelques-uns
des
suites
d'une
passion
violente,
selon
d'autres
blessé
mortellement
par
des
traîtres
ismaélites.
Avant
de
rendre
le
dernier
soupir,
ce
Raymond
fit
venir
son
vieux
père
Bohémond
III
et
lui
fit
jurer
encore
une
fois
que,
selon
l'acte
signé,
il
devait
faire
asseoir
sur
le
trône
son
fils
encore
dans
le
plus
tendre
âge
et
lui
donner
son
propre
nom
et
celui
de
son
aïeul
maternel,
et
l'appeler
Roupin-Raymond.
Le
vieillard
prêta
serment
et
désigna
l'
enfant
pour
son
successeur.
Raymond
fit
aussi
jurer
à
tous
ses
gens,
qu'aussitôt
après
sa
mort,
ils
seraient
fidèles
au
jeune
prince
et
s'en
reconnaîtraient
les
vassaux.
Les
dernières
volontés
du
mourant
furent
scellées
et
remises
à
Léon.
Mais
le
fils
cadet
du
dit
Bohémond,
s'était
déjà
emparé
de
la
moitié
de
la
principauté
de
ce
dernier.
On
l'appelait
Comte
de
Tripoli.
Il
était,
comme
l'indique
le
surnom
de
le
Borgne
qu'on
lui
avait
donné,
court
de
vue
mais
fin
d'esprit.
Jaloux
de
la
grandeur
de
Léon
qui
était
roi
depuis
peu
de
temps
et
sachant
qu'Antioche
devait
passer,
après
la
mort
de
son
père,
au
jeune
prince
Roupin,
alors
sous
la
protection
de
Léon,
il
résolut
de
s'y
opposer.
Il
prévoyait
bien
aussi,
lui
qui
était
non
moins
fier
et
ambitieux
que
Léon,
que
celui-ci
soumettrait
tout
le
pays
d'Antioche
à
Roupin-Raymond
et
qu'alors
il
pourrait
affronter
toutes
les
puissances
occidentales
établies
en
Orient.
Alors,
sans
aucun
égard
pour
l'âge
de
son
vieux
père
qu'il
voyait
fidèle
aux
droits
de
son
fils
aîné
et
de
son
successeur,
il
se
fit
de
nombreux
partisans
et
chassa
son
vieux
père
du
trône
dont
il
s'empara
et
se
fit
proclamer
Prince
d'Antioche.
Léon,
fort
des
promesses
du
prince
et
des
actes
conclus,
ne
s'attendait
point
à
ce
coup
qui
le
laissa
un
moment
déconcerté.
Bien
que
la
gestion
de
son
nouveau
royaume
lui
prît
tout
son
temps,
il
se
hâta
de
réunir
autant
de
soldats
que
le
moment
lui
permettait
et
vint
étouffer
ce
commencement
de
rébellion
avant
qu'elle
n'eût
pu
s'étendre.
C'était
une
lutte
de
fin
contre
fin,
d'obstiné
contre
obstiné,
et
d'un
côté
comme
de
l'autre
on
prolongeait
les
hostilités.
Le
soi-disant
prince
savait
qu'avec
ses
seules
forces
il
ne
pourrait
pas
tenir
tète
longtemps
à
Léon;
par
des
promesses
et
des
manèges
il
se
gagna
les
braves
chevaliers
des
deux
ordres
des
Hospitaliers
et
des
Templiers.
Depuis
quelque
temps,
ces
derniers
n'étaient
plus
en
bons
termes
avec
Léon,
parce
qu'il
leur
avait
pris
la
forteresse
de
Gasdim
que
Saladin,
lors
de
son
invasion,
avait
laissée
de
côté.
Quant
aux
autres
chevaliers,
il
paraît
qu'ils
avaient
aussi
quelque
raison
d'en
vouloir
à
Léon
contre
lequel
ils
s'unirent
avec
le
Comte
de
Tripoli,
ce
fils
dénaturé
de
Bohémond
III.
Ce
nouveau
contretemps
ne
découragea
nullement
Léon.
Il
vint
rapidement
assiéger
Antioche
et
la
serra
de
près.
Il
croyait
que
toute
la
ville
n'épouserait
pas
la
cause
du
Comte
et
qu'elle
respecterait
les
traités
d'alliance
et
les
actes
passés.
De
son
côté,
le
Comte
voyant
que
les
Chevaliers
ne
parviendraient
pas
à
repousser
Léon,
anima
contre
lui
son
voisin
le
plus
proche
et
son
plus
terrible
ennemi,
le
Sultan
d'Iconie,
Kelidge
Arslan
II
Keïkhosrou.
Léon
eut
alors
à
s'opposer
à
quatre
et
même
cinq
puissances
dont
il
était
entouré;
car
le
Sultan
d'Alep
fut
excité
lui
aussi
par
le
Comte
de
Tripoli,
à
venir
prêter
main-forte
à
son
coreligionnaire,
le
Sultan
d'Iconie
contre
Léon.
Celui-ci,
ayant
fait
surprendre
par
ses
espions
les
envoyés
du
Comte,
leur
fit
avouer
tout
ce
que
leur
maître
tramait
contre
lui.
Pris
de
peur,
ils
dirent
tout
ce
qu'il
en
était.
Alors
Léon
jugea
qu'il
devait
avant
tout
se
jeter
sur
le
plus
fort:
il
s'éloigna
d'Antioche
et
fit
irruption
dans
le
pays
de
celui
qui
portait
le
même
nom
que
lui,
lion,
et
s'appelait
aussi
glaive
(Kelidje),
et
fit
reculer
ce
dernier.
Ensuite,
il
détacha
les
Chevaliers
du
parti
du
Comte
qu'il
vainquit
avec
leur
aide.
Alors
il
chassa
l'usurpateur
du
trône
sur
lequel
il
remit
le
vieillard
à
qui
il
confia
l'héritier
légitime,
le
jeune
Roupin-Raymond.
Ces
év
è
nements
durèrent
trois
mois.
Ce
fut
pendant
l'
été
de
l'année
du
couronnement
de
Léon,
en
1199,
ou
l'année
d'après.
Léon
rendit
compte
au
Pape
de
ce
qui
venait
de
se
passer
et
lui
manda
à
cette
occasion
un
ambassadeur
à
qui
il
remit
des
lettres
et
des
présents,
auxquels
le
Pontife
avait
droit
par
son
haut
rang.
Celui-ci
lui
répondit:
«
Nos
per
eumdem
Nuntium
tuum
magnifice
et
liberaliter
visitasti
».
L'ambassadeur
était
Robert,
de
la
famille
des
Seigneurs
de
la
célèbre
forteresse
de
Margat,
située
sur
les
côtés
de
la
Syrie,
entre
Antioche
et
Tripoli,
et
appelée
aujourd'hui
Kalath-el-Markab.
Cette
forteresse
avait
été
vendue
quinze
ans
auparavant,
en
1186,
aux
Chevaliers
de
l'Hôpital.
A
cause
de
cela,
Robert
était
entré
au
service
de
Léon
qui
le
traitait
de
«
son
fidèle
et
cher
militaire
».
Léon,
dans
ses
lettres,
après
avoir
informé
le
Pape
de
tous
les
incidents
survenus
à
Antioche,
lui
disait
que
son
ambassadeur
lui
raconterait
le
reste.
Il
le
priait
en
même
temps
de
lui
rendre
justice
et
de
mettre
un
terme
aux
agissements
de
l'usurpateur
Comte
de
Tripoli,
de
lui
venir
en
aide,
à
lui
Léon,
le
plus
vite
possible
et
de
protéger
la
terre
de
Syrie,
avant
que
toute
espérance
de
pouvoir
arriver
à
le
faire
fût
évanouie.
Le
Pape,
dans
sa
lettre
du
17
Décembre,
lui
répondait
qu'il
ne
doutait
pas
certainement
que
ce
qu'il
lui
avait
écrit
ne
fût
vrai,
mais
que
les
droits
de
justice
exigeaient
qu'on
interrogeât
les
deux
partis
controverses;
c'est
pour
cela
qu'il
soumettait
la
question
à
deux
de
ses
Nonces,
pour
la
juger
impartialement.
Il
priait
encore
Léon
de
ne
pas
préférer
ses
intérêts
personnels
aux
intérêts
généraux,
c'est-à-dire
l'alliance
avec
les
Croisés,
d'autant
plus
que
le
père
du
Comte
de
Tripoli,
Bohémond
III,
depuis
qu'il
avait
été
remis
sur
le
trône,
avait
écrit
au
Pape
pour
le
supplier
de
s'instituer
le
protecteur
de
son
petit-fils.
Le
même
jour,
le
Pape
avait
remis
encore
une
autre
lettre
pour
Léon,
dans
laquelle
il
lui
exprimait
toute
sa
satisfaction
de
le
voir
s'offrir
spontanément
à
prendre
part
à
la
Croisade
et
à
marcher
contre
les
Sarrasins
et,
pour
lui
prouver
le
contentement
qu'il
en
ressentait,
le
Pape
lui
envoyait,
pour
souscrire
à
la
demande
de
l'ambassadeur,
la
bannière
de
S.
Pierre,
qu'il
lui
remettait,
afin
qu'il
allât
avec
cette
bannière
combattre
les
ennemis
de
la
Croix.
Le
même
jour
encore,
le
Pontife
Romain
écrivait
aussi
aux
principaux
Barons
de
Léon,
à
Pagouran
(dans
sa
lettre,
écrit
Pagan),
qui
doit
assurément
être
l'oncle
maternel
de
Léon
et
le
Seigneur
de
Babéron,
et
à
Aron,
ainsi
qu'il
est
indiqué
dans
la
lettre.
Ce
dernier
n'étant
pas
cité
dans
l'histoire
et
son
nom
ne
se
trouvant
pas
dans
la
série
des
Seigneurs
de
châteaux-forts,
je
pense
que
ce
doit
être
le
Aiton
des
Latins
et
le
Héthoum
des
Arméniens,
Seigneur
de
Lambroun
et
frère
de
S.
Nersès
de
Lambroun.
Le
Pontife
Romain
leur
annonçait
dans
ces
lettres
qu'il
envoyait
une
bannière
au
roi
Léon
et
les
engageait
à
s'unir
avec
lui
et
les
autres
Croisés,
contre
les
ennemis
des
Chrétiens.
Au
mois
d'Octobre
1201,
dès
le
retour
de
son
ambassadeur,
Léon
adressa
de
Sis
une
lettre
de
remerciement
au
Pape.
Cette
bannière
du
Chef
de
l'Église
universelle,
ajoutée
aux
trois
couronnes
royales
que
Léon
avait
reçues
des
Souverains
des
trois
plus
grandes
puissances
de
ce
temps
(de
l'Empereur
d'Allemagne,
de
l'Empereur
de
Constantinople
et
du
Calife
des
Musulmans
),
on
serait
tenté
de
dire
qu'elle
rehaussa
la
majesté
de
notre
Roi
et
qu'elle
sembla
le
placer
au-dessus
non
seulement
de
tous
nos
autres
souverains
couronnés,
ses
prédécesseurs
et
ses
successeurs,
mais
même
encore
au-dessus
de
tous
ses
contemporains.
Ce
qui
nous
rend
plus
glorieux,
c'est
que
son
seul
mérite
valut
à
Léon
ces
couronnes
et
ces
faveurs
et
qu'il
marcha
de
pair
avec
tant
d'illustres
souverains
qu'il
contraignit,
en
quelque
sorte,
ou
à
s'abaisser
et
lui
rendre
hommage
ou
à
le
respecter
en
l'égalant
à
eux.
Ainsi
donc,
si
je
ne
m'abuse,
ce
fut
le
point
le
plus
haut
de
la
gloire
de
Léon
et
de
tout
son
peuple
arménien.
Aussi
grande
fut
l'estime
du
Pape
pour
notre
Roi,
aussi
grand
fut
l'espoir
qu'il
fondait
dans
son
Alliance
avec
les
Croisés,
auxquels
Léon
promettait,
en
1203,
d'envoyer
vingt
mille
soldats
auxiliaires,
aussi
fatales
furent
au
succès
des
Chrétiens
tant
occidentaux
qu'orientaux
les
inimitiés
du
Comte
de
Tripoli.
Ce
dernier
non
content
d'agiter
tout
le
pays,
fomenta
de
nouvelles
discordes.
Il
employa
toutes
les
perfidies,
il
répandit
toutes
les
calomnies
pour
séparer
les
Latins
de
Léon,
pour
exciter
les
Sarrasins
contre
lui,
en
même
temps
qu'il
brouilla,
—
prétend-on,
—
avec
lui
son
vieux
père
qu'il
finit
par
mettre
de
son
côté.
Il
fit
plus
encore;
il
engagea
les
princes
occidentaux,
venus
en
O
rient,
à
diriger
une
Croisade
contre
Léon.
Parmi
ces
princes,
sont
cités
par
leurs
noms;
Renard,
Comte
de
Dampierre
et
Jean
de
Nigellas.
Ce
dernier
mourut
de
la
fièvre
dans
le
pays.
Renard
de
Dampierre
s'étant
jeté
témérairement
avec
quatre-vingts
cavaliers
sur
les
Sarrasins,
près
de
Laodicée,
fut
fait
prisonnier
et
conduit
à
Alep
où
il
resta,
trente
ans
captif
et
ne
rentra
dans
sa
patrie
que
longtemps
après.
Ensuite
le
Comte
de
Tripoli
ramena
à
sa
cause
les
Templiers
que
Léon
avait
gagnés
en
leur
donnant
des
propriétés
dans
son
pays
pour
une
valeur
de
trente
mille
besants
d'or.
Ces
Templiers
avaient
aidé
Léon
à
chasser
l'
usurpateur
et
à
remettre
le
vieux
Bohémond
III
sur
son
trône.
Le
Comte
les
ayant
fait
revenir
de
son
côté,
les
Templiers
se
tournèrent
contre
Léon
et
exigèrent
de
celui-ci
la
restitution
de
leur
ancien
domaine,
la
forteresse
de
Gasdim.
Le
Comte
savait
que
Léon
ne
la
leur
rendrait
jamais.
C'était
une
formidable
forteresse
qui,
seule,
défendait
les
frontières
d'Antioche.
Léon,
qui
ne
se
méfiait
aucunement
des
Templiers,
se
préparait
alors
à
attaquer
les
Iconiens;
c'était
vers
le
mois
de
Juillet
1201.
Ces
derniers
étaient
en
dissensions;
le
Sultan
avait
des
démêlés
avec
ses
fils.
Léon
invita
donc
les
Templiers
à
se
joindre
à
lui.
Ils
vinrent
en
hâte
à
Antioche
et
Léon
alla
à
leur
rencontre
pour
leur
rendre
les
honneurs.
Mais
quel
ne
fut
pas
son
étonnement
lorsqu'au
lieu
de
l'alliance
qu'il
en
attendait,
ils
lui
présentèrent
une
lettre
(sans
date)
du
Pape,
par
laquelle
celui-ci
lui
faisait
savoir
que
bien
qu'il
ait
entendu
son
envoyé,
Robert,
et
qu'il
ait
accueilli
toutes
les
preuves
que
ce
dernier
lui
avait
apportées
de
sa
part
pour
lui
affirmer
que
Gasdim
avait
d'abord
appartenu
à
son
oncle
Melèh
et
qu'ensuite
il
l'avait
reprise
aux
Sarrasins,
comme
cette
place
avait
été
donnée
aux
Templiers,
elle
ne
pouvait
pas
leur
être
retirée.
Ainsi
donc
le
Pontife
Romain,
avec
sagesse
et
prudence
et
se
servant
de
termes
pleins
de
douceur,
—
(auxquels
Léon
répondait
plus
tard:
«
mellifluis
litteris
vestris
perspicue
intelligimus
»,
—
engageait
notre
Roi
à
rendre
temporairement
Gasdim
aux
chevaliers
du
Temple,
lui
promettant
qu'il
ferait
juger
la
cause
à
sa
cour
ou
par
les
Nonces
qu'il
allait
envoyer
bientôt
en
Orient,
et
à
la
sentence
desquels
il
le
priait
de
se
soumettre.
Léon
accepta
d'attendre
l'arrivée
des
Nonces
pour
juger
la
cause;
il
confia
même
Roupin
aux
Chevaliers
pour
qu'ils
l'instruisissent
dans
l'art
des
armes.
Cependant
il
les
pria
de
se
contenter
pour
le
moment
de
toutes
les
possessions
qu'il
leur
avait
données,
mais
il
leur
promit
en
même
temps
de
leur
faire
passer,
jusqu'au
jour
où
la
sentence,
qui
déciderait
de
la
chose,
aurait
été
prononcée,
les
revenus
de
la
forteresse
de
Gasdim.
De
plus,
il
s'engagea
à
les
aider
à
arracher
aux
Sarrasins
le
fort
de
Tarbessag
et
tout
le
territoire
qui
en
dépendait,
à
la
condition
seule
qu'ils
vinssent
avec
lui
maintenant
combattre
contre
le
Sultan
d'Iconie.
Les
Templiers
s'y
refusèrent.
Alors
il
leur
demanda,
puisqu'ils
ne
voulaient
point
marcher
avec
lui,
de
se
charger
de
la
défense
de
son
pays,
jusqu'à
ce
qu'il
en
eût
fini
avec
les
Musulmans.
Les
Templiers
s'y
refusèrent
également
avec
opiniâtreté
et
retirèrent
leurs
troupes.
Alors
Léon
leur
tourna
le
dos
et
s'avança
seul
contre
ses
ennemis.
Il
revint
en
triomphe
dans
ses
Etats
et
retrouva
son
pays
en
paix,
tel
qu'il
l'avait
quitté.
Ensuite,
il
se
retourna
contre
Antioche
qu'il
assiégea
pendant
trois
mois,
après
lesquels,
cédant
aux
instances
des
habitants
et
ne
voulant
pas
contrarier
le
Pontife
Romain,
il
s'en
éloigna.
C'est
le
seul
motif,
comme
il
l'a
écrit
lui-même,
et
non
pas
la
crainte
qui
le
fit
se
retirer.
Léon
adressa
une
longue
lettre
au
Pape
pour
lui
faire
part
des
év
è
nements
qui
venaient
de
se
passer;
il
envoya
cette
lettre
par
le
Chevalier
Teuton
Garnier,
son
ambassadeur.
Dans
cette
lettre,
il
priait
en
même
temps
le
Pontife
Romain
de
lui
mander,
parmi
les
Nonces
qui
devaient
venir
lui
rendre
justice,
le
vieil
archevêque
de
Mayence
qui
l'avait
couronné
roi.
Il
ignorait
que
celui-ci
fût
mort
en
1200.
Léon
suppliait
encore
le
Pape,
—
car
il
paraît
que
le
patriarche
d'Antioche
avait
pris
le
parti
du
Comte
de
Tripoli
et
menaçait
d'excommunier
Léon
et
ses
partisans,
—
de
retirer
à
quiconque,
quel
que
soit
le
degré
qu'il
occuperait
dans
la
hiérarchie
ecclésiastique
de
l'Église
latine,
tout
pouvoir
d'excommunier
lui
et
les
siens,
pas
même
les
Latins
qui
résideraient
dans
ses
Etats.
Il
demandait
au
Pape
de
lui
confirmer
par
écrit
qu'il
faisait
droit
à
cette
demande.
Il
le
priait
encore
de
presser
l'arrivée
des
auxiliaires
des
Croisés
de
l'Occident
surtout
en
ce
moment
que
les
Sarrasins
étaient
en
discorde
et
avaient
des
querelles
entre
eux;
car,
lorsque
ceux-ci
seraient
réconciliés
et
unis,
il
ne
serait
plus
possible,
disait-il,
de
leur
tenir
tête.
Grégoire
Abirad,
le
Catholicos,
écrivit
aussi
de
son
côté,
mais
sous
le
point
de
vue
religieux,
une
lettre
au
Pape,
pour
le
remercier
de
l'honneur
qu'il
avait
fait
au
Roi
en
lui
envoyant
la
bannière
apostolique.
Dans
cette
lettre,
Abirad
appelait
Léon
le
Vainqueur.
L'Archevêque
de
Sis,
Jean,
qui
succéda
à
Grégoire
sur
le
siège
pontifical,
écrivit
aussi
dans
le
même
sens
au
Pape.
Le
Catholicos
fit
également
porter
sa
lettre
par
Garnier.
Il
priait
le
Pontife
Romain
de
lui
envoyer
le
pallium,
la
mitre
et
l'anneau
et
de
faire
partir
des
armées
pour
marcher
avec
le
Roi
contre
les
Sarrasins.
Les
réponses
aux
trois
lettres
de
Léon,
d'Abirad
et
de
Jean
furent
données
par
le
Pape
huit
mois
après,
c'est-à-dire
dans
les
premiers
jours
de
l'an
1202.
Le
Pape
accordait
à
chacun
ce
qu'il
lui
avait
demandé
et,
après
leur
avoir
donné
satisfaction,
leur
annonçait
la
réunion
des
nouveaux
Croisés
à
Venise,
d'où
ils
allaient
faire
voile
pour
l'Orient
et
qu'avec
ceux-ci
partaient
ses
deux
Nonces,
les
Cardinaux
Sophrède
de
l'Église
de
S.
te
Praxide,
et
Pierre,
de
S.
Marcel.
Il
assurait
Léon,
par
des
paroles
aimables,
que
personne
n'aurait
le
pouvoir
de
l'excommunier
que
lui
seul
le
Pape,
ou
son
Nonce
par
une
autorisation
spéciale.
Ces
lettres
arrivèrent
en
Arménie
quelques
mois
après
qu'elles
eurent
été
écrites.
Dans
l'espace
d'une
année,
—
ainsi
que
quelques-uns
le
prétendent,
—
était
mort,
en
1201,
le
vieux
Bohémond
III,
après
avoir
maîtrisé
son
pays
pendant
cinquante
deux
ans.
Son
fils,
le
Comte
de
Tripoli,
se
sentant
plus
libre
alors,
poussa
l'audace
de
ne
tenir
aucun
compte
des
traités
naguère
conclus
et
s'empara
du
trône.
Mais
les
plus
sensés
de
ses
ministres
et
des
hauts
personnages
de
la
principauté
l'abandonnèrent
et
vinrent
se
mettre
au
service
de
Léon.
On
cite
entre
autres
le
Chambellan
Olivier,
le
Bouteiller
Pagen,
Roger
de
Mout,
Thomas
Le
Brun,
Guillaume
de
l'Isl
e
et
Echouard.
Le
Comte
n'en
fit
aucun
cas
et
n'attendit
même
pas
que
les
Nonces
du
Pape
fussent
arrivés
et
eussent
rendu
leur
sentence.
Les
Nonces
n'arrivaient
pas.
Ils
étaient
partis
de
Venise
avec
les
Croisés
qui,
au
lieu
de
se
hâter
et
d'accourir
en
Syrie,
passèrent
par
la
Dalmatie
où
ils
restèrent
quelque
temps.
Ensuite
ceux-ci
eurent
la
guerre
avec
les
Grecs,
s'emparèrent
de
Constantinople
et
y
mirent
un
Empereur
latin.
Ils
n'arrivèrent
que
longtemps
après,
en
1203,
en
Palestine.
Les
Nonces
les
avaient
précédés
et
étaient
arrivés
à
Ptolémaïs
vers
la
fin
de
l'année
1202.
Léon
avait
couru
aux
armes,
ne
pouvant
souffrir
plus
longtemps
l'audace
du
Comte
de
Tripoli
qui,
après
avoir
chassé
le
véritable
héritier
du
trône,
forçait
encore
les
Antiochiens
à
lui
jurer
fidélité.
Beaucoup
d'entre
eux
avaient
prononcé
le
serment,
mais
un
plus
grand
nombre
s'y
refusèrent.
Il
en
résulta
une
querelle
terrible
entre
eux.
Les
Nonces
en
ayant
été
informés,
firent
appeler
à
leur
conseil
les
Maîtres
des
Hospitaliers
et
des
Templiers.
Mais
n'ayant
pu
rien
décider,
Sophrède
vint
à
Tripoli
et
invita
les
deux
partis
adverses
à
se
rendre
auprès
de
lui.
Ceux-ci
s'y
étant
refusés
et
n'ayant
même
pas
répondu
à
son
invitation,
Sophrède
leur
envoya
les
deux
évêques
de
Bethléem
et
d'Antarratos
pour
les
engager
à
se
présenter
à
lui.
Trois
mois
après,
dans
les
premiers
jours
de
Février
1203,
le
Comte
arriva
à
Tripoli,
non
pas
pour
aller
voir
le
Nonce
mais
pour
ses
affaires
particulières.
Tous
les
évêques
l'avaient
excommunié
à
cause
de
ses
querelles
avec
les
Hospitaliers.
Sophrède,
n'ayant
rien
pu
obtenir,
s'embarqua,
après
les
jours
de
Pâques,
accompagné
d'un
grand
nombre
de
personnages
nobles
et
sensés,
et
vint
à
Antioche
où
se
trouvait
Léon
qui
assiégeait
la
ville.
Le
Nonce
le
pria
de
suspendre
le
siège
jusqu'à
ce
que
les
pourparlers
aient
donné
un
résultat.
Léon
accorda
un
armistice
de
trois
jours
d'abord,
puis
de
neuf
jours
pour
laisser
le
temps
d'arriver
au
Roi
de
Jérusalem.
Pendant
ces
jours
de
répit,
le
Nonce
s'entretint
paisiblement
avec
Léon,
qui
ne
lui
demanda
que
de
faire
justice
à
Roupin
et
à
sa
mère.
Il
gardait
sa
parole
pour
tout
ce
qu'il
avait
promis
au
Pape;
il
s'en
remettait
à
ce
qu'auraient
jugé
les
Légats
du
Pape,
et
les
Barons
qui
devaient
venir
quelques
jours
après;
il
promettait
enfin
de
venir
en
aide
aux
Croisés
avec
vingt
mille
hommes.
Tous
les
compagnons
de
Sophrède,
hormis
un
seul,
donnaient
raison
à
Léon.
Ils
allèrent
jusqu'à
dire
au
Cardinal
que,
ni
le
Pape
ni
le
Nonce
n'avaient
le
droit
de
s'ingérer
dans
cette
affaire.
Sophrède,
confus,
s'en
retourna
plein
de
tristesse
avec
son
seul
partisan
à
Margat,
où
il
tomba
malade.
Cependant
il
s'exprimait
ainsi
dans
sa
lettre
au
Pape:
«Videbatur
mihi
petitio
ejusdem
Regis
justa
et
admittenda;
oblatio
quoque
utilis
multum
et
fructuosa
Christianitati
».
Quand
Léon
vit
qu'il
ne
lui
était
point
rendu
justice,
comme
il
l'avait
espéré,
il
entra
de
force
à
Antioche
le
11
Novembre
1203.
Il
nomma
Alice
tutrice
de
son
fils,
le
prince
Roupin.
Le
Comte
de
Tripoli
eut
grand'peine
à
garder
sa
vie
sauve
et
alla
se
réfugier
dans
la
citadelle
que
les
Templiers
avaient
supérieurement
fortifiée.
Ces
derniers
y
avaient
déposé
leurs
étendards
et
résistèrent
à
Léon
et
à
son
armée
dedans
et
dehors
la
ville
et
finirent,
après
trois
jours
de
combat,
par
déloger
Léon.
Le
Roi,
exaspéré,
ordonna
à
ses
soldats
de
reprendre
les
possessions
dont
il
avait
fait
don
à
ces
Chevaliers
et
de
les
chasser
de
son
pays.
C'est
alors
qu'arriva
à
Antioche
l'autre
Légat
du
Pape,
le
Cardinal
Pierre
qui
fut
bien
accueilli
par
Léon.
Le
Cardinal
convoqua
immédiatement
le
Catholicos,
les
Evêques
et
les
Barons
et
leur
proposa
aussitôt
de
consentir
de
nouveau
à
l'union
de
l'Église
arménienne
avec
l'Église
latine
romaine.
Après
bien
des
discussions,
le
Catholicos
qui
était
alors
Jean
VII
et
qui
venait
de
succéder
à
Grégoire
Abirad,
se
rendit.
Il
accepta
en
même
temps
d'envoyer
à
Rome,
tous
les
cinq
ans,
un
légat
auprès
du
Pape
et
d'assister
en
personne
aux
conciles
qui
seraient
tenus
dorénavant,
ou
de
s'y
faire
représenter
par
un
légat.
De
son
côté,
le
Catholicos
exigea
du
Pape
qu'il
lui
soit
accordé
qu'aucune
assemblée
ne
puisse
se
tenir
parmi
des
Latins
de
ce
côté
de
la
mer,
sans
la
présence
du
Catholicos
arménien
ou
de
son
légat.
Lorsque
les
actes
furent
signés,
Pierre
remit
d'abord
le
pallium
au
Catholicos
et
ensuite,
la
mitre
et
le
bâton
pastoral
aux
quatorze
évêques
présents,
comme
dons
du
Pape
Innocent.
Quand
les
questions
religieuses
eurent
reçu
leur
solution,
on
aborda
la
politique
et
l'on
délibéra
sur
la
question
du
principat
d'Antioche.
Léon,
dès
le
commencement,
en
fit
appeler
au
jugement
du
Pape,
comme
il
le
dit
lui-même,
et
prit
à
témoin
les
Maîtres
des
ordres
de
chevalerie
et
les
religieux
de
la
Montagne-Noire.
Le
Cardinal
Pierre
posa
trois
demandes
aux
deux
partis
adverses:
la
première,
s'ils
voulaient
s'entendre
entre
eux,
ce
qui
du
reste
fut
impossible;
la
seconde,
s'ils
voulaient
s'en
remettre
à
la
décision
du
jugement
qu'il
aurait
prise
avec
son
collègue
Sophrède,
ce
qui
ne
fut
pas
accepté
non
plus;
en
troisième
lieu
enfin,
il
leur
demanda
s'ils
voulaient
reconnaître
l'autorité
judiciaire
qu'ils
tenaient
du
Pape,
lui
et
le
Cardinal
Sophrède,
et
leur
fit
voir
le
bref
d'Innocent.
Après
quoi,
il
les
invita
à
s'expliquer.
Léon
consentit
à
se
soumettre
au
jugement
des
deux
Cardinaux,
s'ils
voulaient
tout
d'abord
expulser
au-delà
des
frontières
de
la
ville
d'Antioche
l'usurpateur
du
trône
(Bohémond)
et
qu'ensuite
ils
pourraient
prononcer
leur
sentence.
Le
Nonce
ne
trouva
pas
que
cela
fût
à
propos
et
pria
le
Roi
de
lui
faire
une
autre
proposition.
Alors
Léon
reprit
la
parole
et
lui
dit:
«
Vous,
Cardinaux,
vous
êtes
les
Nonces
du
Saint-Père
et
moi,
je
suis
le
Roi
des
Arméniens;
je
vous
confie
les
intérêts
de
mon
petit-fils
et
ceux
de
sa
mère.
Jugez-les
comme
l'aurait
fait
le
Pontife
si
nous
eussions
été
présents
devant
lui
et
que
nous
l'eussions
imploré
pour
cet
orphelin
et
la
veuve
sa
mère.
Rendez
votre
sentence
en
faveur
de
qui
vous
aurez
jugé
la
mériter
et
qu'Antioche
soit
à
lui
!»
Les
Antiochiens
parlèrent
de
même.
Alors
les
Nonces
les
ayant
plus
ou
moins
convaincus,
leur
ordonnèrent
de
faire
cesser
toute
hostilité
jusqu'à
leur
jugement
et
retournèrent
ensuite
à
Ptolémaïs.
C'est-là
que
se
réunirent
le
Roi
de
Jérusalem,
la
princesse
Marie
de
Flandre,
femme
de
Baudouin
qui,
peu
de
temps
après,
occupa
le
trône
de
Constantinople,
les
Grand-Maîtres
des
Chevaliers
et
tous
les
grands
personnages.
Ils
pressèrent
les
Nonces
de
s'arranger
pour
mettre
fin
à
toutes
les
dissensions
et
d'unir
les
adversaires
par
un
traité
de
paix.
Ils
mandèrent
même
alors
un
envoyé
exprès,
Sicard,
évêque
de
Crémone,
pour
terminer
l'affaire.
Ce
dernier
s'y
rendit
et
exigea
par
écrit
des
deux
partis
la
promesse
de
conclure
un
armistice
et
de
lui
livrer
des
otages
jusqu'au
prononcé
de
la
sentence,
et
les
prévint
que
s'ils
n'y
consentaient
pas,
il
allait
les
excommunier
immédiatement.
Le
Roi
se
soumit,
promit
de
cesser
tout
combat
pendant
quarante
jours
et
de
satisfaire
aux
demandes
des
Templiers.
Quant
au
Comte,
il
ne
voulut
rien
entendre
ni
connaître
et
ne
se
présenta
même
pas.
Alors
l'ambassadeur
de
Léon,
Constance
Gamardias,
rappela
au
Nonce
qu'il
avait
menacé
d'excommunier
quiconque
n'obtempérerait
pas
à
sa
décision
et
que
c'était
précisément
ce
que
faisait
1'
obstiné
Comte.
Mais
le
Nonce
n'osa
pas
mettre
sa
menace
à
exécution,
car
il
croyait
que
la
crainte
de
l'
excommunication
empêcherait
le
Comte
de
se
présenter.
Alléguant
donc
une
affaire
importante
qui
le
rappelait
à
Constantinople,
il
se
retira.
Sophrède,
le
premier
Légat,
qui
ne
partageait
pas
la
manière
de
voir
de
son
collègue
et
qui
n'était
nullement
satisfait
de
la
façon
avec
laquelle
Pierre,
son
compagnon,
avait
agi,
se
retira
également
et
le
suivit.
Sophrède
n'avait
pas
cessé
de
blâmer
son
collègue
devant
les
autres
évêques.
Il
disait
clairement
en
plein
conseil
que
ce
que
l'envoyé
du
Roi
avait
réclamé,
c'est-à-dire
l'excommunication
du
Comte
était
tout-à-fait
un
acte
de
justice.
Il
l'eût
prononcée
lui-même
si
l'autre
cardinal
y
avait
consenti,
mais
comme
celui-ci
ne
l'avait
pas
approuvé,
il
se
refusait
à
sièger
plus
longtemps
au
conseil.
Sophrède
réussit
cependant
à
mettre,
pour
un
moment,
la
paix
entre
Léon
et
les
Templiers,
mais
ils
se
brouillèrent
de
nouveau
et
en
appelèrent
à
Rome
même.
Ainsi
le
mauvais
vouloir
d'abord,
puis
les
dissentiments
des
compagnons
de
Sophrède,
ainsi
que
les
hésitations
de
Pierre
et
de
l'Evêque
de
Crémone,
en
même
temps
que
l'obstination
du
Comte
borgne
anéantirent
l'occasion
d'en
finir
avec
ces
querelles
désastreuses.
Léon
qui,
avec
assez
de
modération,
s'était
soumis
à
tout
ce
qu'on
exigeait,
se
montra
d'autant
plus
grand
en
faisant
voir
clairement
qu'il
ne
réclamait
que
la
justice
et
qu'elle
lui
était
bien
due.
L'hésitation
des
juges
de
cette
affaire
ne
fut
pas
seulement
cause
que
les
débats
se
prolongèrent
plus
de
dix
ans
au
préjudice
des
deux
partis
adverses,
mais
encore
au
détriment
des
Croisés
venus
de
loin
ou
de
près,
auxquels
Léon
avait
fait
la
promesse
de
leur
envoyer
des
dizaines
de
milliers
d'hommes
de
renfort,
comme
l'avait
fait
auparavant
son
prédécesseur
Thoros.
Et,
ces
deux
fois,
les
Latins,
soit
par
imprudence,
soit
par
cupidité,
se
privèrent
de
l'aide
des
Arméniens
qui
étaient
alors
dans
la
plénitude
de
leur
force
et
n'étaient
pas
encore
gâtés
par
les
mauvais
exemples
et
les
mœurs
dissolues
des
Occidentaux,
ni
affaiblis
par
les
coups
fréquents
que
leur
devaient
porter
les
Sultans
d'Égypte,
aux
forces
desquels
les
Croisés
eux-mêmes
ne
purent
pas
résister
longtemps.
A
la
question
d'Antioche
vint
se
mêler,
comme
nous
l'avons
dit,
celle
des
Templiers.
Celle-ci
était
en
quelque
manière
plus
vive
et
plus
importante
que
l'autre.
Les
Templiers
n'avaient
pris
le
parti
du
Comte
de
Tripoli
que
parce
que,
malgré
toutes
leurs
instances,
Léon
n'avait
jamais
voulu
les
écouter
et
les
avait
chassés
du
pays
et
de
leurs
possessions:
ils
ajoutaient
écrire
au
Pape
que
Léon
avait
mis
le
feu
à
leurs
provisions
et
enlevé
leur
bétail,
qu'il
leur
avait
ainsi
causé
un
dommage
de
cinquante
mille
besants
d'or:
il
avait
fait
plus:
il
avait
mis
à
la
torture
quelques-uns
de
ces
chevaliers;
il
avait
mis
le
blocus
devant
deux
de
leurs
forteresses
appelées
Rupes
Willelmi
et
Rupes
Ruissoli,
et
qui
étaient
situées
sans
doute
entre
les
frontières
de
l'Arménie
et
celles
d'Antioche.
Le
Pape,
grand
protecteur
des
droits
et
des
biens,
mais
en
même
temps
toujours
prompt
à
venger
les
torts
dont
on
s'était
rendu
coupable
envers
les
personnes
faisant
partie
de
l'Église,
ainsi
qu'étaient
considérés
les
Templiers,
écrivit
à
Léon,
le
18
Janvier
1204,
pour
lui
adresser
des
reproches,
mais
noblement,
et
faisant
juges
de
cette
affaire
les
évêques
de
Vallania
et
Biblia,
villes
de
la
Syrie,
il
l'exhorta
à
se
soumettre
à
leur
sentence.
Ces
évêques
vinrent
en
effet;
il
paraît
même
que
le
Cardinal
Pierre
arriva
aussi
après
eux.
Ils
avertirent
Léon
des
volontés
du
Pontife.
Le
Roi,
entrevoyant
dans
leur
démarche
quelque
perfidie
des
Templiers,
montra
des
difficultés
à
accorder
son
adhésion
à
ce
que
les
évêques
lui
demandèrent,
et
ce
ne
fut
qu'après
qu'ils
eurent
insisté
à
deux
ou
trois
reprises
qu'il
se
décida
à
restituer
aux
Chevaliers
tout
ce
qu'il
leur
avait
pris,
à
condition
toutefois
que
ces
derniers
ne
contestassent
plus
les
droits
de
son
petit-fils.
Les
Templiers
lui
dirent
grossièrement
qu'ils
ne
cesseraient
jamais
de
défendre
les
murs
d'Antioche
contre
Léon.
Léon
qui
ne
s'était
jamais
dépouillé
de
ses
griffes
de
lion,
exaspéré,
sut
cependant
se
contenir
pour
le
moment
par
un
silence
dédaigneux.
Cependant
Pierre
le
Légat
qui,
auparavant,
s'était
fait
scrupule
d'excommunier
le
Comte
de
Tripoli
et
s'était
retiré
à
Constantinople,
sans
prêter
maintenant
l'
oreille
à
l'
appel
de
Léon
au
Pape,
assembla
un
Conseil
à
Antioche
sans
y
convoquer
ni
le
Patriarche
du
lieu,
ni
le
Catholicos
des
Arméniens,
et
se
dépêcha
d'excommunier
les
Arméniens.
Non
content
de
cela,
il
écrivit
encore
au
Catholicos
Jean
de
publier
l'excommunication.
A
son
tour,
ce
dernier
réunit
tous
les
siens
et
fit
répondre
à
Pierre
qu'il
n'acceptait
pas
la
sentence
de
son
Conseil
parce
que
toutes
les
conditions
stipulées
naguère
n'avaient
pas
été
observées,
puisque
le
Catholicos
arménien
ni
son
Nonce
n'avait
assisté
à
ce
Concile
qui
se
tenait
pourtant
tout
près
des
limites
de
leur
territoire.
Ensuite
le
Catholicos
Jean
et
le
roi
Léon
écrivirent
au
Pape
qu'étant
entrés
dans
le
giron
de
l'
Église-Mère
ils
espéraient
goûter
du
lait
et
non
pas
du
fiel.
Dans
un
moment
pareil,
il
ne
restait
à
Léon
qu'à
élever
la
voix
et
à
faire
entendre
un
mugissement
de
plainte
qui
parvint
aux
oreilles
du
Cardinal
plus
prudent,
Sophrède.
Celui-ci
se
hâta
de
rappeler
son
collègue
et
tous
deux
retirèrent
la
sentence
précipitée.
Ils
firent
plus:
dans
le
mois
de
Septembre,
ils
formèrent
un
Conseil
à
Ptolémaïs,
ils
y
appelèrent
les
rois
de
Jérusalem
et
de
Chypre
et
d'autres
éminents
personnages,
ils
y
admirent
l'envoyé
de
Léon,
Constance
Gamardias
que
notre
Roi
avait
présenté
comme
étant
son
parent,
et
finirent
par
décider
les
Templiers
à
faire
la
paix
avec
Léon.
Celui-ci,
dans
la
lettre
qu'il
écrivit
au
Pape
après
tous
ces
événements,
loue
la
grande
prudence
de
Sophrède
et
blâme
en
revanche
le
Cardinal
Pierre,
qui
non
seulement
avait
mal
jugé
la
cause,
mais
qui
cherchait
en
quelque
manière
à
l'éloigner
de
l'Église
Romaine.
Léon
assurait
Innocent
qu'il
lui
resterait
toujours
fidèle,
mais
il
le
priait
de
ne
plus
lui
envoyer
un
Nonce
du
caractère
de
ce
Pierre.
Le
Catholicos
Jean
écrivit
également
au
Pape
pour
le
remercier
d'abord
des
présents
qu'il
en
avait
reçus
et
pour
lui
faire
part
de
ce
qui
était
passé
dans
le
Conseil
d'Antioche;
il
lui
disait
qu'il
attendait
la
décision
du
Pape.
Après
avoir
renoué
les
bonnes
relations
entre
Léon
et
les
Templiers,
les
gens
du
dernier
Conseil
tenu
à
Ptolémaïs
n'ayant
pas
pu
obtenir
de
résultat
dans
l'affaire
du
Roi
d'Arménie
et
du
Comte
de
Tripoli,
les
Légats
s'en
retournèrent
à
Constantinople.
Le
Comte
reprit
alors
immédiatement
les
hostilités.
Les
Templiers
qui
n'avaient
fait
que
feindre
une
réconciliation
avec
Léon,
se
soulevèrent
encore
et
la
révolte
s'étendit
au
loin,
bouleversant
d'un
bout
à
l'autre
les
pays
limitrophes.
Nous
tenons
ceci
simplement
d'une
lettre
d'Innocent
qu'il
écrivit
alors,
en
se
plaignant
des
temps,
à
Philippe-Auguste,
roi
de
France,
et
dans
laquelle
il
le
pressait
de
courir
à
la
délivrance
de
la
Terre-Sainte.
Il
est
à
remarquer
que
dans
cette
dernière
lettre
comme
dans
bien
d'autres,
le
Pontife
Romain
appelle,
ainsi
que
d'autres
contemporains,
Bohémond
Comte
de
Tripoli
et
jamais
Prince
d'Antioche;
ils
reconnaissaient
donc
tout
bas
et
quelquefois
en
le
déclarant,
les
droits
du
jeune
Roupin
et
de
son
bailli.
Léon
écrivait
à
Innocent,
à
propos
des
hostilités
des
Templiers
et
pour
lui
montrer
combien
la
conduite
du
légat
Pierre
avait
été
blâmable,
que
tandis
que
lui,
Léon,
obéissant
aux
ordres
apportés
par
ce
même
Cardinal,
avait
cessé
la
guerre
et
déposé
les
armes,
les
Chevaliers
de
connivence
non
seulement
avec
les
Antiochiens
mais
encore
avec
les
Musulmans
avaient
brûlé
Tuguria
nostra
de
Gastim,
et
que
c'était
à
cause
de
cela
qu'il
avait
repris
les
armes.
Il
le
priait
donc
de
nommer
juge
de
cette
affaire
le
Cardinal
Sophrède,
le
Patriarche
d'Antioche,
le
Roi
de
Jérusalem
et
les
Maîtres
des
Hospitaliers
qui
connaissaient
la
question.
Mais
Innocent
qui
voulait
tout
juger
sûrement
et
rendre
librement
la
sentence,
n'était
pas
arrivé,
paraît-il,
à
comprendre
tous
les
droits
de
succession
de
Roupin,
comme
il
le
déclare
dans
une
de
ses
lettres.
C'est
pour
cela
qu'il
chargea
ses
Légats
de
vérifier
profondément
ces
droits.
Après
les
premiers
Nonces,
le
Pape
manda,
le
5
Mars
1205,
de
nouveaux
juges,
deux
barons:
Bertholde
et
Foravalle,
et
les
deux
Abbés
des
monastères
de
Lucedio
et
du
Mont-Thabor,
en
se
plaignant
de
ses
premiers
Légats
qui
n'avaient
pas
pu
donner
une
issue
à
la
question
et
s'étaient
hâtés
de
revenir
à
Constantinople,
ce
que,
du
reste,
il
ne
leur
avait
pas
ordonné
de
faire.
Le
Pape
ordonna
à
ses
Légats
d'aller
engager
les
partis
à
jeter
immédiatement
les
armes,
à
leur
laisser
trois
mois
de
temps
pour
s'entendre
et,
s'ils
n'arrivaient
pas
à
ramener
la
concorde
entre
eux
ou
à
pouvoir
prononcer
une
sentence,
de
lui
rapporter
le
jugement;
et
si
quelqu'un
ne
se
soumettait
pas
à
leur
décision,
de
lui
infliger
un
châtiment
par
la
force
civile
des
Chrétiens.
Innocent
annonça
tout
ceci
le
même
jour
à
Léon
et
dans
des
termes
d'une
grande
noblesse
et
fort
affectueux.
Il
lui
annonçait,
en
outre,
qu'il
avait
prié
le
Roi
de
Jérusalem,
les
Maîtres
des
deux
ordres
de
Chevalerie
et
tous
les
Chrétiens
du
pays
de
venir
en
aide
au
parti
qui
se
soumettrait
au
Pape
et
de
dompter
tout
esprit
d'obstination.
Innocent
était
particulièrement
intéressé
à
ce
que
ces
conflits
fussent
apaisés,
comme
il
l'exprimait
dans
les
lettres
qu'il
adressait
aux
autres,
car
cela
apportait
un
obstacle
à
l'accomplissement
de
l'œuvre
des
Croisades
et
empêchait
de
faire
la
guerre
aux
Sarrasins.
Il
est
vrai
que
les
Croisés
ne
s'accordaient
guère
non
plus
entre
eux.
En
1203
un
grand
nombre
de
Flamands,
arrivés
sur
soixante-six
vaisseaux,
s'étaient
brouillés
avec
les
autres.
Ils
avaient
abandonné
le
corps
principal
de
l'armée,
à
Ptolémaïs,
et
s'étaient
rendus
dans
les
Etats
de
Léon
pour
marcher
avec
lui
contre
le
Comte
de
Tripoli.
Les
chefs
de
ces
Croisés
qui
vinrent
à
Léon
furent
Jean
de
Neele
et
le
gendre
d'Isaac
Comnène,
l'ex-Souverain
de
Chypre.
Mais
lorsqu'ils
apprirent
que
leurs
compagnons
se
préparaient
à
attaquer
les
Sarrasins,
ils
vinrent
les
rejoindre.
D'après
les
faits
que
nous
venons
de
relater
plus
haut,
on
peut
supposer
que
cette
fois
encore
Léon
avait
cédé
aux
Légats.
Le
Comte
de
Tripoli
persistait
dans
son
refus
de
se
présenter
à
la
barre
des
juges.
Sachant
qu'il
n'aurait
rien
à
gagner
devant
les
princes
qui
s'étaient
mis
du
côté
de
Léon,
il
eut
l'idée
aussi
pleine
de
hardiesse
que
d'astuce
de
se
soustraire
à
la
suprématie
temporelle
du
Pape.
Ayant
été
avisé
de
la
prise
de
Constantinople
et
de
l'élévation
au
trône
impérial
de
cette
capitale
de
Baudouin
de
Flandre,
il
se
rendit
secrètement
à
Ptolémaïs,
chez
la
princesse
Marie
femme
de
Baudouin
et
prêta
serment
devant
elle,
comme
si
elle
eût
été
le
légat
de
1'
Empereur,
de
fidélité
et
de
soumission,
selon
les
coutumes
féodales.
Sa
cause
fut
donc
portée
au
jugement
de
l'Empereur
d'Orient.
Il
s'en
revint
sans
rien
dire
à
personne.
D'ailleurs,
la
Reine
mourut
le
29
Août
1204
avant
même
d'avoir
en
au
front
la
couronne
impériale
et
c'est
dans
un
cercueil
qu'elle
fut
portée
à
Constantinople.
L'histoire
ne
nous
dit
rien
des
propos
échangés
dans
les
réunions
tenues
par
les
nouveaux
Légats
du
Pape
à
propos
des
affaires
de
Léon.
Les
lettres
des
années
1205
et
1206
manquent
dans
les
Archives
du
Vatican.
Il
est
bien
probable
que
Léon
céda
aux
instances
des
Légats,
car
il
tenait
à
contenter
celui
qui
les
avait
envoyés,
ou
bien
parce
que
les
affaires
de
son
pays
réclamaient
sa
présence,
et
qu'il
jeta
bas
les
armes
pour
quelque
temps.
Mais
le
Comte
de
Tripoli,
à
cette
époque,
au
lieu
de
se
gagner
les
Antiochiens,
les
avait
singulièrement
froissés
en
leur
demandant
de
ne
pas
reconnaître
les
droits
de
succession
du
jeune
Roupin.
Il
se
les
était
aliénés,
surtout
les
gens
du
clergé
et
le
Patriarche,
dont
le
Comte
était
le
vassal
selon
les
coutumes
féodales.
Il
était
même
son
filleul.
Le
Comte
cherchait
à
s'attirer
les
bonnes
grâces
des
Génois
en
leur
promettant
liberté
de
trafic
dans
la
principauté
d'Antioche,
en
leur
prenant
en
location
des
vaisseaux
de
guerre
pour
se
battre
ou
pour
les
lancer
en
maraude
et
trois
cents
soldats.
Il
leur
avait,
en
outre,
emprunté
trois
mille
besants
d'or.
Les
Antiochiens
ne
pouvant
plus
souffrir
les
lâchetés
du
Comte,
ni
supporter
les
tribulations
du
blocus
et
la
famine,
car
Léon
n'avait
pas
levé
le
siège,
envoyèrent
des
messagers
à
ce
dernier
pour
lui
dire
de
venir
mettre
sur
le
trône
de
leur
pays
son
véritable
héritier
et
leur
maître,
le
jeune
prince
Roupin.
Sur
ce
point,
notre
historien
royal,
nous
fournit
des
preuves
admissibles,
bien
que
différentes
de
ce
que
nous
rapportent
les
autres
historiens.
Ce
qu'il
nous
dit,
sera,
peut-être,
un
rayon
de
lumière
pour
l'histoire
de
la
Principauté
d'Antioche.
En
effet,
il
prétend
que
c'est
pendant
cette
année
1205
que
mourut
le
vieux
prince
Bohémond
III,
que
tous
les
historiens
de
l'Occident
croient
être
mort
l'an
1201,
comme,
du
reste,
nous
l'avons
nous-même
écrit
aussi,
et
il
poursuit
ensuite
le
cours
de
son
récit
en
s'accordant
tout-à-fait
avec
les
historiens
d'Occident:
«
L'an
655
(de
l'Ère
arménienne
1205-6
de
J.
C.
)
mourut
le
prince
d'Antioche
Bohémond.
Son
fils
le
Borgne
qui
était
le
Comte
de
Tripoli,
lui
succéda.
Léon
lui
envoya
la
copie
des
traités
de
son
père
que
ce
dernier
avait
conclus
d'accord
avec
le
Roi,
traités
relatifs
à
la
succession
de
l'enfant
de
son
fils
aîné,
comme
nous
l'avons
raconté.
Le
Comte
refusa
le
traité
et
ne
voulut
point
reconnaître
les
droits
de
Roupin.
Alors
le
Roi
envoya
la
lettre
au
Patriarche
et
lui
fît
voir
les
droits
du
jeune
prince
que
le
Patriarche
reconnut,
mais
le
Comte
ne
voulut
rien
entendre
».
Il
raconte
ensuite
les
démêlés
de
ce
dernier
avec
le
Patriarche,
et
comment
celui-ci
l'excommunia.
Il
dit
que
le
Comte
fit
après
cela
emprisonner
le
Patriarche,
il
relate
les
hostilités
de
Léon,
mais
il
ne
parle
pas
de
son
entrée
à
Antioche,
tandis
que
les
historiens
étrangers
et
même
les
lettres
de
Léon
affirment
ce
fait.
Léon
revint
donc
avec
un
grand
nombre
de
soldats
et
entra
sans
rencontrer
de
résistance
dans
Antioche
en
1206.
Non
seulement
le
clergé
mais
encore
un
grand
nombre
de
barons
et
de
chevaliers
vinrent
au-devant
de
lui
et
le
firent
entrer
triomphalement
dans
la
Cathédrale
de
S.
Pierre.
Là,
Roupin
jura
au
Patriarche
qu'il
lui
rendrait
les
hommages
qu'il
lui
devait
selon
les
lois
et
en
reçut
la
bannière
princière.
Les
Barons
lui
prêtèrent,
sur
le
Saint
Evangile,
serment
de
fidélité
et
de
constante
protection.
Ensuite,
toute
cette
multitude
l'entourant
de
toute
part,
l'escorta
en
chantant
jusqu'au
trône
sur
lequel
elle
le
fit
asseoir
à
la
place
de
l'ancien
maître
Bohémond
III
et
le
proclama
prince
d'Antioche.
Le
peuple
et
la
principauté
d'Antioche
purent
donc
jouir
d'un
moment
de
paix,
grâce
à
Léon
qui
non-seulement
aida
le
jeune
prince
à
reconquérir
son
trône
mais
fit
des
présents
magnifiques
aux
barons
et
au
clergé.
Il
fit
aussi
des
largesses
aux
monastères
de
la
Montagne-Noire.
Léon
autorisa
encore
le
Patriarche
à
sacrer
un
nouvel
évêque
latin
pour
l'église
de
Tarse
et
à
en
nommer
un
à
Mamestia.
Il
ordonna
de
prendre
les
traitements
de
ces
deux
évêques
sur
le
trésor
royal.
Il
restitua
au
monastère
de
S.
Paul
la
fontaine
de
Gaston,
avec
tout
son
territoire;
il
restitua
également
aux
Templiers
la
forteresse
même
de
ce
lieu
et
toutes
les
propriétés
qu'il
leur
avait
enlevées.
Il
rendit
aux
autres
tout
ce
que
lui-même
ou
le
Comte
de
Tripoli
leur
avaient
pris
et
s'en
retourna
victorieusement
dans
ses
Etats.
Դրամների
նկարներ
C'est
à
cette
époque,
paraît-il,
que
Léon
fit
frapper
des
pièces
de
monnaie,
portant
une
croix
à
la
face
et
la
légende
en
latin.
Elles
ressemblent
absolument
aux
pièces
de
monnaie
antiochienne,
mais
elles
portaient
le
nom
du
roi
de
l'Arménie
et
avaient
la
même
valeur
que
les
anciennes
monnaies
de
Sissouan.
En
battant
cette
monnaie,
Léon
manifestait
en
silence
sa
puissance
et
sa
grandeur.
C'est
ainsi
que
treize
cents
ans
auparavant
avait
fait
son
ancêtre,
Tigrane
l'Arsacide,
qui,
s'empara
du
domaine
des
Séleucides
et
de
leur
capitale
Antioche.
Ce
fait
mémorable
fut
gravé
sur
la
monnaie
de
Tigrane,
sous
la
figure
du
fleuve
Oronte,
entouré
d'une
légende
en
grec,
comme
on
le
voit
représenté
sur
cette
pièce
assez
rare.
Léon
fit
annoncer
par
ses
lettres
au
Pape
ce
qui
venait
d'arriver,
et
cita
pour
témoins
les
Chevaliers
des
deux
ordres,
en
le
priant
de
prendre
en
considération
que
c'était
au
Patriarche
d'Antioche
qu'il
devait
ce
succès,
en
lui
recommandant
d'entourer
son
neveu
de
sa
sollicitude,
en
lui
demandant
aussi
de
hâter
l'expédition
que
devaient
entreprendre
les
armées
alliées
contre
les
Sarrasins
et
d'accorder
enfin
la
rémission
des
péchés
à
tous
ceux
qui
viendraient
l'appuyer.
Ce
ne
fut
pas
encore
cette
fois
non
plus
que
la
malheureuse
Antioche
devait
jouir
longtemps
de
la
paix.
Le
Comte
de
Tripoli
se
tenait
caché
dans
la
citadelle
munie
de
tout
le
nécessaire
et
imprenable.
Léon
ne
pouvait
s'arrêter
longtemps
dans
cette
ville.
Pour
s'emparer
de
ce
château
par
un
assaut
et
pour
le
réduire
en
le
serrant
de
près,
il
eût
fallu
de
nombreuses
troupes.
Il
arriva
donc
qu'après
le
départ
de
Léon,
le
Comte
sortit
de
son
embuscade.
Oubliant
tout
ce
qu'il
devait
de
soumission
et
de
respect
au
rang
et
au
caractère
du
Patriarche,
il
réussit
par
ses
manèges
à
remettre
dans
son
parti
les
Templiers
et
d'autres
alliés,
résista
aux
habitants
et
s'empara
de
nouveau
de
la
ville.
Il
se
saisit
de
la
personne
du
Patriarche
et
de
ses
deux
neveux
et
les
fit
jeter
en
prison.
Après
quoi,
il
s'empara
de
tous
les
vases
sacrées
de
l'église
et
des
objets
appartenant
aux
partisans
du
prince
Roupin
que
ceux-ci
avaient
pu
heureusement
mettre
en
sûreté,
en
exposant
leur
vie,
et
qu'ils
avaient
fait
conduire
auprès
de
Léon.
En
toute
justice
alors
et
peut-être
même
auparavant,
au
dire
de
notre
historien
«
le
Patriarche
excommunia
le
Comte.
Il
défendit
de
sonner
les
cloches,
de
célébrer
la
messe
et
d'inhumer
les
morts.
Le
Comte
n'y
prêta
aucune
attention,
et
son
audace
augmentant
encore
après
tout
ceci,
il
fit
mettre
en
prison
le
Patriarche
et
lui
fit
endurer
le
martyre
de
la
faim
et
de
la
soif.
Il
lui
envoyait
dire
chaque
jour:
Déclare
que
je
suis
en
tous
droits
le
Prince
d'Antioche,
et
tu
seras
mis
en
liberté.
Le
Patriarche
n'y
consentit
jamais.
Il
ne
voulut
jamais
mentir
et
resta
en
prison
jusqu'à
ce
qu'il
y
mourut
de
faim
et
de
soif.
Après
quoi
il
y
eut
une
querelle
extrême
entre
le
Roi
et
le
Prince
».
Le
continuateur
de
l'Histoire
de
Guillaume
de
Tyr
dit
(XXI.
3)
qu'on
donnait
un
peu
de
nourriture
au
Patriarche,
mais
pas
une
goutte
d'eau,
au
point
qu'il
fut
obligé
de
boire
l'
huile
de
sa
lampe
et
qu'il
en
mourut.
Cette
triste
nouvelle
parvint
bientôt
à
la
cour
du
Pontife
de
Rome
et
y
fut
une
nouvelle
cause
d'alarme.
Plus
le
Pape
s'efforçait
d'activer
l'expédition
pour
hâter
la
délivrance
de
Jérusalem,
plus
les
troubles
d'Antioche
et
les
événements
qui
s'y
passaient
arrêtaient
son
zèle.
Il
écrivit
alors,
le
6
Février
1207,
au
Patriarche
de
Jérusalem,
comme
étant
Légat
de
la
Syrie,
de
faire
tout
ce
qui
lui
serait
possible
pour
mettre
fin
à
toutes
les
dissensions
qui
existaient
entre
Léon
(qu'il
appelle
son
très-cher
fils)
et
le
Comte
de
Tripoli
et
ses
partisans,
les
Templiers;
de
délivrer
d'abord
au
plus
vite
leur
frère,
le
Patriarche
d'Antioche,
et
que
si
le
Comte
se
refusait
à
le
faire
sortir
de
prison,
de
le
frapper
de
tous
les
anathèmes
de
l'Église,
puisque
le
Patriarche
qu'il
retenait
en
prison
l'avait
déjà
excommunié,
lui
et
tous
ceux
de
son
parti.
Le
Comte
de
Tripoli,
sans
égards
pour
rien,
sans
pitié,
sans
scrupules
de
conscience,
fut
plus
cruel
encore
pour
son
prisonnier.
Comme
il
l'avait
déjà
tenté
auparavant
pour
s'affranchir
de
la
suprématie
temporelle
du
Pape,
il
reconnut
pour
seul
souverain
l'Empereur
de
Constantinople,
il
permit
maintenant
à
un
Patriarche
grec
de
venir
sièger
à
Antioche
plutôt
que
d'y
souffrir
son
coreligionnaire
latin.
Le
patriarche
grec
essaya
d'attirer
à
soi
quelques
Latins
et
excommunia
les
autres.
Sur
quoi,
le
Pape,
par
une
nouvelle
bulle
du
4
Mars
1208
envoyée
au
même
Légat,
ordonna
de
chasser
l'intrus
de
la
province
et
ceux
qui
se
seraient
unis
à
lui
et
ne
voudraient
point
s'en
séparer,
et
le
Comte
de
Tripoli
avec
eux.
Ainsi
les
deux
partis
se
servaient
des
armes
spirituelles
et
des
armes
temporelles
pour
se
combattre,
et
tandis
que
leur
guerre
se
prolongeait,
le
vertueux
patriarche
Pierre,
finissait
ses
jours
en
prison;
j'oserai
dire
en
martyr,
au
commencement
de
l'année
1208.
Il
voulut
rester
fidèle
aux
droits
de
la
justice.
La
triste
nouvelle
de
la
mort
du
Patriarche
vint
aux
oreilles
du
Pape
qui
ne
put
s'empêcher
de
s'écrier,
n
â
vré
de
douleur,
dans
sa
bulle
du
12
Juin
1208:
«O
nobilis
Antiochia,
urbs
perfecte
decoris,
et
terræ
quasi
gaudium
univers
æ,
quam
graviter
esse
cerneris
per
tam
grave
ignobilitata
flagitium,
quam
turpiter
per
tam
turpe
facinus
offuscata
!
Cui
comparabimus
te,
vel
cui
tuam
possumus
miseriam
adequare?
Omnis
gentis
enim
calumnia
in
medio
tui
est.
Que
cisterna
facit
frigidam
aquam
suam,
ita
militiam
tuam
frigidam
reddidisti
».
Ensuite,
ajoutant
d'autres
paroles
de
reproches
pour
le
Comte,
le
Pape
ordonne
à
son
Légat
d'aller
mettre
un
successeur
sur
le
siège
du
défunt.
Le
Légat
se
rendit
donc
à
Antioche,
convoqua
le
clergé,
et
Pierre
II,
évêque
Yporiensis,
fut
élu
patriarche.
Le
Pape
confirma
sa
nomination
par
une
autre
bulle
du
5
Mars
1209,
dans
laquelle
il
ordonne
encore
à
son
Légat
d'essayer
de
mettre
la
paix
entre
Léon
et
le
Comte
et
les
Templiers
ou
de
leur
faire
déposer
les
armes,
en
engageant
le
premier
à
rendre
aux
ordres
tout
ce
qu'il
leur
avait
pris
et
en
menaçant
les
autres
d'excommunication
s'ils
ne
voulaient
rester
tranquilles.
Par
une
lettre
adressée
au
Comte
le
26
Mai
1209
le
Pape
menaçait
l'usurpateur
du
trône
d'Antioche
de
l'excommunier
s'il
n'acceptait
pas
le
nouveau
Patriarche
élu
et
ne
restituait
pas
ce
qu'il
avait
volé
aux
églises
et
au
clergé.
Dans
toutes
les
lettres
du
Pontife
de
Rome,
il
n'y
a
aucune
parole
de
menace
contre
Léon,
au
contraire
il
le
traite
de
«
Illustris
Rex
Armeniæ
».
Quant
au
Comte,
il
se
contente
de
lui
donner
le
nom
de
fils.
Le
Pape
avait
écrit
à
celui-ci
de
restituer
au
Patriarche
le
Castrum
Cursarii,
qui
appartenait
au
trône
patriarcal,
et
comme
il
y
avait
des
Arméniens
et
des
Syriens
qui
habitaient
ce
Castrum,
il
leur
écrivit
à
chacun
séparément
et
sur
le
même
ton.
De
toutes
ces
lettres,
la
plus
importante
est
celle
qu'Innocent
écrivit
à
Léon
le
12
Juin
1209.
C'est
une
de
ces
lettres
que
l'on
peut
dire
pleines
d'onction
et
du
plus
beau
style;
dans
laquelle,
l'
affection
envers
celui
à
qui
il
écrit,
la
sagesse,
l'
amour
de
la
justice
et
les
mesures
prises
pour
les
intérêts
publics
se
manifestent
avec
un
égal
éclat.
On
a
vu
qu'après
que
le
Comte
se
fût
emparé
d'Antioche
et
en
eût
chassé
Roupin,
Léon,
bien
qu'il
ne
fût
pas
entré
dans
la
ville
et
qu'il
la
tînt
seulement
assiégée,
en
ravageait
les
alentours,
principalement
pendant
l'année
1209.
Notre
historien
dit
à
ce
sujet:
«
Cette
année
le
Roi
souleva
une
grande
guerre
contre
les
Antiochiens,
il
ravageait
tous
les
alentours
de
leur
ville
et
les
villages.
Il
n'exterminait
pas
seulement
les
habitants,
il
détruisait
encore
les
vignes
et
les
arbres.
Il
continua
à
faire
de
la
sorte
pendant
plusieurs
années
consécutives.
Il
exigeait
de
par
ses
droits
et
par
la
guerre
le
patrimoine
du
jeune
Roupin.
Mais
il
ne
put
fléchir
le
Comte
Borgne,
alors
il
assiégea
et
serra
Antioche
cette
année
et
sans
relâche
».
En
même
temps,
Léon
adressait
au
Pape
des
plaintes
contre
le
Comte
et
ses
partisans
les
Templiers.
Innocent
répondit
à
Léon,
qu'il
craignait
qu'Antioche,
cause
des
discordes
entre
lui
et
les
autres,
ne
vînt
à
être
prise
par
les
Sarrasins
au
plus
grand
détriment
des
Chrétiens:
«
Toi,
dit-il,
que
l'Archevêque
de
Tarse
et
les
Chevaliers
Teutons
par
leurs
lettres
te
montrent
comme
agissant
en
toute
justice,
tu
veux
t'excuser
devant
moi
comme
étant
dans
ton
droit,
et
cependant
les
lois
ecclésiastiques
et
civiles
ne
te
considèrent
point
comme
tel.
Car
tant
que
le
Comte
détient
le
gouvernement
de
la
ville,
il
n'est
pas
juste
de
l'en
chasser
sans
jugement,
et
il
ne
t'est
pas
permis
de
faire
la
guerre
avec
les
armes
et
en
même
temps
avec
les
droits.
Ce
n'est
pas
mon
jugement
personnel,
mon
très
cher
fils,
car
j'ai
entendu
celui
de
beaucoup
d'autres
personnes.
Le
Comte,
de
son
côté,
se
plaint
aussi
et
dit:
Pourquoi
Léon
n'est-il
pas
excommunié
puisqu'il
me
fait
sans
cesse
la
guerre,
lui
qui
se
montre
toujours
disposé
à
se
soumettre
à
la
sentence
d'un
jugement
et
de
la
justice?
J'ai
prié
le
Comte
de
remettre
la
citadelle
entre
les
mains
du
patriarche
Pierre
qui
est
un
homme
grave,
juste
et
impartial,
d'en
faire
tenir
la
garnison
par
les
chevaliers
de
l'Hôpital
et
ceux
du
Temple
et
de
faire
payer
leurs
traitements
par
les
deux
parties
diverses.
Jusqu'à
ce
que
sentence
soit
prononcée,
il
faut
que
tu
mettes
bas
les
armes,
et
pour
mettre
fin
aux
hostilités
des
Templiers
il
faut
que
tu
leur
rendes
la
forteresse
de
Gaston,
qu'ils
possédaient
depuis
longtemps,
depuis
l'époque
du
pontificat
du
Pape
Alexandre.
Si
cette
forteresse
ne
leur
est
pas
rendue,
ils
menacent
de
quitter
la
Terre-Sainte
où
ils
peuvent
rendre
des
services.
Tu
te
plains
qu'on
te
fasse
toujours
la
guerre,
mais
on
ne
te
la
fait
que
parce
que
tu
la
fais
toi-même;
car
les
armes
appellent
les
armes.
Les
Templiers
ne
font
que
défendre
Antioche
parce
qu'ils
ont
leurs
propriétés
dans
sa
province.
Tout
autre
est
la
guerre
qu'on
soutient
pour
se
défendre
et
celle
qu'on
entreprend
pour
attaquer.
Ne
crois
pas
que
je
vienne
te
dire
par
cela
innocent
le
Comte,
qui,
ingrat
envers
son
père
et
le
Patriarche,
s'est
montré
indigne
d'avoir
grâce,
ou
pour
disculper
les
Templiers
qui
auraient
dû,
au
lieu
de
te
faire
la
guerre,
avoir
égard
à
la
sainteté
de
leur
ordre.
Or
donc,
à
cause
de
tout
ceci,
je
donne
ce
conseil
à
ta
Grandeur,
en
t'embrassant
affectueusement,
je
t'exhorte
en
Dieu,
d'accepter
volontiers
et
en
amour
de
la
foi,
tout
ce
que
nous
t'avons
dit,
et
de
cesser
la
guerre,
quand
bien
même
le
Comte
se
refuserait
à
faire
la
reddition
du
château
jusqu'à
la
fin
du
jugement,
pour
le
quel
Dieu
veuille
nous
accorder
de
rencontrer
un
juge
capable
et
impartial;
auquel
nous
confions
de
soumettre
aux
châtiments
ecclésiastiques
tous
ceux
qui
ne
voudront
point
obéir,
et
de
les
y
contraindre
avec
l'aide
des
habitants
du
pays
et
des
étrangers
».
Ce
juge
impartial
fut
bientôt
trouvé;
ce
fut
le
même
qui
était
venu
six
ans
auparavant
pour
remplir
la
même
mission:
Sicard,
l'archevêque
de
Crémone,
que
le
Pape
désignait
encore
par
un
nouveau
bref
du
20
Août
1210,
après
avoir
reçu
les
ambassadeurs
de
Léon,
Héthoum-Elie,
l'ancien
Seigneur
de
Lambroun
et
maintenant
Abbé
de
S.
Maria-Trium-Arcium
(Trazargue),
Archibalde
l'officier,
et
Bavon,
le
secrétaire
du
Roi
pour
la
langue
latine.
Léon
avait
mandé
au
Pape
ces
grands
personnages
pour
le
prier
de
protéger
les
droits
de
son
neveu,
et
pour
qu'ainsi
débarrassé
de
ce
souci,
il
puisse
tourner
ses
armes
contre
les
ennemis
des
Chrétiens.
Le
Pape
rappela
à
son
Nonce
tout
ce
que
les
ambassadeurs
de
Léon
lui
avaient
dit
à
ce
sujet,
et
lui
ordonna
de
prendre
avec
lui
deux
autres
personnes
sensées
et
justes
qui
seraient
choisies
par
les
deux
partis
en
contestation.
Il
lui
recommanda
de
prononcer
la
sentence
selon
l'appréciation
de
tous
les
trois
ou
de
deux
seulement
d'entre
eux.
Si
les
juges
n'arrivaient
pas
à
se
mettre
d'accord,
ils
devaient
appeler
le
Patriarche
de
Jérusalem
et
celui
d'Antioche
pour
mettre
fin
au
jugement
avec
eux
et
prononcer
une
sentence
irrévocable
et
exécutoire
sous
peine
d'anathème.
Si
quelqu'un
refusait
de
se
soumettre
à
leur
décision,
ils
devaient
l'y
contraindre
par
les
armes
des
habitants
du
pays
ou
des
étrangers.
Et
si
quelque
événement
imprévu
venait
à
arrêter
le
jugement,
ils
devaient
les
recommander
aux
deux
Patriarches
susdésignés.
Le
Pape
se
souvenant
combien
les
Arméniens
avaient
souffert
par
l'anathème
lancé
contre
eux,
écrivit
le
même
jour,
le
20
Août
1210,
une
courte
lettre
au
Catholicos
et
à
tout
son
clergé
pour
lui
dire
que:
«
Nullus
omnino
qui
ordinariam
vel
delegatam
jurisdictionem
in
eos
vel
vestros
subditos
non
habuerit,
sententiam
ferre
pr
æ
sumat
».
L'ambassade
de
l'Evêque
de
Crémone,
comme
celle
des
quatre
Nonces
du
Pape,
n'est
pas
mentionnée
dans
l'histoire.
Le
Pape
ne
cite
plus
le
nom
de
l'
Evêque
de
Crémone
dans
les
lettres
qu'il
écrivit
ensuite.
Il
est
vrai
qu'au
moment
du
départ
de
cette
nouvelle
ambassade,
les
Arméniens
et
les
Antiochiens
se
livraient
une
guerre
acharnée.
Roupin
avec
son
titre
de
Prince
d'Antioche,
se
trouvait
à
la
Cour
de
Léon.
A
cette
époque,
pendant
le
mois
de
Septembre,
comme
maître
d'Antioche,
il
publiait
un
édit
qui
affirmait
les
anciennes
et
les
nouvelles
donations
aux
Chevaliers
de
l'Hôpital
et
Léon
contresignait
cet
édit.
A
cette
même
époque,
le
3
Août
1210,
le
Pape
déclarait
authentiques
les
dons
de
Léon
aux
mêmes
Chevaliers.
Un
peu
plus
tard,
vers
la
fin
de
l'année,
on
attendait
l'arrivée
du
nouveau
Nonce
ou
celle
du
Patriarche
de
Jérusalem,
en
Arménie
ou
à
Antioche,
et
l'on
peut
supposer
que
l'un
ou
l'autre
soit
venu,
mais
que
l'on
ne
put
rien
conclure
à
cause
de
la
ténacité
des
deux
partis
sur
la
valeur
de
leurs
droits,
ou
que
le
Comte
refusa
encore
cette
fois
de
se
soumettre
à
la
sentence
et
qu'il
poussa
encore
les
Templiers
sur
Léon.
Quoi
qu'ait
eu
lieu,
on
voit
clairement
combien
Léon
était
exaspéré
contre
ces
fiers
Chevaliers
et
combien
il
était
dépité
par
ces
inutiles
pourparlers
de
part
et
d'autre,
lui,
qui
croyait
que
toute
la
raison
était
de
son
côté
et
qui
voyait
qu'on
disculpait
le
Comte
plus
qu'il
ne
le
méritait,
aussi
bien
que
les
Templiers.
Ces
derniers,
comme
on
l'a
remarqué
précédemment,
étaient
regardés
comme
des
personnages
sacrés
et
grandement
utiles
par
les
services
qu'ils
pourraient
rendre
dans
la
guerre
contre
les
Sarrasins.
C'est
pourquoi
ils
trouvaient
toujours
quelqu'un
pour
excuser
leurs
fautes.
Aussi
Léon,
dégoûté
de
tous
ces
échanges
d'avis
prodigués
sans
résultat,
jugea
qu'il
valait
mieux
de
reprendre
les
hostilités,
les
armes
à
la
main,
et
revint
serrer
de
près
les
Chevaliers.
Les
doléances
de
ceux-ci
arrivèrent
bientôt
à
la
cour
du
Pape
qui
se
hâta
d'envoyer
son
Légat
de
Syrie,
le
Patriarche
de
Jérusalem,
pour
essayer
de
trouver
un
moyen
de
réconcilier
tout
le
monde.
Mais
Léon,
ne
voulut
ni
voir
les
envoyés
des
Chevaliers
à
leur
arrivée,
ni
les
entendre,
ni
leur
répondre.
Il
avait
donné
l'ordre
de
reprendre
les
propriétés
que
ces
Chevaliers
avaient
dans
son
pays
et
dans
celui
d'Antioche,
entre
autres
le
port
de
Bonel
dont
les
Templiers
tiraient
de
grands
bénéfices.
Léon
mit
une
garnison
dans
leurs
possessions
et
ne
permit
à
personne
ni
d'entrer
ni
de
sortir.
Le
Patriarche
pria
Léon
de
lever
l'interdit
du
libre
passage
dans
ces
endroits,
mais
celui-ci
n'écouta
point
sa
demande.
C'est
alors
que
le
Patriarche,
selon
l'autorité
que
lui
avait
conférée
le
Pape,
se
mit
à
menacer
Léon
de
l'anathématiser
selon
les
canons
de
l'Église.
Il
lui
donna
un
délai
de
quelques
jours
pour
faire
acte
de
soumission.
Le
délai
s'étant
écoulé
sans
avoir
changé
la
détermination
de
Léon,
le
Patriarche
lança
l'anathème
et
fit
proclamer
dans
toute
la
ville
de
Jérusalem
que
celui
qui
s'aviserait
de
s'allier
à
Léon,
le
roi
d'Arménie,
contre
les
Templiers,
serait
excommunié.
Personne
ne
vint
en
aide
à
Léon,
mais
personne
non
plus
ne
lui
fit
opposition.
Alors
il
n'en
fut
que
plus
acharné
contre
les
Chevaliers;
il
s'empara
de
toutes
leurs
possessions
et
de
tous
leurs
revenus.
Il
n'y
eut
que
deux
châteaux-forts
qu'il
ne
parvint
pas
à
occuper.
Ensuite,
il
envahit
la
province
d'Antioche
et
ravagea
toutes
leurs
terres
et
détruisit
toutes
leurs
récoltes.
Quelques
Templiers
en
se
retirant
dans
leurs
forteresses,
furent
surpris
par
des
Arméniens
embusqués
dans
un
défilé
qui
leur
tuèrent
un
d'entre
eux
et
leur
en
blessèrent
d'autres,
parmi
lesquels
leur
Grand-Maître.
Quand
le
Pape
eut
appris
ces
év
è
nements,
il
crut
devoir
intervenir.
Il
écrivit
aussitôt,
le
18
Mai
1211,
à
son
Légat,
le
Patriarche,
de
recommander
aux
évêques
de
Syrie,
et
même
au
Catholicos
des
Arméniens
de
proclamer
dans
leurs
diocèses
l'excommunication
dont
était
frappé
Léon,
et
de
dire
à
Jean,
roi
de
Jérusalem
et
aux
autres
princes
de
faire
ce
qu'ils
pourraient
pour
arracher
des
mains
de
Léon
les
revenus
des
Templiers,
ou
de
fournir
eux-mêmes
à
ceux-ci
leurs
traitements.
D'après
Eracles
(XXXI,
7),
Jean,
roi
de
Jérusalem,
envoya
en
aide
aux
Templiers
cinquante
cavaliers
sous
le
commandement
de
Geoffroy
de
Caffran
et
d'Amion
d'Ays
et
que
Léon,
les
ayant
vus
venir,
cessa
de
combattre
et
s'éloigna
de
la
citadelle.
Que
l'arrivée
de
ces
cavaliers
eût
eu
lieu
en
réalité,
ce
ne
fut
dans
tous
les
cas
qu'un
certain
temps
après
et
non
à
ce
moment-là.
C'est-à-dire,
qu'ils
ne
vinrent
que
lorsque
Léon
tentait
déjà
de
se
réconcilier
avec
le
Pape
qui,
au
contraire,
voyant
que
Léon
avait
chassé
de
son
propre
pays
avec
les
Chevaliers
leurs
partisans
et
les
Latins,
et
craignant
que
dans
sa
colère
il
ne
s'en
prît
aussi
au
clergé
d'Antioche
et
le
chassât
de
cette
ville,
prévoyant
encore
que
sa
séparation
d'avec
les
Latins
donnerait
occasion
aux
voisins
d'Antioche,
au
Sultan
d'Alep,
Mélik
Daher,
fils
de
Saladin,
de
s'emparer
de
cette
cité,
—
écrivit
au
Sultan:
«
Bien
que
tu
ne
sois
pas
chrétien,
cependant
tu
entoures
les
Chrétiens
de
ta
sollicitude,
tu
auras
donc
des
égards
pour
les
Antiochiens
et
tu
ne
les
tourmenteras
point
».
Ce
que
Innocent
avait
appréhendé,
eut
lieu
en
effet.
Léon,
qui
mit
le
frein
à
l'arrogance
des
Templiers
et
sut
dompter
leur
mutinerie,
trouva
le
chemin
ouvert
pour
s'emparer
d'Antioche.
Bien
qu'il
se
fût
engagé
par
traité
et
juré
au
Patriarche
de
mettre
bas
les
armes,
il
se
considéra
comme
libéré
de
tout
par
les
événements
qui
venaient
de
s'accomplir.
D'ailleurs,
Léon
se
crut
quitte
de
son
serment
et
il
crut
pouvoir,
soit
par
la
ruse,
soit
par
l'intermédiaire
d'autres,
s'emparer
de
cette
ville
qui
fut
cause
de
tant
de
catastrophes.
Dans
tous
les
cas,
il
ne
voulut
pas
s'y
montrer,
car
il
voulut
sauver
les
apparences.
La
lettre
de
réprimandes
d'Innocent
à
Léon,
donnée
le
22
Février
de
la
seizième
année
de
son
pontificat,
nous
apprend
comment
Léon
s'empara
d'Antioche.
D'après
cette
lettre,
il
n'était
pas
allé
s'en
rendre
maître
en
personne,
il
y
avait
envoyé
une
nombreuse
armée
et
Roupin
avec
elle;
cette
armée
devait
placer
celui-ci
sur
le
trône.
Elle
ne
causa
pas
moins
de
dommages
aux
habitants
ordinaires
qu'aux
ecclésiastiques
d'Antioche,
car
elle
leur
emporta
leurs
biens,
et,
comme
butin,
une
somme
de
plus
de
cent
mille
besants
d'or
(plus
d'un
million
de
francs).
On
ne
dit
pas
où
se
trouvait
alors
le
Comte,
surnommé
Bohémond
IV,
ni
ce
qu'il
fit
en
ces
circonstances.
Innocent
dans
sa
lettre,
reprochait
à
Léon
d'avoir
violé
le
traité
conclu,
avant
que
le
délai
convenu
ne
fût
expiré;
il
lui
reprochait
d'avoir
chassé
le
nouvel
archevêque
de
Tarse
et
d'avoir
distribué
les
revenus
de
ce
prélat
à
ses
soldats,
de
n'avoir
point
tenu
compte
de
l'anathème
dont
il
avait
été
frappé
pour
s'être
emparé
des
propriétés
et
des
revenus
des
Templiers.
Il
lui
conseillait
ensuite,
il
le
priait,
il
le
conjurait
de
sortir
de
cette
voie,
de
rendre
à
ces
derniers
leurs
biens,
comme
les
siens
au
Patriarche
d'Antioche.
Il
l'avertissait
que
si
cette
fois,
il
résistait
encore,
il
avait
donné
l'ordre
au
Patriarche
de
Jérusalem
et
à
l'Archevêque
de
Tyr
d'excommunier
doublement
lui,
Roupin
et
les
principaux
de
ses
conseillers.
Le
Pape
avait
écrit
également
au
Roi
de
Jérusalem,
à
celui
de
Chypre
et
aux
autres
barons
de
fuir
Léon
et
de
chercher
le
moyen
de
faire
rentrer
les
Templiers
dans
leurs
biens.
Pendant
que
Léon
était
en
dissension
avec
les
Latins,
il
paraît
qu'il
aurait
défendu
formellement
à
tout
étranger
de
sortir
de
ses
Etats
ou
d'y
rentrer
sans
une
autorisation
délivrée
par
lui-même.
C'est
du
moins
ce
que
nous
rapporte
le
chanoine
Willebrand
qui
fut
l'hôte
de
Léon
à
cette
époque,
c'est-à-dire
de
1211
à
1212.
Il
demeure
évident,
par
les
premières
lettres
que
le
Pape
envoya
à
Léon,
qu'Innocent
avait
une
affection
réelle
pour
notre
roi,
à
cause
de
ce
qu'il
s'était
uni
à
son
Église
et
à
cause
aussi
de
l'aide
qu'il
comptait
qu'il
apporterait
aux
Croisés.
Il
est
donc
certain
que
le
Pape
avait
eu
la
main
forcée
lorsqu'il
lui
avait
écrit
ce
que
nous
avons
vu
en
dernier
lieu
et
qu'il
n'avait
pas
fait
cela
de
son
plein
gré.
Le
commencement
de
sa
lettre
nous
l'indique
clairement,
il
y
dit:
«
Invite
ac
dolenter
tibi
negamus
apostolic
æ
salutationis
et
benedictionis
alloquiam
».
Cependant
cinq
jours
après,
le
27
Mars
1213,
le
Pape,
en
légalisant
la
donation
par
Léon
aux
Chevaliers
Teutons
de
la
forteresse
d'Amouda,
s'exprime
ainsi
vis-à-vis
de
Léon
dans
sa
lettre:
«
Carissimo
filio
nostro
in
Christo.
Leoni
illustri
Rege
Armenie
pia
liberalitate
collata,
etc
».
L'affection
réciproque
de
Léon
et
du
Pape
et
leur
respect
l'un
envers
l'autre
étaient
sincères.
Non
seulement
Léon
reconnaissait
la
haute
supériorité
de
rang
d'Innocent,
mais
il
admirait
les
qualités
de
son
cœur
et
de
son
esprit
et
ses
vertus.
Bien
qu'avant
de
recevoir
la
lettre
du
Pontife
Romain,
il
était
considéré
comme
excommunié,
il
ne
tarda
pas
à
effacer
les
effets
de
cet
anathème,
par
respect
pour
la
haute
intelligence
d'Innocent,
dont
il
se
regardait
comme
le
nouveau
fils.
On
prétend
que
Léon
écrivit
aussi
des
lettres
de
regret
au
Patriarche
de
Jérusalem
et
que
celui-ci
en
lit
part
au
Pape
en
l'assurant
de
sa
bonne
volonté
et
du
repentir
du
Roi,
et
que
le
Pape
écrivit
à
son
tour
au
Patriarche,
la
même
année
1213,
—
la
lettre
ne
porte
pas
la
date
du
mois,
—
de
délivrer
Léon
des
censures
de
l'Église,
après
que
celui-ci
eût
fait
la
promesse
de
se
réconcilier
avec
le
Patriarche
d'Antioche
et
les
Templiers.
En
effet,
ce
Patriarche
et
le
Roi
reprirent
leurs
bons
rapports.
Toutefois
on
laissa
en
suspens
la
question
de
la
principauté
de
Roupin.
On
se
borna
à
réfuter
les
allégations
du
Comte
de
Tripoli
et
montrer
la
fausseté
de
ses
prétentions.
Le
Comte
avait
été
appelé
par
le
Patriarche
pour
être
entendu
avec
Roupin.
Il
prétendit
que
non
seulement
il
était
vassal
de
l'Empereur
d'Orient
et
qu'ainsi
personne
autre
que
l'Empereur
n'avait
le
droit
de
le
juger,
mais
encore
que
l'Empereur
avait
écrit
au
Pape
de
ne
plus
le
frapper,
lui
le
Comte,
des
anathèmes
de
l'Église.
Le
Pape
prouva
que
tout
ce
que
ce
dernier
alléguait
pour
se
disculper
était
sans
fondement
et
que
tous
les
crimes
dont
il
s'était
rendu
coupable
jusqu'alors
lui
méritaient
de
ne
plus
être
écouté.
On
ne
sait
pas,
toutefois,
ce
qui
fut
décidé
à
propos
de
cette
interminable
question;
car
la
fin
de
la
lettre
pontificale,
qui
aurait
pu
nous
l'apprendre,
nous
manque
malheureusement,
soit
qu'elle
a
î
t
été
omise
dans
la
publication,
soit
qu'elle
manquât
dans
les
Archives.
Il
paraît
seulement
que
Léon,
par
déférence
pour
Innocent,
se
retira
généreusement
de
la
question,
laissant
aux
autres
le
soin
de
faire
valoir
leurs
droits.
Une
lettre
du
Pape
au
Comte
de
Tripoli,
remise
le
28
Janvier
1213
pour
l'Abbé
du
Couvent
de
S.
Paul
à
Antioche,
fait
voir
que
le
Comte
se
trouvait
alors
dans
cette
ville.
En
revanche,
deux
ans
après,
pendant
le
mois
de
Mars
1215,
c'est
Léon
qui
est
à
Antioche
en
qualité
de
témoin
pour
les
édits
que
Roupin
donne
comme
prince
d'Antioche,
aux
Chevaliers
de
l'Hôpital.
Dans
ces
écrits
bien
que
le
nom
de
la
ville
où
il
a
été
donné
ne
soit
pas
indiqué,
on
trouve
cités
comme
témoins
le
Patriarche
et
les
Barons
d'Antioche.
Il
est
encore
plus
évident
que
pendant
la
même
année
1215
—
cette
lettre
encore
ne
porte
pas
la
date
du
mois,
—
Innocent
adressa
une
lettre
à
Léon,
en
même
temps
qu'une
autre
au
roi
de
Jérusalem,
pour
les
prier
d'envoyer
des
vaisseaux
au
secours
du
Patriarche
de
Jérusalem,
son
Légat.
Bien
qu'il
ne
nous
soit
resté
que
l'
en-tête
de
cette
lettre
à
Léon,
cela
nous
suffit
pour
nous
faire
entrevoir
que
l'accord
et
l'amitié
s'étaient
rétablis
entre
celui
qui
écrivait
et
celui
à
qui
il
écrivait.
Or
donc,
fut-ce
en
1213
ou
en
1215,
le
Comte
s'était
emparé
d'Antioche;
toutefois,
au
commencement
de
l'année
suivante,
en
1216
et
pour
la
dernière
fois,
«En
le
mois
de
Février,
le
14
de
ce
mois,
à
la
fête
de
la
Présentation
de
la
S.
te
Vierge,
le
roi
Léon
s'empara
d'Antioche,
par
son
adresse
et
par
son
habileté.
Car,
ce
qu'il
ne
put
obtenir
auparavant
par
de
grands
combats,
il
l'obtint
ensuite
par
les
grands
présents
et
les
promesses
qu'il
fit
à
quelques-uns
des
princes
qui
lui
ouvrirent
les
portes
de
la
ville
pendant
la
nuit.
Léon
y
entra
avec
une
nombreuse
armée,
garda
les
portes
et
toutes
les
tourelles
qui
cernaient
les
bastions,
remplit
les
rues
de
la
ville
d'une
grande
foule
de
soldats,
sans
que
les
habitants
s'en
fussent
aperçus,
et,
lorsque
le
matin
arriva,
ils
virent
toute
la
ville
pleine
de
soldats
et
en
furent
tout
surpris.
On
ne
fit
de
mal
à
personne
et
on
ne
toucha
aux
biens
d'aucun.
Alors
le
Patriarche
et
tous
les
princes
reçurent
et
accompagnèrent
Léon
et
Roupin
au
temple
de
S.
Pierre.
Là
le
Patriarche
sacra
Roupin,
prince
d'Antioche
et
tous
lui
prêtèrent
serment
comme
à
leur
souverain.
Ceux
qui
s'étaient
réfugiés
dans
la
Citadelle
y
restèrent
quelques
jours,
puis
ils
vinrent
se
rendre
à
Roupin
et
s'humilier
devant
lui.
Quant
au
roi
Léon,
se
voyant
enfin
arrivé
au
terme
des
contestations,
il
était
tout
joyeux
du
succès
que
le
Ciel
lui
avait
accordé
».
Cet
év
è
nement
ressemble
à
celui
qui
eut
lieu
dix
ans
avant,
en
1206,
et
dont
Léon
écrivit
tous
les
détails
au
Pape
Innocent.
Peut-être
que
ce
sacre
dont
il
est
fait
mention
ici,
signifie
quelque
chose
de
plus
que
la
remise
de
la
bannière,
car
Roupin
avait
été
déjà
depuis
longtemps
couronné
par
Léon
qui
avait
posé
sur
son
front
la
couronne
donnée
par
l'Empereur.
La
plus
grande
joie
de
Léon
lui
fut
causée
par
la
prise
de
la
Citadelle.
Il
est
évident
que
le
Comte
s'en
était
évadé
et
qu'il
ne
s'y
trouvait
pas.
Qu'il
fut
trois
ans
sans
pouvoir
y
rentrer,
mais
qu'ensuite
il
put
y
pénétrer
et
s'en
rendit
maître
sans
coup
férir,
Léon
n'était
plus
alors
en
position
de
s'y
opposer,
car
sa
mort
était
proche.
Léon
se
réjouissait
encore
d'avoir
achevé
une
œuvre
qui
lui
avait
coûté
tant
de
peines
et
tant
de
fatigues.
Personne,
du
reste,
ne
lui
avait
fait
opposition.
Le
Patriarche
était
las
des
manèges
du
Comte;
les
Templiers
avaient
été
pleinement
dédommagés
de
leurs
pertes.
Bien
que
l'entrée
dans
Antioche
eût
été
effectuée
furtivement,
la
réception
fut
manifeste.
Le
premier
des
notables
qui
prirent
parti
pour
Léon,
fut
le
sénéchal
d'Antioche,
probablement
le
père
du
milicien
Archivald,
qui
était
entré
au
service
de
Léon
et
que
nous
avons
vu,
dans
les
années
1210
et
1211,
faire
partie
de
l'ambassade
de
Héthoum-Elie
envoyée
à
l'Empereur
et
au
Pontife
Romain.
Celui-ci
(Innocent),
qu'avait-il
pensé
de
cette
entrée
de
Léon
dans
Antioche
et
de
cette
prise
de
la
possession
paternelle
par
Roupin
?
En
eut-il
connaissance
dans
les
derniers
mois
qui
lui
restaient
à
vivre
?
Car
il
mourut
la
même
année,
étant
allé
pendant
le
mois
de
Mai,
à
Pérouse,
où
il
tomba
malade
parce
qu'il
ne
prit
aucun
soin
de
sa
personne.
La
mort,
arrivée
le
16
ou
17
Juillet,
fut
un
grand
deuil
pour
son
époque.
Innocent
laissa
un
nom
illustre
aux
siècles
futurs.
Nous
ajouterons
qu'il
tint
une
grande
place
dans
notre
histoire,
que
sa
mémoire
a
été
conservée
dans
notre
Église
et
dans
notre
nation.
A
ce
moment-là
un
pareil
personnage
était
nécessaire
aux
Arméniens
et
à
Léon
aussi.
Le
sort
de
notre
Roi,
eût
peut-être
été
tout
autre
s'il
n'avait
pas
eu
des
relations
avec
ce
Pontife
généreux
et
prudent.
Léon
en
avait
reçu
des
faveurs
et
des
réprimandes,
mais
il
lui
avait
procuré
bien
des
tourments.
Les
contestations
à
propos
d'Antioche
furent
préjudiciables
à
l'un
comme
à
l'autre
de
ces
deux
puissants
personnages;
elles
firent
péricliter
la
prospérité
du
nouveau
royaume
de
l'un,
elles
arrêtèrent
l'
autre
dans
l'
achèvement
de
l'œuvre
de
la
croisade
et
reculèrent
la
délivrance
de
Jérusalem,
dont
le
Pape
avait
fait
l'objet
de
toutes
ses
espérances,
de
tout
son
zèle;
il
y
avait
consacré
les
dix-huit
années
de
son
pontificat,
il
s'y
attachait
encore
lorsque
la
mort
vint
le
surprendre.
Si
l'on
devait
juger
les
choses
d'après
ce
qu'en
pensait
son
successeur,
Honoré
III,
qui
ne
pouvait
ignorer
rien
de
ce
qui
venait
de
s'accomplir,
il
faudrait
supposer
qu'Innocent
ne
désapprouva
pas
les
derniers
actes
de
Léon.
Ce
n'est
pas
seulement
à
Léon
que
Honoré
prodigue
les
éloges,
dans
la
lettre
qu'il
lui
adressa
le
25
Juillet
1217,
il
félicite
chaudement
encore
Roupin,
prince
d'Antioche,
et
il
recommande
à
Léon
de
couvrir
le
jeune
prince
de
toute
sa
sollicitude
pour
que
celui-ci
devienne
semblable
à
lui.
Puis,
le
Pontife
Romain
acquiescant
à
la
demande
du
jeune
prince
d'Antioche,
le
met
sous
la
protection
des
Hospitaliers
qu'il
prie
de
le
servir
dans
tous
ses
besoins.
Dans
cette
lettre,
il
n'est
nullement
parlé
du
Comte
de
Tripoli.
Trois
ans
après
tous
ces
évènements,
quand
Léon
était
près
de
fermer
les
yeux
pour
toujours,
il
fut
informé
que
Roupin
avait
été
de
nouveau
chassé
d'Antioche.
Mais
tous
les
soucis
de
ce
monde
étaient
finis
pour
le
Roi.
Cette
guerre
contre
Antioche
avait
été
pour
Léon
plus
longue
et
plus
pénible
que
la
fameuse
guerre
de
Troie
ne
l'
avait
été
pour
les
guerriers
de
jadis.
A
quatre
ou
cinq
reprises
il
avait
été
repoussé,
mais
il
avait
fini
par
s'emparer
de
cette
ville
d'Antioche
qu'il
avait
remise
entre
les
mains
de
son
maître
et
souverain
légitime.
Roupin,
parvenu
à
sa
majorité,
devait
dorénavant
la
soumettre
et
la
gouverner
ou
la
perdre
pour
toujours.
En
s'emparant
de
cette
ville
et
en
humiliant
celui
qui
la
lui
disputait,
Léon
fit
voir
à
tous
ceux
qui
pouvaient
concevoir
des
soupçons
contre
lui,
que
ce
n'était
pas
pour
agrandir
son
royaume
qu'il
avait
entrepris
cette
périlleuse
campagne.
La
plus
grande
victoire
qu'il
ait
obtenu
fut
celle
qu'il
remporta
sur
sa
propre
personne,
lorsqu'il
vainquit
son
caractère
indomptable,
lorsqu'il
réprima
toutes
les
ambitions
de
son
cœur,
pour
complaire
à
un
personnage
plus
haut
que
lui,
le
Pontife
de
Rome,
qu'il
ne
considérait
pas
seulement
comme
un
père,
mais
comme
celui
qui
de
la
part
de
Dieu
lui-même
l'avait
couronné.
Si
Léon
eût
été
ce
que
prétend
Guiragos,
un
hypocrite,
un
être
indomptable
et
obstiné
comme
Bohémond
de
Tripoli,
il
aurait
pu
s'affranchir
de
l'autorité
papale
en
s'appuyant
sur
ses
droits
qui
militaient
plus
en
sa
faveur
qu'en
celle
des
autres
aux
yeux
des
gens
sensés
et
intelligents,
il
aurait
pu,
dis-je,
s'emparer
d'Antioche
par
la
force
et
l'habileté,
alors
qu'il
venait
d'affaiblir
les
forces
et
de
faire
tomber
l'orgueil
des
Templiers
et
qu'il
s'était
fait
des
Hospitaliers
ses
reconnaissants
alliés.
D'autant
plus
encore
que
Léon
avait
vu
incidemment
que
d'autres
peuples
attachés
au
Pape
soit
par
nationalité,
soit
par
la
langue,
soit
par
le
rite
ecclésiastique,
outre
le
Comte
de
Tripoli,
ne
tenaient
aucun
compte
de
ses
anathêmes,
de
ses
exhortations,
de
ses
ordres,
et
que
toute
l'armée
et
la
flotte
de
la
quatrième
Croisade,
prenant
une
tout
autre
route
que
celle
de
la
Syrie,
malgré
les
ordres
du
Pape
Innocent,
allaient
assiéger
Zara,
et
que
le
vieux
Doge
Dandolo
préférait
châtier
des
révoltés
ou
passer
son
temps
ailleurs
que
de
courir
à
la
délivrance
de
la
Terre-Sainte;
que
les
Croisés
étaient
allés
s'emparer
de
Constantinople
et
de
l'Empire
d'Orient,
et
que,
lorsque
les
Légats
du
Pape
protestèrent
contre
cet
agissement,
on
leur
répondit
que
c'était
par
ce
chemin
que
les
Croisés
iraient
à
Jérusalem;
puis
qu'après
tout
cela,
après
s'être
gorgés
de
butin,
après
avoir
conquis
des
pays,
ils
demandaient
pardon
au
Pape
dont
ils
avaient
trompé
les
espérances
et
dérangé
les
vues
!
Léon,
dis-je
encore,
qui
avait
vu
tout
cela
se
passer
chez
les
Occidentaux,
resta
plus
fidèle
au
Pape
que
ces
derniers
et,
moralement,
son
triomphe
fut
au-dessus
du
leur.
Voilà,
peut-être,
la
plus
grande
victoire
de
Léon,
voilà
le
plus
beau
joyau
de
la
Couronne
de
notre
Roi
!
Nous
avons
dû
bon
gré
mal
gré
suivre
le
cours
de
cette
longue
question
d'Antioche
et
abandonner
un
moment
le
récit
de
l'histoire
du
pays
proprement
dit
de
notre
Roi,
il
nous
faut
maintenant
le
reprendre
pour
apprécier
Léon
dans
ce
qu'il
accomplit
à
l'intérieur
de
ses
Etats.
Cela
nous
donnera
une
idée
plus
exacte
de
ce
que
fut
ce
grand
Roi.