Léon le Magnifique premier Roi de Sissouan ou de l'Arménocilicie

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  LA LITTÉRATURE ARMÉNIENNE SOUS LA DYNASTIE DES ROUPENIENS

 

Les plus illustres de la seconde époque de notre lettérature et ceux qui nous sont le plus connus, nous les avons déjà cités dans la partie de notre livre qui traite de la géographie de Sissouan. Je ne ferai que répéter ici leurs noms et désigner leurs écrits, en même temps que je nommerai d'autres écrivains dont les œuvres nous sont restés inconnus. Le plus célèbre de tous, sous bien des rapports, fut Nersès de Lambroun. C'est le plus ancien des littérateurs du temps. Outre les écrits dont nous avons déjà parlé ( Sissouan p. 90-9 ) il en a laissé d'autres que nous connaissons par les mentions qu'en ont faites les chroniqueurs de l'époque. Ainsi, il a écrit: Un Sacre d'Evêque, un Sacre de Catholicos, un Calendrier ecclésiastique, la Vie de S. Grégoire de Nareg; Commentaires des Huit Mystères ou Pensées écrites à la demande d'un ermite nommé Adam, les Noms des fondateurs de villes, à la demande du médecin Aboussaïd, et la Vie de S. Nersès Chenorhali.

Après lui, un peu plus tard et non loin des frontières de la Cilicie, vivait un autre Nersès, qui avait été évêque et, ce semble, au couvent de Trazargue. Mons. Basile, l'abbé de ce couvent ( voir Sissouan, p. 231 ) fit apporter de Constantinople les Commentaires de S. Jean Chrysostome (?) sur les Epitres œcuméniques et les fit traduire à Lambroun par un Grégoire le Lecteur, que je suppose être le fameux Skevratzi ( v. Sissouan, pp. 100 et 101 ), pendant qu'il était encore très-jeune mais qui connaissait parfaitement la langue grecque. Ce Grégoire vécut encore soixante ans, il était encore lecteur; Nersès que nous venons de citer corrigea cette traduction en 1163, après la mort de Mons. Basile. Cet ouvrage m'est inconnu quoiqu'il ait été écrit à la même époque que les Commentaires de Sarkis Schenorhali sur les mêmes Lettres.

Avant bien d'autres encore, florissait à cette époque Georges Méghrig, (Mielleux), ( v. Sissouan, p. 231 ).

Après ceux-ci, vient une série de litterateurs qui forme comme une auréole de satellites gravissant autour du grand astre de Lambroun;

Samuel, Docteur de Skévra ( v. Sissouan, p. 98 ), qui écrivit la Vie de Nersès de Lambroun;

Le précepteur de Nersès, le Docteur Jean, ne nous a laissé aucun écrit. Son chef d'œuvre, s'il nous est permis de nous exprimer ainsi, fut son élève, le Lambrounetzi;

Le frère de Nersès, Héthoum-Élie, prince et ensuite religieux;

Le serviteur de Nersès, Khatchadour. ( v. Sissouan, pp. 94-98), qui fit une élégie sur son maître;

Enoch de Vahga le controversiste, qui écrivit une lettre de reproches aux Grecs, quand ils firent prisonnier le baron Léon;

Le compagnon de voyage du même, le Docteur Georges ( v. Sissouan, p. 147 ) qui paraît avoir été le premier Grammairien de Sis;

Son neveu, le prêtre Nersès ( v. Sissouan, p. 39 ) et Vassil ou Basile ( v. Sissouan, p. 99 ), le docteur qui fut compagnon d'études de Grégoire de Skévra.

Tous ces derniers sont nos écrivains du XII e siècle. Le siècle suivant, la littérature prit un essort nouveau et fit de brillants progrès dans le pays de Sissouan, grâce à la protection puissante des Héthoumiens sous lesquels l'étude des langues se développa, parce qu'ils étaient en continuelles relations avec les Occidentaux. Les plus illustres écrivains et savants, dont il ne nous reste que les écrits de quelques-uns d'entre eux, sont;

Le grammairien Aristaguès, le continuateur des Commentaires de l'Évangile de S. Mathieu, commencés par Nersès Schenorhali;

Le Docteur Basile, l'ambassadeur de Héthoum I; et les frères du roi, l'év ê que Basile, Abbé de Trazargue, et Jean, le Maître-Évêque, Abbé de Kernère ( v. Sissouan, pp. 144-146 ); Sempad le Connétable, dont les nombreux écrits et faits d'armes sont déjà connus, ( v. Sissouan, pp. 71-73 );

Vartan, l'év ê que de Sébine, (?) élève du Catholicos Constantin;

Le Docteur Jacques, qui fut envoyé près l'Empereur de Nycée pour résoudre différentes questions religieuses;

Mekhitar de Skévra ( v. Sissouan, p. 101 ), interprète de Héthoum auprès des Tartares et son ambassadeur à Ptolemaïs;

André le Philosophe, le secrétaire de Héthoum. Il ne nous reste de lui que quelques pages de Calendrier;

Thomas le Cilicien. Nous ne savons pas au juste à quelle époque il vivait ( v. Sissouan, p. 14 ), non plus qu'un docteur Vartan;

Vahram le Docteur, le plus illustre du temps de Léon II, qui, sur la demande de ce roi écrivit en vers l'histoire de la famille de Léon et du Règne des Roupéniens; son style est un pastiche de Schenorhali. Je ne crois pas que ce soit à cet écrit qu'il dut sa rénommée. Ses autres ouvrages, assez bien faits, sont ses dissertations sur le Mystère de l'Incarnation, l'Épiphanie, l'Ascension, sur les paroles: « Que la verge fleurisse, etc. au jour, que Léon II fut sacré Roi des Arméniens »; sur le Dimanche des Rameaux, le Cantique de Débora; sur quelques passages du prophète Ézechiel; Réponses aux questions du Roi Héthoum sur les anges, sur Adam, etc.; Explication des livres de Porphyre. Il a écrit bien d'autres livres encore, car un contemporain, en parlant du docteur Sosthènes, autre écrivain célèbre du temps, dit: « Sosthènes connaissait toutes les saintes Écritures, les anciennes et les nouvelles, aussi bien que les œuvres des auteurs profanes. Il n'existait personne d'aussi savant que lui, de nos jours et sous le règne de Léon (II) et le patriarcat de Jacques, si ce n'est le grand docteur des docteurs, dont le nom seul est comme une douce rosée et qui s'appelle Vahram ».

Le même chroniqueur cite encore: Étienne de Vahga, qui dirigeait, par ordre de Sosthènes, les travaux de restauration de l'église du S. t Esprit, à Sis. Un autre Chroniqueur dit de lui qu'il à écrit un livre sur la Création.

De la fin du XIII siècle au milieu du XIV, les auteurs qui nous sont connus sont: d'abord, l'héritier du trône, Héthoum II, qui composa en vers une histoire abrégée de la vraie et de la fausse Pâque;

Ensuite, Héthoum, l'Historien, Seigneur de Coricos, dont nous avons tant parlé, ( v. Sissouan, pp. 337-339 );

Georges de Skévra et son élève et panégyriste Moïse;

L'intime ami du Roi, le Catholicos Grégoire d'Anazarbe, que nous avons cité et des écrits de qui nous avons parlé ( v. Sissouan, pp. 241 et 242 ) et pour lequel nous ajouterons ici ce que nous avons recueilli sur lui, c'est-à-dire qu'il a écrit un Commentaire de l'Évangile de S. Marc et un Discours sur Ézechiel, si ce dernier ouvrage n'est pas un Commentaire également.

On pourrait citer aussi le Catholicos Jacques, par reconnaissance de ce qu'il a publié l' Encyclique de S. Nersès Schenorhali, dans sa bulle. C'est encore lui qui a composé une belle hymne sur la Nativité de la Sainte Vierge;

Parmi les successeurs au siège du Catholicos, nous devons mentionner Mekhitar, pour une Bulle qu'il édita et pour le Concile qu'il fit convoquer, ( v. Sissouan, page 137 ).

Ce concile fut relaté encore par Daniel de Tauris, surnommé le Minor, parce qu'il était dans l'ordre des Mineurs Franciscains.

Étienne Koïner-Eritzantz, « qui était si habile dans l' art de copiste, et le plus célèbre de tous, au dire d'un chroniqueur contemporain. Il était encore éloquent parleur et rempli de zèle, ainsi que l'affirment les savants et les gens qui sont compétents pour apprécier le savoir; de plus c'était un grammai rien consommé ».

Étienne de Crag, archevêque de Tarse, dont il nous reste un Canon de la Bénédiction du Vaisseau et quelques mémoires courts et familiers, ainsi que quelques autres menus écrits, dans lesquels il se proclame le ministre de la parole. Un autre chroniqueur l'appelle savant sans pareil et maître en rhétorique.

Un des derniers écrivains de la Cilicie est le Docteur Basile de Mascheghevor, ( v. Sissouan, p. 408 ).

Un de ses contemporains est un certain Jean de Sis, qui se dit aussi ministre de la parole et prétend avoir étudié auprès d'Isaïe Netchetzi et du grand docteur Mesrob. Constance Serigh: bien que je ne connaisse ni le pays natal ni la profession de celui-ci, je suppose qu'il devait être de la Cilicie. C'était un chantre renommé et un versificateur: il paraît avoir vécu au commencement du XIII siècle, car ses vers ont été recueillis en un volume écrit vers le milieu du même siècle.

Étienne Serigh, qui appartenait à la même famille et qui exerçait la même profession, florissait un peu plus tard.

L'art de ces deux derniers, la musique, a été le privilège et la partie intégrante de la littérature des Arméniens en Cilicie, et il vaut la peine qu'on s'y arrête. Dans notre géographie de Sissouan nous avons dit que la plus fameuse école de musique sacrée était le monastère d'Arkagaghni (Noisetier) et nous avons donné le nom de quelques musiciens. L'historien de la Cilicie nous en révèle d'autres qu'il cite à la suite l'un de l'autre. «D'abord l' honorable Nersès, fils de Léon II Roi », en 1279 et mort en 1301, qui, au milieu des agitations de la Cour et des intrigues de ses frères qui aspiraient au trône, préféra s'adonner aux doux et pacifiques plaisirs du chant et, souhaitant d'entendre les chœurs des phalanges célestes, s'envola tout jeune au Ciel, sans que l'on sût quels écrits il a laissés. Après ce prince, les musiciens les plus célèbres sont les prêtres Avack et Thoros, dont nous ignorons le lieu de naissance, les œuvres et l'époque ils vécurent. Ensuite viennent le prêtre Jacques et son frère Jean, religieux de Trazargue; Jean, le gardien du monastère d'Aguenère. Un Léon et un Nersès; Jean le religieux, Constance le Lecteur, dont nous ignorons aussi le pays et le temps ils florissaient; Thoros Thaprontz chapelain du palais royal qui fut envoyé comme ambassadeur à Londres, mort le 27 Décembre 1342, ainsi qu'il est relaté dans un ménologue royal, et qui fut un « chantre de beaucoup de talent et de savoir »: Simon, le chef des Chantres de Trazargue; un autre du même nom: Simon le Philosophe, chantre à Arkagaghni, de 1258 et 1260; Margara le Philosophe, chantre au Couvent de Turketi en 1335; « et bien d'autres » prétend un chroniqueur contemporain.

Parmi les musiciens connus et dont ne parle pas ce chroniqueur, le plus ancien de tous est Joseph le Maître-musicien de Trazargue, sur qui écrivait en 1241 un certain Jean, célèbre chantre également: « Je me suis adonné à l' art de la musique... J'ai copié d'abord et j'ai écrit ensuite (un livre des chants (des offices) d'après un modèle très bien fait d'un maître de chant nommé Joseph très fort dans l'art de la musique qu'il connaissait parfaitement, à ce point qu'il n'a pas son pareil à présent ».

Quand nous avons décrit le monastère de Arkagaghni, nous avons parlé d'un livre d'études du chant qu'on appelait alors Menues-sciences. Cette compilation faite avec le plus grand soin était connue sous le nom de Vaudzenzi. Je ne saurais dire si ce nom est celui du lieu le manuscrit à été fait ou si c'est le nom d'un artiste plus ancien, comme le livre des hymnes de Khelghetzi, attribué à Grégoire le Sourd, ( v. Sissouan, pp. 105-106 ). Ce dernier que nous venons de citer, est classé parmi les plus célèbres musiciens et les plus habiles copistes et dont notre Chroniqueur avance 1' époque de l'existence, lorsqu'en parlant des progrès de la littérature sous le règne de Léon, il dit: « En ce temps-là, il y avait un remarquable maître et musicien qui était premier secrétaire à Sis, surnommé le Sourd. On disait de lui qu'il se mettait de la cire dans les oreilles pour ne pas entendre les conversations frivoles, et c'est à cause de cela qu'il fut surnommé le Sourd. C'est lui qui supprima les passages inutiles et ajouta ce qui manquait au texte du livre des Hymnés; c'est cette récension qu'on appelle Khelghetzi; et les copies sont désignées sous le nom des Originaux de Sis ». L'autre industrie de notre brave Sourd, était l'art de copiste; charge très honorée et très estimée dans le Sissouan, soit à la cour du Roi, soit dans les monastères. Les manuscrits en fournissent la preuve irrécusable. L'historien cite par leurs noms les copistes suivants qui existaient vers la fin du XIII siècle et dans la première moitié du XIV: Grégoire le clerc, Vassil le clerc, le prêtre Héthoum, Constance Charahussantz, le prêtre Sarkis qui était le neveu d'Étienne de Vahga et qui dit de lui qu'il acheva la copie du beau livre enluminé de la Création, qu'on avait commencée sous le règne de Léon II et qu'on a finie sous le règne de Léon IV. Il paraît que ce Sarkis est le célèbre Sarkis bien connu qui fut surnommé Bidzag (la Guêpe), ( v. Sissouan, pp. 235 et 236 ) et qui était fils du dit prêtre Grégoire-le-Sourd. Voici comment on explique pourquoi il fut surnommé Bidzag: « Il cueillait des fleurs qu'il dessinait en couleur; un jour une guêpe vint se poser devant lui sur sa fenêtre, il la dessina tout de suite. Ceux qui se trouvaient à côté de lui, crurent que la guêpe s'était posée réellement sur son dessin et voulurent la chasser avec la main. Grégoire se mit à rire; ils se mirent à rire de leur méprise et depuis ce moment l'appelèrent la Guêpe ».

Il se peut que ce Constance Charahussantz, dont nous avons déjà parlé, soit ce prêtre que son élève, le prêtre Léon traitait, en 1306, «d'incomparable et inégalable copiste». Il disait de même de son frère Sion le prêtre, qui mourut tout jeune encore d'une mort prématurée.

Si l'on ne peut pas dire que les copistes de Sissouan étaient innombrables on peut dire qu'ils étaient fort nombreux. Nous avons donné, dans la partie géographique de Sissouan, des spécimens de leurs travaux par des fac-simile obtenus au moyen de la photographie, en même temps que des spécimens des miniatures de Bidzag, et de Constance qui était au service de S. Nersès Lambroun, ( v. Sissouan, pp. 85-99 ).

Il arriva souvent que les deux arts de copiste et de miniaturiste étaient exercés en même temps par ceux qui faisaient les manuscrits: c'est pourquoi on appelle souvent aussi les copistes enlumineurs et doreurs. Les Sissouaniens surpassèrent tous les artistes de la Grande Arménie dans cet art. Un des plus distingués de nos artistes (Sissouaniens) était le contemporain de Constance, l' incomparable Grégoire, l ' enlumineur de l'Evangile de Babéron ( v. Sissonan, p. 74), « qui surpassa tous les autres et fut sans rival dans notre nation ».

Comme contemporains de Bidzag, on cite encore le miniaturiste Jacques, au Couvent de Kaïl et bien d'autres. Les plus anciens copistes ont imité la manière byzantine, les modernes ont fait selon leur inspiration et leur goût. Mais ils n'ont pas égalé leurs maîtres, ils ne surent jamais reproduire aussi bien les traits du visage, ni dessiner les mains et les pieds; ils furent plus habiles à représenter des oiseaux, des nymphes, des animaux, des arabesques et mille sujets de leur invention et de leur imagination qui nous demanderaient trop de temps à décrire.

L'espace ne nous permet pas non plus de nous appesantir sur d'autres arts, d'autres sciences, d'autres formes littéraires qui furent cultivées à Sissouan. En tout cela si l'on ne trouve pas qu'ils soient arrivés à la hauteur des docteurs de la Grande Arménie, on ne peut leur contester cependant le goût et une entente du choix bien supérieurs aux premiers. Cela se comprend du reste, parce qu'ils étaient plus rapprochés des Occidentaux et voisins des Antiochiens et des Cypriotes et des autres principautés des côtes de la Syrie. Des relations avec ceux-là il résulta le progrès et le développement dans les langues étrangères; ils s'alliaient avec eux, il y avait bien des ministres étrangers qui avaient eu accès aux charges de la Cour de nos rois.

Quant à l'étude des langues, c'est Nersès de Lambroun qui tient la première place; nous l'avons déjà dit. Presqu'égal à lui, tant en cette étude que dans d'autres, le suit de près Grégoire de Skévra. Celui-ci était versé dans la langue grecque, comme l'était également l'Abbé Constance, en 1332, et que nous avons vu servir d'interprète, ( v. Sissouan, p. 168 ).

Dans la langue latine, outre les secrétaires de la cour et les copistes, c'est encore Nersès de Lambroun; il en fit plusieurs traductions, comme aussi son frère Héthoum-Élie, et le dit Daniel Minor, et probablement d'autres; car sur la demande des Pontifes romains, on avait établi, dès les jours de Léon, des écoles pour l' étude de la langue latine en Sissouan.

Il y en avait probablement beaucoup qui étaient versés dans la langue française; on peut citer en première ligne le Connétable Sempad, et son neveu l'historien Héthoum.

Les langues arabe et persane étaient aussi cultivées chez nous; il y avait continuellement des ambassades avec les sultans d'Égypte, d'Iconie, et les émirs d'Alep et de Damas. On connaît déjà le prêtre Mienne, l' interprète, qui par ordre du roi Héthoum I, « traduisit du persan les diverses manières de forger l'acier, c'est-à-dire de tremper le fer »; on dit qu'il rendit aussi en arménien, l'Art du forgeron et du coloriste. Toutefois les ouvrages les plus connus sont des traités de Médecine, la plupart recueils et traductions des livres persans et arabes. Ceci nous nous rappelle nos médecins nationaux, dont quelques-uns étaient sans doute des provinces du Sissouan; mais dont nous ne connaissons que très peu et le temps et les œuvres; tels sont: Sarkis, Simon, Aharon, et son fils Étienne et leur famille, Vahram, et peut-être aussi le Médecin Jaune (Teghin), et Josselin.

On étudiait aussi le syrien, en Sissouan, car il y avait des couvents, des églises et de hauts dignitaires, des vicaires syriens. C'est en ces temps que le docteur Georges traduisit à Kessoun, quelques dissertations de S. Éphrem.

Les Sissouaniens durent se familiariser aussi avec les langues turque et tartare. Le docteur Mekhitar de Skévra les connaissait. Il était aussi versé dans le latin, et c'est lui que le roi Héthoum emmena avec lui, lorqu'il se rendit chez les Tartares. Il paraît que le docteur Basile le sut aussi, puisqu'il y fut envoyé, comme ambassadeur quelques temps auparavant.

A Ayas, la ville maritime, on parlait outre le français, l'italien; de nombreux commerçants venus des villes et des républiques de l' Italie s'y étaient installés.

Nous omettrons ici de traiter des autres sciences et arts qui prospérèrent en Sissouan; nous noterons seulement en passant, les principaux centres ils prospérèrent; et tout d'abord, sans contestation, ce furent les couvents, dont les plus célèbres étaient, Trazargue, Arkagaghni, Skévra, Melidje, Aguenère, Berdjère, Macheguévor sur la Montagne-noire; le couvent des Josué, près des frontières d'Antioche, brillèrent le docteur Joseph évêque, le docteur Grégoire de Marache et d'autres que nous avons déjà cités dans notre Géographie de Sissouan. Toutefois nous devons mentionner en particulier le couvents de Médzakar (le Grand roc) et Tchermaghpiour (la Fontaine chaude); car c'est dans le premier que fut établi une école pour les enfants, par Léon II qui, comme dit un chroniqueur, « fit former des maisons de maîtres, parmi lesquelles une à Médzakar, et y fit installer beaucoup de religieux ». Quand au second, il y fut établi une école par le neveu de Léon II, Léon IV, sous la tutelle de son Bailli, Ochine, ainsi que rapporte Jacques de Crag le professeur du lieu, en 1328.

Il ne nous reste donc qu'à citer les Mécènes des sciences, et les bibliophiles et amateurs de livres en Sissouan. Si les premiers devaient être cherchés dans la classe des riches et des nobles, les seconds se trouvaient dans les hautes et dans les plus basses classes; bien que le monde s'attache surtout aux souvenirs des grands et des nobles.

Nous avons vu au commencement de cette note, l'aide et l'encouragement que Léon donnait à la littérature, bien qu'il fût occupé aux soins du gouvernement. Ce même zèle et amour se fit voir dans ses prédécesseurs, les princes montagnards et dominateurs des sommets de la Cilicie. C'est d'abord le Marquis Constantin, qui fait construire le couvent de Gastalon. Ensuite, son fils aîné, le Sébaste Thoros I, fait ériger le couvent de Trazargue, et celui de Macheguévor; son neveu de même nom, Thoros II, le second fondateur du pays, est cité dans l'histoire non seulement comme littérateur, mais encore comme interprète des passages obscurs des prophètes, et, (par exagération) comme ayant des visions prophétiques.

Le don de l'amour pour les lettres et les sciences apparaît plutôt dans la famille des Héthoumiens qui succédèrent au trône à la famille des Roupéniens. Presque tous les membres de cette famille nous ont légué quelque œuvre, d'autres ont ordonné d'écrire des ouvrages soit pour leur propre intérêt, soit pour celui des étrangers. De ces ouvrages nous avons cité les plus connus, c'est évidemment le peu que nous connaissons. Ainsi, par exemple, la vie de S. Jean Chrysostome, écrite par ordre d'Ochine, le père de S. Nersès de Lambroun. Ce dernier, nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, est le premier de tous nos littérateurs de la Cilicie, il a écrit nombre de livres, de ses propres mains, il en a donné aux autres un plus grand nombre à copier.

Son frère Héthoum-Élie, ordonna qu'on copiât le bel Évangéliaire du couvent de Skévra. Un siècle plus tard, la fille de son petit fils, Alice, l'épouse du Sénéchal de Chypre, fit écrire des bibles et des évangéliaires au célèbre Étienne Koïner-Eritzanz, et qui se trouvent maintenant dans les mains d'une colonie arménienne de l'Occident. Parmi les Héthoumiens, c'est encore dans la famille régnante que l' on remarque le plus de zèle pour la culture de l'intelligence. Le Bailli Constantin, ce nouveau fondateur de la dynastie royale, continua à donner autant d'élan aux œuvres de Léon, qu'aux œuvres des littérateurs.

Ses glorieux fils rivalisèrent entre eux. Le premier, le brave Connétable Sempad, qui mérite d'être classé parmi les lettrés, nous légua les ouvrages tracés par sa plume et par celle des autres à qu'il ordonna de les copier. Le second fils, l' archevêque Basile, est l'auteur d'une Grammaire. On connaît déjà les ouvrages littéraires du plus jeune fils, l' évêque Jean, et qui ordonna de copier plusieurs livres. Leur quatrième frère Vassagh ou Vassil, Seigneur de Djandji, le pieux et le brave, entre autres objets dont il orna les églises, fit copier aussi des Évangéliaires, et un Psautier pour l' usage dans le chœur de l' église. Le plus glorieux de ces frères, le roi Héthoum, fut, on l'affirme, en même temps qu'homme d'armes, et de gouvernement aussi zélé pour la culture des sciences, « il ordonna d'écrire beaucoup de livres, dont la plupart sont restés jusqu'à nos jours (dit le Chroniqueur; et nous pouvons le répéter aussi), il fit encore traduire plusieurs livres », parmi lesquels se trouvent ceux que nous avons cité plus haut, c'est-à-dire, des traités d'arts, traduits de l'arabe et du persan. Ses collaborateurs furent Mékhitar de Skévra, Basile, Étienne, André, etc. On prétend que Héthoum, lui même, a écrit le récit de son long voyage parmi les Tartars, dont a profité pas moins son cousin dans son Histoire d'Orient.

En même temps que ce roi, le Catholicos Constantin eut le même zèle pour la littérature; car « il fut, dit un chroniqueur, bibliophile, et fit copier nombre d'évangéliaires et de livres » qu'il offrit aux princes royaux, et dont plusieurs étaient ses filleuls. Je connais sept évangéliaires que lui, Constantin, a faits copier, qui se trouvent aujourd'hui dispersés, et dont un est notre propriété personnelle.

Léon II, hérita de ses ancêtres, plutôt du caractère philosophique que de leur ardeur pour la gloire. En cette qualité, il l'emporta sur tous. Aussi lui donne-t-on l'épithète de Bibliophile; car «il fit copier bien des livres, dont la plupart nous sont parvenus (dit le Chroniqueur); il en fit rassembler beaucoup d'autres, et réparer par ses célèbres copistes et docteurs, tout ce qu'il y avait de détérioré; il en fit traduire bien d'autres. Il estimait beaucoup les studieux, et donnait des présents à celui qu'il reconnaissait comme docteur, et l' établissait toujours en ce titre par ordre écrit ». Le collége qu'il estima le plus, fut celui de Medzekar, comme nous l'avons déjà dit.

Léon ne disséminait pas ces livres seulement en Sissouan, mais encore au delà de ses frontières, dans la Grande Arménie, et dans les colonies arméniennes. Ainsi il envoya un Missel, accompagné d'un mémorial à Pérouge; qui fut transporté, quelque temps après, à 1' hospice des pélerins Arméniens de Rome; en voici le mémorial, qui n'est pas toutefois écrit de sa propre main: « Léon, par la grâce de Dieu et par son aide, Roi de tous les Arméniens, fils du défunt roi Héthoum, sur la demande du prêtre Jean, nous lui avons offert ce Missel pour son église de S. Matthieu, à Pérouge, pour notre souvenir et pour celui de nos ancêtres, l'année de l'ère arménienne 728 (1279)». Après ces paroles du roi viennent celles du copiste: « Souvenez-vous de moi aussi, l' humble diacre Héthoum, o vous ! qui le lirez saints lecteurs, et de mon frère le prêtre Luc et le diacre O chine ».

On trouve aussi des manuscrits écrits sur la demande de la femme de Léon II, la reine Ghéranie, qui, affirme-t-on, se serait faite religieuse, et aurait changé son nom en celui de Téphany.

Héthoum II, leur fils aîné ne resta pas inférieur à son père: c'est le Mécène de Grégoire d'Anazarbe et de Georges de Skévra, à qui il fit composer les Commentaires d'Isaïe. On trouve beaucoup d'autres livres écrits pour lui et pour d'autres à ses frais. Mais nous ne possédons rien de sa propre main, qui puisse témoigner de sa capacité intellectuelle; excepté, un Mémorial écrit pour la fête de Pâques, d'un beau style en vers. Seul des nombreux frères de ce Héthoum, Ochine nous a laissé un souvenir et que nous possédons nous-mêmes: c'est un Ménologe arrangé d'après l'ordre établi par le Catholicos Grégoire d'Anazarbe, écrit pour ce roi (Ochine), et dans lequel sont notés les jours de la mort des princes de la famille royale.

Léon IV, fils d'Ochine, s'est montré bien supérieur, comme bibliophile et nous devons lui être reconnaissants d'avoir institué une école au couvent de Tchermaghpiur (Fontaine chaude); c'est par son ordre que furent écrits les Assises d'Antioche et le code de Sempad, récemment découvert.

Des frères de Héthoum I, et des oncles de Héthoum II, il n'est connu qu'un Livre de Salomon et quelques autres morceaux de la Bible, qui portent un mémorandum d'un des fils de Sempad, le Connétable: « Moi, Ochine, Sénéchal de toute l'Arménie, fils du pieux prince des princes Baron Sempad le Connétable des Arméniens, j'ai étudié ce livre, et je l'ai bien aimé ». Du cousin de ce dernier, le second Sempad connétable, on connaît une magnifique Bible.

Constantin le Bailli outre ces quatre ou cinq fils, en avait d'autres, dont l'un est Licus, dont on ne connaît rien en fait de livres; mais son jeune fils le Baron Sire Léon, nous a légué un tout petit évangéliaire écrit en 1256, et dont le copiste écrit: « Souvenez-vous de ce beau rejeton, le jeune baron, Sire Léon, qui acquit ce saint évangéliaire avec grand amour... le cher garçon, Sire Léon, et que par vos prières Dieu l' accorde longtemps à ses parents en bonne santé et le préserve de toutes tentations ».

Héthoum, Seigneur de Coricos, fils aîné de Ochine, septième frère du roi Héthoum I, est généralement connu, et fut à plusieurs reprises cité par nous, comme l'auteur des Fleurs de l'Histoire d'Orient ou des Tartares et d'autres ouvrages encore, ( v. Sissouan, pp. 337-340 ): il savait à fond la langue française, et avait fait copier un beau livre de Médecine pour lui. Nous avons cité autre part le magnifique livre de Sciences-menues ou le Livre des Chants, qui avait été copié pour son fils, le connétable Constantin. A son frère ainé Ochine, autrefois Bailli, aide et collaborateur de Léon IV, nous sommes redevable de la fondation de l'école de Tchermaghpiur. Le Maréchal Baudouin, fut le huitième fils de Constantin, Père du roi; c'est lui qui a acquis et fait restaurer à grands frais le Missel du Grand Connétable, dans lequel il écrivit un mémorandum de sa famille, et auquel, son fils Constance II, ajouta ensuite quelques lignes, en vers, sur la mort de son frère, ( v. Sissouan, p. 413 ).

Nous possédons personnellement un livre de prière de sa mère la princesse Mariune, fille du connétable Léon.

Il y avait, à ce temps, un certain G arabed, de la province de Katchepérouni, officier de la cour et Divan-Baschi, ( v. Sissouan, p. 486 ) qui vécut sous le roi Ochine jusqu'au règne de Constantin II, et mourut l'an 1356. Le chroniqueur de la Cilicie, dit pour cet homme, qu'il était très pieux, et qu'en 1314 il était allé en pélerinage à Pérouge, et qu'il y fit écrire « un bel évangéliaire, qu'il y fit mettre une reliure d'or et qu'ayant satisfait ses vœux il s'en retourna à Sis, il fit don de son évangéliaire à l' église de Notre Dame des Trois Autels», se trouvait encore l'évangéliaire, lorsque le chroniqueur compilait son ouvrage, je crois vers la moitié du XVII siècle.

Toutes ces citations de bibliophiles et d'ouvrages ( que je crois pourtant la centième partie de ce qui m'est inconnu) sont plus que suffisants pour rendre témoignage du mouvement intellectuel et de l' amour des lettres en Sissouan. Ce n'en est pas moins un attrait pour nos compatriotes philologues, de se livrer aux investigations, et de rechercher, par exemple, les ouvrages des célèbres docteurs que nous avons cités dans la description de la ville de Sis. ( v. Sissouan, p. 224 ).

Un autre témoignage, plus charmant encore, de la littérature chez nous, nous est donné par le chroniqueur de la Cilicie, le témoin oculaire, et qui toucha de ses propres mains la plus grande partie des livres écrits pour les princes royaux susdits; voici ce qu'il dit: « En ces temps, l'amour des sciences était répandu par toute la Cilicie. Les femmes mêmes, écrivaient et lisaient; en voici un exemple, entre beaucoup d'autres. J'ai entendu parler dans les légendes de Sis, d'une Zabèle, la fille du prêtre Constance de Partzerpert (Haute forteresse) qui était passionnée pour les Sciences-menues, (les chants); elle était versée dans la lecture et dans l'art de copiste. Elle désirait rester vierge ... On dit aussi, qu'il y avait à Tarse, une jeune fille du nom d' Alice, qui était elle aussi, une copiste habile; elle écrivit l'alphabet, et fit publier que: Quiconque aurait pu imiter son écriture, elle le ferait digne de l'envisager. Deux se présentèrent; mais elle ne fut pas satisfaite de leur écriture, elle dit:

« La pointe du tza, le rond du dza 1,

Ne ressemblent pas à l'écriture d'Alidza 2

et leur fit dire que celui qui réussira à faire

La pointe du tza, le rond du dza,

Deviendra l'époux d'Alidza.

L'un d'eux y ayant réussi, et Alice en étant satisfaite, lui dit:

« La pointe du tza, le rond du dza

Ressemblent à l'écriture d'Alidza ».

Le même chroniqueur ajoute que « la renommée de tels progrès se répandit dans tout l'Orient, et que des docteurs l' ayant entendu, vinrent pour en être témoins, et qu'en étant étonnés plusieurs dirent: C'est vrai ce que nous avons entendu, et nous en voyons même d'avantage, et rendaient grâce au Seigneur ».

1 Deux lettres de l'alphabet arménien Ձ, Ծ։

2 Le nom arménien d'Alice.