Pendant
que
les
circonstances
forçaient
les
Occidentaux
à
retarder
la
création
du
royaume
d'Arménie,
les
Arméniens
grandissaient
et
leur
réputation
s'étendait
partout.
Les
principaux
souverains
qui
jusqu'alors
avaient
regardé
ces
Arméniens
et
leur
Baron
comme
des
vassaux
et
des
révoltés,
se
concertèrent
entre
eux
pour
rehausser
la
souveraineté
du
Baron
et
l'élever
à
la
puissance
royale.
L'empereur
de
Byzance,
entre
autres,
Alexis
III,
s'empressa
de
lui
envoyer
de
magnifiques
présents
parmi
lesquels
«une
belle
couronne
d'or
montée
de
pierres
précieuses».
Il
se
hâta
de
lui
faire
parvenir
ces
présents
pour
n'être
pas
devancé
par
les
Occidentaux.
Il
pensait
aussi
que
les
Arméniens
et
leur
roi
se
reconnaîtraient
de
préférence
ses
vassaux
plutôt
que
ceux
des
autres,
car
il
était
plus
près
d'eux
et
c'était
d'ailleurs
ce
que
les
prédécesseurs
de
Léon,
Thoros
et
d'autres
avaient
fait.
Le
Grand
Calife
de
Bagdad
en
fut
informé
et,
comme
grand
souverain
de
l'Orient,
il
crut
de
son
devoir
d'honorer
Léon
et
il
lui
envoya
aussi
des
présents
de
grande
valeur.
Quel
changement
en
si
peu
d'années!
Quel
contraste
entre
les
menaces
de
Salaheddin,
en
1193,
et
ces
présents
magnifiques
du
Calife,
en
1197-98;
du
calife
que
redoutait
le
fier
sultan
Salaheddin
lui-même.
Il
est
superflu
de
dire
que
Léon
sut
répondre
comme
il
le
fallait
aux
lettres
de
félicitation,
et
aux
dons
remarquables
qui
lui
furent
adressés.
Cependant
il
lui
fallait
bien
de
l'adresse
pour
ne
pas
froisser
l'empereur
de
Byzance.
Ce
rusé
Grec
observait
l'affranchissement
de
Léon
et
l'indépendance
que
celui-ci
acquérait;
il
pressentait
que
son
autorité
allait
en
décliner
et
il
appréhendait
déjà
une
invasion
des
Latins.
Il
voulait
donc
par
tous
les
moyens
se
gagner
les
Arméniens.
Pour
y
réussir,
il
devait
lever
le
grand
obstacle
qu'il
y
avait
entre
eux
et
son
peuple,
c'est-à-dire,
la
différence
en
fait
de
religion
et
de
rite;
il
lui
fallait
accomplir
cette
union
tant
de
fois
tentée
par
ses
prédécesseurs
et
les
patriarches
arméniens,
S.
t
Nersès
Chenorhali
et
Grégoire
Degha.
Jamais
personne
n'y
était
parvenu.
Cette
fois,
à
l'occasion
de
cet
envoi
de
la
couronne,
l'empereur
promettait
à
Léon
d'applanir
toutes
les
difficultés
en
envoyant
des
légats
prudents
et
habiles
pour
négocier
et
faire
accepter
le
traité
d'alliance.
Repousser
cette
proposition
de
l'empereur
comme
lui
refuser
l'acceptation
de
la
couronne
eût
été
de
la
part
de
Léon
contre
toutes
les
règles
de
convenance
et
de
prudence;
mais
accepter
sans
objections
lui
était
impossible;
car
c'était
une
question
de
l'Église
et
de
la
nation.
L'adroit
Baron
tint
conseil
et
examina
les
articles
des
propositions
des
Grecs
qui
étaient
à
peu
près
les
mêmes
que
ceux
d'autrefois.
Il
en
fit
autant,
lui
aussi,
mais
en
ayant
soin
d'entremêler
les
questions
religieuses
avec
les
questions
politiques.
On
ne
pouvait
trouver
personne
de
plus
apte
à
l'aider
en
ceci
que
Nersès
de
Lambroun
alors
à
l'apogée
de
sa
célébrité
et
de
l'éclat
de
ses
vertus.
Nersès
fut
donc
mandé,
en
1197,
à
Constantinople
pour
traiter
des
questions
religieuses.
Quant
aux
questions
politiques,
comme
Alexis
lui
avait
envoyé
une
ambassade
pour
lui
remettre
la
couronne,
Léon
devait
envoyer
à
son
tour
une
ambassade
à
l'empereur
pour
l'en
remercier;
il
adjoignit
donc
à
Nersès
le
baron
Halgam,
son
oncle,
le
frère
du
seigneur
de
Babéron.
Halgam
était
un
homme
non
seulement
vénérable
par
son
grand
âge
mais
c'était
aussi
un
homme
sage
et
prudent
et
il
connaissait
la
langue
grecque.
Léon
fit
accompagner
Nersès
et
ce
dernier
par
un
des
ministres
intimes
de
sa
cour,
le
baron
Paul.
Nous
n'avons
pas
l'intention
de
raconter
en
détail
les
faits
de
cette
ambassade,
nous
voulons
dire
seulement
et
en
quelques
mots
que
Nersès
emporta
avec
lui
la
copie
des
délibérations
et
des
lettres
relatives
à
la
proposition
d'alliance
des
deux
peuples
(Arméniens
et
Grecs),
ainsi
que
la
copie
des
lettres
écrites
antérieurement
par
les
patriarches
Grecs,
c'est-à-dire
Jérémie,
Germanus,
Photius
et
autres,
qu'il
se
mit
en
chemin
avec
ses
collègues
et
qu'arrivé
à
Constantinople,
il
présenta
à
l'empereur
et
au
Patriarche
les
lettres
de
Léon
et
du
Catholicos
Grégoire
Abirad.
Ces
dernières
lettres
contenaient
de
grands
éloges
sur
la
sagesse
du
Lambrounien,
et
il
y
était
considéré
comme
le
seul
qui
fût
capable
de
discuter,
d'examiner,
d'étudier
et
de
résoudre
des
questions
aussi
délicates
que
celles
pour
lesquelles
il
était
envoyé.
L'enquête
sur
les
dogmes
de
la
foi
et
les
rites,
par
lesquelles
les
deux
peuples
différaient,
fut
longue.
Nersès
répondit
selon
sa
droite
sagesse,
faisant
distinction
entre
les
questions
de
dogmes
et
celles
des
rites.
Il
tomba
d'accord
sur
quelques
points
principaux
mais
refusa
d'adhérer
à
ce
qui
n'était
point
nécessaire,
sachant
fort
bien
que
la
nation
arménienne
ne
l'accepterait
pas.
A
la
fin
des
fêtes
de
la
Pentecôte,
après
avoir
discuté
et
être
revenu
à
plusieurs
reprises
sur
les
mêmes
points
touchant
l'Église,
et
après
avoir
entendu
bien
des
éloges
des
Grecs,
Nersès,
voyant
ceux-ci
s'obstiner
à
vouloir
opérer
des
changements
au
rite
des
Arméniens
et
à
vouloir
en
outre
faire
dépendre
le
Catholicos
d'Arménie
du
patriarche
grec
ou,
tout
du
moins
exiger
que
le
premier
fût
consacré
par
ce
dernier,
Nersès,
disons-nous,
promit
d'obtempérer
à
cette
dernière
demande
si,
toutefois,
les
Grecs
voulaient
se
démettre
du
patriarcat
d'Antioche
en
faveur
des
Arméniens
et
leur
en
abandonner
le
titre
et
le
siège.
Il
stipula
encore
quelques
autres
conditions
fort
acceptables
qui
n'avaient
pour
but
que
de
ne
point
froisser
la
fierté
des
Arméniens
et
de
ne
pas
contrarier
leur
respect
pour
leurs
vieilles
traditions.
Les
Grecs
ne
voulurent
souscrire
à
aucune
de
ces
conditions;
en
même
temps
qu'ils
mirent
à
néant
leurs
propositions,
ils
rendirent
inutiles
la
condescendance
et
le
bon-vouloir
des
Arméniens.
Je
ne
saurais
dire
si
c'est
par
affliction
ou
par
dépit
contre
eux,
que
Nersès
écrivait:
«Après
avoir
discuté
avec
eux,
nous
les
avons
trouvés
ignorants,
grossiers
et
matériels;
obstinés
comme
des
Juifs
qui
ne
veulent
pas
servir
Dieu
par
renaissance
du
Saint
Esprit,
mais
par
la
vieillesse
de
l'Ecriture.
Affligés
dans
notre
bonne
volonté
spirituelle,
nous
sommes
revenus
confus
et
déçus
dans
notre
sage
espérance».
Il
me
semble
que
Léon
ne
partageait
pas
l'espérance
du
Saint
d'arriver
à
conclure
une
alliance
avec
les
Grecs
et
je
crois
même
qu'il
aimait
mieux
s'allier
avec
les
Latins
qu'avec
ces
derniers.
C'était
son
intérêt
de
s'unir
avec
les
Occidentaux
et
de
lever
de
cette
façon
les
obstacles
que
lui
suscitaient
les
différentes
opinions
sur
son
projet,
et
de
se
mettre
en
même
temps
lui
et
son
nouveau
royaume,
sous
la
tutelle
du
souverain
Pontife
romain.
Il
voyait
la
double
influence
qu'avait
ce
dernier
sur
toute
la
chrétienté
catholique,
comment
il
exhortait
par
ses
bulles
pleines
de
bénédictions
et
par
ses
missionnaires
zélés,
les
peuples
et
les
nations
et
tout
l'occident
à
marcher
en
rangs
épais
contre
les
Sarrasins,
à
abandonner
leur
pays,
à
passer
les
monts
et
les
mers
et
à
entreprendre
de
longs
voyages
pour
accourir,
armés
de
la
croix
et
de
l'épée,
à
la
délivrance
des
Lieux-Saints
où
s'était
accompli
la
passion
de
N.
S.
Jésus
Christ.