Léon le Magnifique premier Roi de Sissouan ou de l'Arménocilicie

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  Il' y a trois ans, lorsque de nos presses arméniennes sortait la description générale, géographique et historique de la Cilicie du moyen-âge, un Prospectus en français, l'annonçait au public Européen, et entre autres termes, il disait:

«Sissouan... C'est le nom que le chef de l'Église arménienne, à la fin du XII siècle, le Patriarche Grégoire IV, a donné à la Cilicie, vaste contrée gouvernée alors par Léon-le-Magnifique... Léon, c'est la plus grande figure de Sissouan; il fut grand parmi les grands de ce temps, qui, certes, n'en manquait pas; grand même à côté des Innocent III, des Enrico Dandolo, des Frédéric Barberousse, des Philippe-Auguste, des Richard Cœur-de-Lion, et de tant d'autres. Léon s'est fait remarquer au milieu de tous ces glorieux personnages. Ce n'est pas ici le patriotisme qui nous entraîne, car il faut bien convenir qu'il a accompli des choses vraiment dignes de toute notre admiration. Nous lui devons l'union de l'Église Arménienne et de l'Église Romaine; nous lui devons surtout la fondation d'un Royaume arménien qui enfermait la Cilicie. Pour apprécier de tels actes, il faut être versé dans l'histoire de l'Arménie; connaître à fond le caractère de la nation arménienne.

«A son début dans la vie politique, lorsqu'il était simple Baron (1187-1199), Léon n'était guère connu que dans son pays: on l'appelait alors le Montagnard (Leo de Montanis); ce n'est que douze ans après qu'il acquit cette grande renommée qu'il a conservée tout le reste de sa vie (1199-1219). C'est seulement depuis lors qu'il fut considéré comme un illustre et puissant roi. De tous côtés, des Princes, des Khalifs, l'Empereur d'Orient, celui d'Occident même, lui décernèrent la couronne royale; le grand Pontife de Rome lui présenta l'Etendard de S. Pierre, et Léon, pour lui en témoigner sa reconnaissance, lui envoya de riches présents et lui fit remettre une lettre tout empreinte de noblesse en même temps que de déférence, sur laquelle il apposa son Sceau d'or. (Au frontispice de notre livre, on trouve la reproduction de ce sceau).

«Le R. P. Alishan a éclairci bien des points restés obscurs du règne de Léon; il s'est longuement et suffisamment étendu sur tout ce qui pourra servir de documents à son histoire. Le monde savant connaît la magnifique collection des Historiens des Croisades, publiée avec tant de soins et de luxe par l'Institut de France: cette collection comprend aussi les Historiens Arméniens qui traitent des Croisades; mais le R. P. Alishan possède encore, depuis très peu de temps, il est vrai, deux autres Ecrits 1 absolument ignorés, qui lui ont beaucoup servi pour compléter son livre; il avoue lui-même avoir trouvé bien des documents d'une immense valeur. Un grand nombre des Mémoriaux des Manuscrits, qu'il possède aussi, lui ont fourni également des renseignements qu'ailleurs on chercherait en vain».

En lisant ces mots du Prospectus et ce que l'on disait à propos des détails géographiques, qu'accompagnaient de nombreuses gravures, plusieurs de nos amis étrangers, et surtout les Français, nous exhortaient à traduire le Sissouan en français ou en toute autre langue occidentale, dans le but d'en faciliter l'étude à tant de savants et d'orientalistes, désireux d'accroître leurs connaissances sur cette intéressante partie de l'Asie-Mineure et surtout sur ce peuple arménien qui est parvenu à la subjuguer et a y établir un gouvernement, à peu près identique, si nous pouvons ainsi parler, à ceux des princes et des rois latins de l'époque des Croisades, dont il devint l'allié et qu'il vit, l'un après l'autre, à l'exception de Chypre, se courber sous la force prépondérante de l'Islamisme.

C'est une tâche qui était et qui reste encore assez difficile: car, non seulement il s'agit d'un volumineux ouvrage (600 pages, in - 4°); mais encore et surtout parce qu'il est écrit selon l'esprit, le goût, les idées et les connaissances de la nation arménienne; autant de considérations qui exigeraient, si non une nouvelle rédaction pour les étrangers, du moins un grand remaniement.

Pour concilier autant que possible ces deux points de vue opposés de la question, nous avons pensé que l'Histoire de Léon-le-Magnifique, qui à elle seule formait presque un ouvrage à part et complet, dans le Sissouan, pourrait être agréable à nos amis occidentaux, en leur donnant des lumières qu'ils trouveraient difficilement ailleurs. Et comme naturellement le début de l'histoire de ce grand monarque, inspirait le désir de connaître l'origine de sa famille, autant que celle du gouvernement du pays dont il fit un royaume remarquable, nous avons voulu, sous forme de Préambule la faire précéder des notions historiques, que nous avions insérées dans les préliminaires de notre ouvrage sur l'émigration et les conquêtes des Arméniens dans la Cilicie, et sur l'origine et le progrès des chefs Roupéniens, ancêtres de Léon: c'est pour cela qu'au premier chapitre de notre histoire on remarquera peut-être quelques répétitions.

Enfin, pour compléter l'histoire de cette dynastie et de la Cilicie sous son gouvernement, qui a fait donner au pays le nom d' Arméno-Cilicie, nous ajoutons, dans un dernier Appendice et en quelques lignes sommaires, une Chronologie des faits remarquables pendant et après le règne des successeurs de Léon, afin que le lecteur puisse avoir une idée plus ou moins nette du développement de l'histoire des Roupéniens et de leur pays.

Un de nos jeunes confrères, le R. P. Georges Bayan, a entrepris, avec autant d'ardeur que de dévouement, la traduction de tout cela; nous espérons que nos lecteurs voudront bien lui en savoir un gré bienveillant.

Si quelques points y paraissent obscurs, il faut en attribuer la cause à la langue arménienne, qui n'est pas toujours facile à convertir en une langue telle que la langue française. Peut-être trouvera-t-on dans notre livre des longueurs ou des répétitions de questions minutieuses; dans ce cas qu'on veuille bien se rappeler que tout cela était relaté une première fois et destiné aux Arméniens autrement intéressés que les étrangers à la discussion de tel ou tel fait. En revanche, pour l'édification des étrangers il était peut-être nécessaire d'éclaircir quelques autres passages et faire des citations, ou donner quelques indications de sources, nullement utiles pour le lecteur arménien. Mais on a préféré suivre exactement le texte original et rarement ajouter quelque éclaircissement pour les étrangers.

C'est à ces derniers que l'auteur demande indulgence pour tout ce qui peut être à désirer; heureux si, par les faits traités dans son ouvrage, il réussit à les intéresser à ceux, qui en sont les principaux acteurs, aussi bien qu'à leurs descendants, ces princes qui, à cette singulière époque du moyen âge, furent par leur domination sur la Cilicie, comme un trait d'union entre les Arméniens et les nations occidentales, surtout la Française et l'Italienne.

1 Ces deux écrits cités souvent dans le cours de notre histoire, sont: l'un, une histoire de la Cilicie et des Roupéniens, sans titre, ni date; parce que le manuscrit, d'ailleurs très bon, présente des lacunes au commencement, à la fin, et malheureusement même au milieu; il paraît écrit vers la fin du XIII e siècle, ou tout au plus au commencement du suivant. C'est cet ouvrage ou cet auteur que nous nommons notre historien ou l'Historien royal. L'autre écrit, beaucoup plus moderne, vers la moitié du XVII e siècle, n'est que le récit des événements qui se sont succédés en Cilicie pendant et après la domination Roupénienne. Ce dernier ouvrage nous est parvenu après l'édition du texte de Sissouan, aussi en avons-nous relevé des notices précieuses pour l'Appendice de notre livre précité.