Léon le Magnifique premier Roi de Sissouan ou de l'Arménocilicie

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  Les Roupiniens eurent plus de difficulté à soumettre les Arméniens leurs compatriotes que les étrangers. Avant leur arrivée beaucoup d'Arméniens s'étaient établis dans le pays. Quelques-uns même appartenaient à de nobles familles et étaient les vassaux de l'empereur d'Orient. Ils étaient seigneurs et gouverneurs de châteaux-forts et de villes. Soit ouvertement, soit secrètement, ils se montrèrent hostiles aux Roupiniens et l'opposition qu'ils leur firent dura plus d'un siècle, jusqu'à l'époque enfin la puissance de ces derniers et l'adroite politique de Léon le Grand, ainsi que celle de son imitateur le Bailli Constantin les fît fléchir. Ce Constantin réunit en une seule maison l'héritière de la puissante famille royale, Zabel, avec sa famille des Héthoumiens, la première famille qui soit venue en Cilicie; de sorte que les possessions de cette famille et les Etats de Zabel ne firent plus qu'un seul domaine royal, toujours sous le nom des Roupiniens.

La famille Héthoumienne était venue se fixer en Cilicie avant que Roupin ne se fût soulevé et n'eût proclamé l'indépendance. Ochin, Օշին le chef de la Maison, était venu en 1071 des régions de Kantzag 1, d'un lieu qui s'appelait: Les Eaux des Sapins, Մայրեաց ջուրք. Il était arrivé en Cilicie accompagné de son frère Halgam, Հալկամ, de sa mère, de sa femme, et de toute sa famille. Il trouva dans le pays un arménien qui l'avait devancé et qui avait été nommé par l'empereur gouverneur de Tarse. C'était le seigneur Aboulgharib Ardzerouni, Ապուլղարիպ Արծրունի, fils de Hassan fils de Khoul Khatchig 2, Խուլ Խաչիկ. Aboulgharib était un des princes du roi de Vasbouragan, Sénékérim, qui avait émigré avec lui et s'était fixé dans les environs de Sivas. Il était parvenu à un tel degré de considération qu'il avait été nommé gouverneur de toute la partie de la Cilicie qu'on avait arrachée des mains des Turcs, et c'était la plus grande partie du pays.

Par ses liens de proche parenté avec Aboulgharib, Ochin avait hérité naturellement de toutes les possessions de celui-ci, de son autorité sur Tarse et ses dépendances, ainsi que des deux célèbres châteaux-forts de Babéron et de Lambroun. Et la possession de ces deux châteaux fut d'une grande importance pour les rois futurs, surtout celle de Lambroun qui mit tant de résistance à accepter l'autorité de Léon qui ne s'en empara plus tard que par la ruse et non par la force des armes, et par des traités qu'il eut l'habileté de conclure.

En même temps qu'Ochin était nommé gouverneur de la partie que nous avons dite, son frère Halgam était nommé gouverneur des côtes occidentales. Un siècle ensuite, au moment Léon était sacré Roi, un prince du même nom (Halgam) et même de son sang, était seigneur d'Anamour, château qui s'avançait sur la mer. Il était encore seigneur d'autres forts.

Un autre prince est cité en même temps qu'Ochin et Halgam. Ce prince se nommait Pazouni; il était le seigneur d'une autre partie de la Cilicie Montagneuse. Quelques écrivains 3 l'ont cru frère de ces deux derniers princes: d'autres chroniqueurs n'en disent mot. On ignore son origine et la situation de son domaine. Il n'y a que Mathieu d'Edesse qui dit: «Les princes qui habitaient le Taurus furent: Constantin fils de Roupin; le second, le prince Pazouni; le troisième, le prince Ochin. Ils subvinrent aux besoins des Francs» de la première croisade.

On remarquait encore une autre grande Maison; c'était celle des Nathanaëls. Nous n'en connaissons pas non plus ni les origines ni l'époque de son arrivée; nous savons seulement qu'elle avait pour domaine le château d'Asgouras et ce qui en dépendait; ce domaine était situé non loin de celui des Héthoumiens.

Mais quelque temps avant ces princes, un chef d'armée, Khatchadour, Խաչատուր, s'était rendu célèbre en Cilicie; il était probablement un membre de la famille des Aboulgharibs. Il était seigneur d'Antiochette, située sur les frontières de l'Isaurie ou sur les confins de la Cilicie Trachée, se trouvaient une colonie d'Arméniens qui s'étaient fixés depuis longtemps. En 1069, à l'époque Khatchadour était gouverneur de la région, les Turcs firent une invasion dans la province de Konièh et vinrent jusqu'en Cilicie. Les Arméniens qui les attendaient, postés en embuscade dans les montagnes de Séleucie, tombèrent sur eux, les déconfirent et leur prirent un grand butin. Cette action héroïque fut suivie de bien d'autres de la part de Khatchadour. Les Grecs venaient de trahir et malmener leur infortuné souverain, l'Empereur Diogène Romanus IV, parce qu'il avait été défait et fait prisonnier par Alp-Arslan. Ils l'avaient même chassé vers la province d'Amassia. Khatchadour, reconnaissant envers son bienfaiteur, réunit l'armée la plus formidable qu'il lui fut possible et vint sauver l'empereur du péril qui l'attendait. Il lui fit reprendre courage et l'emmena dans les défilés du mont Taurus. II lui donna des subsides en argent et en soldats, et le mit à même de tenir tête à ses adversaires. En 1072, il le laissa à Adana et marcha seul contre l'armée byzantine qu'il rencontra près de Gaban. Surpris par les ennemis commandés par un intrépide aventurier français du nom de Robert Crepin, ses troupes furent mises en fuite et lui-même désarçonné de sa monture, fut fait prisonnier et conduit devant Andronicus, le fils despotique de l'empereur et le généralissime de son armée, qui le combla d'honneurs. Khatchadour apprit alors noblement à cet empereur qu'au moment de sa fuite, il avait caché dans le bois un bijou précieux. Accompagné d'une escorte, il retira de la cachette le diamant et l'offrit à Andronicus qui fut émerveillé de ce joyau et en fit présent à Marie l'impératrice.

Je ne veux pas citer tous les princes arméniens qui étaient seigneurs des frontières de la Cilicie. Entre autres, le célèbre et puissant Vassil-le-Voleur, Գող Վասիլ. Le hardi Philarète, Փիլարտոս. mnu et les seigneurs des châteaux et des villes des provinces de l'Euphrate: tel que Bagrate-le-Charlatan, Բագրատ շաղակրատն qui, d'abord, s'était fait le guide des croisés; Siméon, Սիմէոն, dont le domaine était au nord de la Cilicie; Djindjegkoug Ճնճղուկ (le Moineau) qui fut gouverneur de Laodicée, et quelques autres.

Non-seulement les Arméniens étaient venus habiter la Cilicie un siècle auparavant, mais ils y avaient formé une immense colonie. C'est pourquoi le Catholicos Khatchig I, (970-990), avait nommé des évêques à Tarse, à Sélinonte et à Antioche, «et dans toutes ses contrées» comme le rapporte l'historien Assoghig. Si ce que dit à son tour l'historiographe Mekhitar d'Aïrivank est vrai, au commencement du X siècle, de 900 à 910, «Cinquante, hommes de Sassoun, refoulés par les Turcs, vinrent en Cilicie et, peu à peu, Dieu les aidant, y firent reconnaître leur autorité». Nous ne savons pas s'il était resté dans le pays des familles Haycaniennes venues, sous Tigran l'Arsacide, prendre la Cilicie jusqu'à la Phénicie, mais on ne peut ni le confirmer ni le contester avec certitude.

Il est temps de revenir à la famille des Roupiniens et de parler des successeurs du grand Roupin que nous allons considérer dans leurs progrès de leur conquête de la Cilicie.

1 La moderne Elisabéthopole sous le gouvernement russe, au Sud-Est de Caucase et à l'Ouest de la Mer Caspienne.

2 Khoul veut dire le Sourd.

3 C'est ainsi que le rapporte l'auteur moderne de notre histoire, Tchamitchian, mais je ne sais à quelles sources il a puisé. Est-ce dans des documents antiques ou n'est-ce que son opinion personnelle?