Le
principat
de
Constantin
I
fils
de
Roupin,
eut
une
durée
moins
longue
que
celui
de
tous
ses
successeurs,
si
l'on
en
croit
nos
historiens,
mais
elle
n'en
fut
pas
moins
remarquable.
D'abord,
Constantin
établit
le
siège
de
son
gouvernement
à
Vahga
qui
resta
sa
capitale
pendant
plus
de
soixante-dix
ans,
jusqu'au
jour
où
Sis
le
devint.
C'est
sous
son
règne
que
les
Croisés
arrivèrent
en
Cilicie.
Il
se
lia
d'amitié
avec
eux
et
cette
amitié
amena
plus
tard
les
liens
de
parenté
entre
les
Arméniens
et
les
Occidentaux.
L'on
pourrait
dire
de
Constantin
qu'il
fut
le
premier
conquérant
de
la
Cilicie.
Roupin,
son
père,
ne
s'était
emparé
que
de
territoires
hors
de
la
Cilicie
proprement
dite,
Constantin,
au
contraire,
—
au
dire
de
nos
historiens,
—
«étant
venu
au
mont
Taurus,
soumit
vaillamment
par
les
armes
la
plus
grande
partie
de
la
Cilicie.
Il
étendit
son
pouvoir
sur
bien
des
châteaux
et
des
provinces
qu'il
enleva
aux
Sarrasins
et,
—
ajoute
l'auteur
dans
son
langage
populaire,
—
il
prit
une
certaine
étendue
de
pays,
des
Grecs,
la
plus
grande
partie
des
régions
de
la
Cilicie,
où
se
trouvait
la
première
forteresse
(
dont
il
se
rendit
maître),
Vahga,
l'an
de
l'ère
arménienne
547
(1098)».
Comme
il
était
fort
difficile
de
s'emparer
de
ce
château
fameux
(nous
le
verrons
plus
tard),
il
s'en
rendit
maître
en
employant
les
ruses,
selon
les
coutumes
barbares
de
cette
époque,
et
grâce
surtout
à
la
haine
implacable
qu'il
manifestait
contre
les
Grecs,
bien
qu'il
agit
toujours
avec
une
grande
prudence
et
plus
noblement
que
beaucoup
de
souverains
de
la
Cilicie.
C'est
avec
raison
qu'il
est
appelé
le
Grand
parmi
les
seigneurs
arméniens
de
son
temps.
Les
croisés
eurent
toujours
un
grand
respect
pour
Constantin;
aussi
leur
permit-il
de
passer
par
ses
terres,
leur
indiquant
la
route
qu'ils
avaient
à
suivre
et
fournissant
des
vivres
à
leurs
soldats
affamés,
ainsi
que
l'avaient
fait
Ochin,
Pazouni
et
les
abbés
des
couvents
de
la
Montagne-Noire.
Pour
l'en
remercier,
les
Occidentaux
lui
offrirent
les
titres
de
Comte
et
de
Marquis,
—
d'après
Vahram,
—
et
surtout
en
reconnaissance
de
ce
qu'il
avait
donné
la
main
de
sa
fille
à
l'un
des
premiers
princes
de
la
Croisade,
à
Josselin,
qui
fut
nommé
comte
d'Edesse.
Le
frère
de
Constantin,
Thoros,
qui
dominait
contemporainement
sur
les
châteaux
des
régions
montagneuses,
en
fit
autant.
Il
maria
sa
fille
Arta
avec
Baudouin,
frère
de
Godefroy,
le
chef
de
l'armée
croisée,
et
lui
promit
de
faire
à
sa
fille
une
dot
de
soixante
mille
besans
d'or,
dont
il
versa
immédiatement
dix-sept
mille.
Plus
tard,
le
royaume
de
Jérusalem
échut
à
Baudouin
et,
comme
il
fut
le
premier
roi
couronné
de
ce
pays,
la
première
reine
en
fut
donc
la
princesse
arménienne
qui
avait
été
élevée
dans
les
montagnes
de
la
Cilicie.
Quelques
années
après,
Baudouin
l'abandonna
indignement,
mais,
dévoré
par
les
remords
et
la
crainte
de
perdre
la
vie,
il
la
rappela
et
chassa
la
concubine
qu'il
avait
prise.
C'est
ainsi
que
les
Arméniens
s'unirent
d'amitié
avec
les
croisés,
dès
l'arrivée
de
ceux-ci
en
Orient,
et
qu'ils
commencèrent
à
contracter
des
liens
de
parenté
avec
eux
en
mariant
les
nobles
jeunes
filles
haycaniennes
avec
les
vaillants
chevaliers
de
l'Europe.
Mais
en
retour,
lorsqu'ils
eurent
reconstitué
leur
royaume,
leurs
souverains
prirent
souvent
pour
épouses
des
filles
de
rois
occidentaux.
Du
croisement
de
ces
deux
peuples
de
race
japhétique
il
s'ensuivit
le
mélange
des
usages
et
des
mœurs.
Les
lois
et
les
coutumes
des
occidentaux
furent
adoptées
par
la
cour
et
la
nation
des
Arméniens
de
la
Cilicie,
comme
tous
le
reconnaissent.
Toutefois,
il
ne
faut
pas
oublier
non
plus
que,
si
bien
des
usages
étrangers
ont
été
introduits
chez
nous,
beaucoup
de
nos
usages
sont
passés
par
contre
chez
les
occidentaux.
J'en
donnerais
pour
preuve
que
beaucoup
de
ces
derniers
ont
voulu
donner
à
leurs
fils
nés
des
mères
arméniennes,
des
noms
arméniens,
tels
que
ceux
de
Léon,
Héthoum
et
Thoros.
On
s'est
servi
encore
du
nom
de
Héthoum
en
occident
même.
Bien
plus,
il
arriva
souvent
que
des
pères
francs
envoyèrent
les
jeunes
princes
leurs
fils
dans
les
palais
de
leurs
oncles
maternels
arméniens,
pour
qu'ils
fussent
élevés
par
eux
et
pussent
parvenir
aux
charges,
dignités
et
titres
du
pays.
Ainsi
encore,
comme
leur
langue
se
répandait
parmi
nous,
la
nôtre
leur
devint
familière.
Par
ce
rapprochement
de
moeurs
et
de
langage,
les
Lusignans,
arméniens
du
côté
maternel,
n'eurent
pas
de
peines
à
parvenir
au
trône
arménien,
au
milieu
du
XIV
siècle.
Ceci
se
passa
bien
longtemps
après;
mais
quant
à
l'époque
dont
nous
parlons
ici,
il
est
certain
que
les
Arméniens
reçurent
les
Francs
avec
enthousiasme.
Ils
vinrent
à
leur
rencontre
avec
des
présents
et
en
firent
leurs
hôtes
en
les
emmenant
dans
leurs
châteaux.
Les
Francs
ne
se
montrèrent
pas
cependant
toujours
reconnaissants
de
ces
marques
d'amitié.
Quand
ils
purent
jouir
d'un
peu
de
tranquillité
et
se
remettre
de
l'épouvante
que
leur
avait
causée
les
Sarrasins
à
qui
ils
venaient
de
prendre
Antioche
et
les
côtes
de
Syrie,
ils
commencèrent
à
montrer
leur
cupidité
et
leurs
convoitises
et
à
en
vouloir
aux
Arméniens,
dont
ils
prirent
des
villes
et
des
châteaux
et
des
territoires
de
la
Cilicie
jusqu'au
fleuve
de
l'Euphrate.
Ils
lassèrent
de
la
sorte
ceux
qui
les
avaient
si
bien
accueillis
et
qui
les
avaient
comblés
de
bienfaits.
À
telle
enseigne
que
bientôt,
dit-on,
Constantin
et
Vassil-le-Voleur,
les
considérèrent
comme
suspects.
Les
Francs,
du
reste,
ne
purent
jamais
rien
faire
contre
les
fameux
châteaux
des
fils
de
Roupin.
Constantin
finit
ses
jours
paisiblement
et
glorieusement;
il
fut
regretté
par
tous.
Tous
les
historiens
racontent
pieusement
que
la
foudre
ayant
frappé
sa
salle
à
manger,
ses
proches
parents
et
tout
son
peuple
crurent
voir
dans
ce
phénomène
le
présage
de
sa
fin
prochaine.
Thoros
I,
fils
et
successeur
de
Constantin
(1100-1129),
hérita
non-seulement
de
son
trône,
mais
de
son
courage
et
de
sa
finesse.
D'après
les
mémoires
que
nous
venons
de
citer,
il
fut
«honoré
par
les
Grecs
et
nommé
Protosébaste
».
C'était
le
plus
haut
titre
des
Byzantins.
J'ignore,
toutefois,
ce
qui
le
lui
valut
et
quand
ils
le
lui
donnèrent.
Car
si
ce
ne
fut
pas
la
première,
ce
fut
l'une
des
principales
tâches
de
Thoros
de
venger
la
mort
de
Kakig
dans
le
sang
des
Grecs.
En
1111,
Thoros
vainquit
par
la
ruse
les
Mantaliens
et
s'empara
de
leur
château
de
Kendroscave
(Cysistra)
qu'il
fit
raser.
Il
en
fit
prisonniers
les
habitants
sur
les
rives
du
fleuve
Paratis,
et
les
emmena
à
Cracca-Inférieure,
après
leur
avoir
pris
leurs
trésors
dont
faisait
partie
l'épée
du
dernier
roi
Bagratide,
que
Thoros
arrosa
de
ses
larmes
de
guerrier.
Ceux
qui
voudront
mieux
connaître
ce
fait,
liront
l'historien
Mathieu
d'Edesse,
qu'ont
copié
nos
autres
historiens.
Avant
cela,
Thoros
avait
pris
son
vol
des
cîmes
des
montagnes
et
s'était
abattu
sur
les
armées
de
l'empereur,
en
1101,
avec
l'alliance
du
brave
Tancrède,
à
qui
étaient
soumises
les
villes
du
pays.
Plus
tard,
en
1103,
il
rendit
vains
les
efforts
du
général
Boutoumite,
envoyé
par
Alexis
Comnène
et
qui,
n'ayant
pu
rien
faire
aux
montagnards,
alla
se
rejeter
sur
Marache
qu'il
réduisit.
Un
an
après,
en
1104,
le
prince
d'Antioche
et
Josselin
s'étant
emparés
de
cette
ville,
Thoros
acheta
à
grand
prix
d'or,
à
son
gouverneur
surnommé
le
Prince
des
princes,
une
image
de
la
Sainte
Vierge
qui
était
grandement
honorée
là-bas.
Cette
image
doit
être
une
autre
que
celle
qu'il
avait
enlevée
avec
les
trésors
des
Mantaliens
et
qu'il
plaça,
comme
signe
de
sa
conquête
et
pour
protéger
sa
maison
et
son
trône,
dans
une
plus
grande
place
qu'il
avait
conquise,
dans
la
ville
d'Anazarbe,
la
seconde
des
villes
de
la
Cilicie.
Thoros,
après
avoir
mis
à
l'abri
de
toute
attaque
les
régions
de
la
montagne,
descendit
dans
la
plaine,
et
enleva
aux
Grecs
cette
ville
d'Anazarbe
dont
ils
avaient
fait
leur
avant-poste.
On
ne
dit
pas
de
quelle
manière
il
parvint
à
s'en
emparer.
Mais
«il
mit
l'image
de
la
S.
te
Vierge
dans
le
château
d'Anazarbe
où
il
fit
ériger
le
célèbre
temple,
dans
lequel
il
plaça
l'image,
ainsi
que
cela
est
inscrit
sur
le
fronton
du
Temple»,
d'après
ce
que
rapporte
notre
historien.
Anazarbe
est
en
ruines
aujourd'hui
et
il
ne
nous
reste
que
l'inscription
de
son
temple.
Que
les
inscriptions
de
ce
genre
demeurent
comme
un
témoignage
du
caractère
et
des
mœurs
de
Thoros
et
de
sa
famille,
implacable
envers
les
etrangers,
mais
que
la
crainte
faisait
courber
devant
Dieu!
Thoros
réunit
en
sa
personne
la
bravoure
et
la
piété;
il
le
prouva
en
faisant
édifier
un
temple
qu'il
dédia
aux
Saints-Généraux.
La
réputation
de
sa
piété
et
de
sa
prudence
fut
plus
grande
que
celle
de
bien
d'autres
princes.
On
affirme
qu'«il
fit
ériger
beaucoup
d'églises
et
de
couvents,
qu'il
les
enrichit
par
les
généreuses
dotations
qu'il
leur
attribua.
En
même
temps,
il
fit
bâtir
des
maisons
de
refuge
pour
les
pélerins
et
pour
tous
les
peuples
chrétiens.
Il
fut
respecté,
célébré
et
louangé
dans
toutes
les
langues
qui,
abandonnant
le
nom
habituel
de
la
Cilicie,
appelèrent
son
pays,
Terre
de
Thoros,
Երկիր
Թորոսի
».
L'un
des
monastères
qu'il
fit
construire
fut
celui
de
Macheghévor,
mais
le
plus
célèbre
de
tous
les
couvents
de
Sissouan
fut
celui
de
Trazargue
où,
après
son
fondateur,
le
docteur
Méghrig
Մեղրիկ
fut-enterré
et,
après
celui-ci,
bien
des
princes
et
des
membres
de
la
famille
royale.
Ainsi
ce
fut
Thoros
qui
fonda
le
trône
et
le
tombeau
de
la
Maison
dominante
de
Sissouan.
Les
savants
ont
donné
le
nom
de
Thoros
au
domaine'de
cette
Maison
et
les
gens
peu
instruits
l'appelèrent
Terre
du
prince
des
Montagnes.
Les
successeurs
même
de
ce
prince
et
ses
petits-fils,
qui
s'établirent
dans
les
villes
de
la
plaine
de
la
Cilicie,
s'appelaient
encore
tout
de
même:
Montagnards
ou
Seigneurs
des
Montagnes.
Thoros
qui
avait
fait
de
ses
montagnes
la
redoute
et
le
rempart
de
son
trône,
ne
considéra
Anazarba
que
comme
un
point
d'où
il
pouvait
dominer
tous
les
alentours
de
cette
ville.
Il
laissa
son
allié,
le
brave
Tancrède,
poursuivre
la
guerre
contre
l'empereur
et
arracher
à
celui-ci
Tarse
et
d'autres
villes.
Tancrède
défit
tous
les
généraux
grecs
l'un
après
l'autre.
Parmi
ceux-ci
se
trouvait
un
chevalier
surnommé
Archagouni,
qui
s'était
rendu
célèbre
en
guerroyant
avec
Alexis
contre
le
normand
Robert
Guiscard,
en
Italie
et
en
Grèce.
Mais,
cette
fois,
Alexis
fut
forcé
d'abandonner,
par
traités,
au
prince
d'Antioche,
la
partie
orientale
de
la
Cilicie,
les
Montagnes-Noires
et
la
région
située
au
pied
de
ces
montagnes.
Dans
ces
traités,
il
est
stipulé
expressément:
qu'en
sont
«exceptées
les
terres
qui
appartiennent
aux
Princes
arméniens,
les
deux
frères
Thoros
et
Léon».
D'où
l'on
peut
déduire
que
l'empereur
avait
reconnu
les
possessions
des
petits-fils
de
Roupin,
ainsi
que
celles
des
Héthoumiens
et
des
Asgouriens
et,
que
c'est
pour
cela
qu'il
avait
conféré
le
titre
de
protosébaste
à
Thoros
avant
que
celui-ci
n'eût
vengé
Kakig.
Thoros
avait
alors
intérêt
à
avoir
les
bonnes
grâces
de
l'empereur,
car
des
hordes
de
Turcs
et
de
Persans
étaient
aux
portes
de
sa
principauté.
Elles
avaient
déjà
envahi
les
alentours
d'Anazarbe
à
deux
ou
trois
reprises.
D'abord
en
1107,
quand
ils
passèrent
quelques
défilés
du
Taurus,
mais
elles
furent
écrasées
à
leur
entrée
dans
les
possessions
de
Vassil-le-Voleur
à
qui
s'était
joint
probablement
Thoros.
Quelque
temps
après,
en
1110,
les
Turcs
et
les
Persans
entrèrent
en
plus
grand
nombre
dans
le
pays
d'Anazarbe
pour
le
ravager.
Thoros,
ayant
vu
combien
ils
étaient
nombreux,
n'osa
pas
leur
livrer
bataille
et
les
envahisseurs
s'en
retournèrent
chez
eux
chargés
de
butin.
Trois
ans
plus
tard,
en
1113,
les
Turcs
revinrent
sur
les
frontières
des
Roupéniens.
Ceux-ci
laissèrent
sur
le
champ
«deux
grands
princes,
Tigran
et
Ablasath
qui
faisaient
partie
de
l'armée
de
Vassil
(le
Voleur)».
Cette
fois,
Thoros
n'est
pas
cité
comme
allié
de
Vassil.
L'année
suivante,
en
1114,
il
y
eut
un
grand
tremblement
de
terre
au
nord
et
à
l'est
de
la
Cilicie.
Des
ruines
causées
par
la
catastrophe
surgit
alors
la
ville
de
Sis,
à
demi
éffondrée,
qui
devait
devenir
peu
de
temps
après
la
capitale
et
le
siège
du
gouvernement
des
Roupéniens.
On
cite
encore
un
acte
de
Thoros
dont
il
faudrait
connaître
la
cause
précise
pour
bien
l'apprécier.
Vassil-Degha
(le
Jeune),
fils
de
Vassil-le-Voleur,
était
allé
chez
le
frère
de
Thoros,
Léon,
pour
prendre
sa
fille
en
mariage.
Thoros
se
saisit
de
sa
personne
et
le
remit
entre
les
mains
de
Baudouin,
comte
d'Edesse,
qui
s'était
plusieurs
fois
jeté
sur
Rabane
et
les
autres
domaines
du
jeune
prince
et
en
avait
toujours
été
repoussé.
Mais,
cette
fois,
Baudouin
envahit
tout
son
pays,
s'empara
de
tout
ce
qu'il
possédait
et
renvoya
l'intrépide
jeune
homme
dénué
de
tout.
Vassil-Degha
resta
quelque
temps
chez
son
beau-père
Léon
et
se
rendit
ensuite
à
Constantinople.
Thoros
lui-même,
l'année
suivante,
en
1117,
reçut
encore
auprès
de
lui
Aboulgharib,
seigneur
de
la
ville
de
Bir
et
fils
de
Vassag
le
Pahlavien,
qui
avait
vu,
lui
aussi,
ses
terres
envahies
par
Baudouin
et
avait
été
forcé
de
lui
abandonner
cette
ville
et
toute
sa
province.
C'est
ainsi
que
le
cupide
tyran
Baudouin
se
conduisit
avec
les
seigneurs
arméniens
de
la
vallée
de
l'Euphrate,
qu'il
dépouilla
l'un
après
l'autre.
C'est
pourquoi
Mathieu
d'Edesse,
se
plaignant
de
la
race
de
Baudouin,
dit
«qu'elle
oublie
tous
les
bienfaits
dont
on
l'a
comblé».
La
Maison
des
Roupéniens
allait
s'agrandissant
toujours
de
plus
en
plus
par
la
prudence
et
la
sagacité
de
Thoros,
mais
son
jeune
frère
et
successeur,
Léon,
n'alla
pas
sur
ses
traces;
il
suivit
plutôt
les
impulsions
de
son
caractère
et
de
ses
caprices.
Léon
dût
succéder
à
Thoros,
parce
que
Constantin,
fils
et
héritier
de
ce
dernier,
avait
été
empoisonné
par
des
gens
malintentionnés.
On
ignore
comment
et
pourquoi
il
mourut
de
cette
façon.
Ce
Léon,
du
vivant
même
de
son
frère,
gouvernait
une
partie
du
pays,
la
partie
orientale,
je
crois;
morceau
du
territoire
situé
entre
les
possessions
des
seigneurs
de
Marache
et
d'Antioche.
Il
avait
montré
un
grand
courage
dans
les
combats
qu'il
avait
soutenus
pour
son
propre
compte
et
pour
le
compte
de
ses
alliés
les
Francs.
En
1112,
il
fut
l'allié
de
Roger,
bailli
d'Antioche,
lorsque
celui-ci
marcha
sur
la
ville
d'Azaz,
contre
l'émir
d'Alep.
Après
trente
jours
d'efforts
inutiles
pour
repousser
les
troupes
de
l'émir,
on
avait
laissé
à
Léon
le
soin
de
les
combattre
avec
ses
soldats
arméniens.
Il
réussit
à
refouler
l'émir
dans
la
ville
et
à
l'empêcher
d'en
sortir.
Ayant
mis
le
siège
devant
Azaz,
il
le
força
à
capituler
en
lui
imposant
ses
conditions.
On
attribua
à
Léon
la
prise
de
cette
ville.
«Sur
quoi
fut
très
émerveillée
La
race
vigoureuse
(des
Francs),
Mais
les
Sarrasins
épouvantés,
L'appelèrent
un
nouvel
Astyage
».
Quand
Léon
gouverna
seul,
les
historiens
grecs
disent
que,
selon
la
signification
de
son
nom,
ce
fut
comme
un
lion
qu'il
bondit
des
buissons
et
se
jeta
dans
l'immense
plaine
de
la
Cilicie.
Il
frappa
à
gauche
et
à
droite,
au
gré
de
son
inspiration
ou
selon
la
circonstance,
les
Turcs,
les
Francs
et
les
Grecs,
à
qui
il
arracha
des
domaines,
mais
bientôt
il
tomba
sous
leurs
coups
et
ils
lui
enlevèrent
à
leur
tour
son
patrimoine.
Il
paraît
avoir
vécu
d'abord
en
paix
avec
les
Grecs,
jusqu'en
l'année
1131.
Il
épousa
la
fille
d'Isaac,
frère
de
l'empereur
Alexis.
Il
croyait
qu'elle
lui
apporterait
en
dot
les
villes
de
Missis
et
d'Adana.
C'est
alors
qu'Isaac
se
formalisa,
se
brouilla
avec
lui
et
se
rendit
chez
le
Sultan
Maksoud.
Léon
se
jeta
alors
sur
les
troupes
grecques,
s'empara
de
Mamestia
et
de
la
grande
ville
de
Tarse
et
arriva
jusqu'aux
bords
de
la
Méditerranée.
Puis,
au
dire
de
quelques-uns,
s'étant
brouillé
aussi
avec
le
jeune
prince
d'Antioche,
Boémond
II,
il
s'allia
avec
Zanghi,
le
fier
émir
d'Alep,
écrasa
les
troupes
de
Boémond
que
l'on
trouva
sur
le
champ
de
bataille
la
tête
coupée.
Avant
ou
après
cet
événement,
il
paraît
que
Léon
fondit
sur
la
partie
septentrionale
du
pays
dont
les
Turcs
avaient
la
possession.
Enrevanche,
le
puissant
Tanichmend
El-Ghasi
II,
envahit
en
1131
le
territoire
de
Léon
qui
accourut
à
sa
rencontre
et
fit
retourner
les
Turcs
sur
leur
pas,
après
avoir
promis
au
Sultan
qu'il
respecterait
ses
frontières.
Mais
il
ne
tint
nullement
sa
promesse.
Aussitôt
Léon
reprit
les
armes
et
s'empara
des
châteaux
et
des
provinces
qui
restaient
aux
Grecs
et
dont
il
était
difficile
de
se
rendre
maître.
En
1136,
il
réussit
à
enlever
aux
Francs
la
fameuse
forteresse
de
Sarouantikar.
Ce
fait
alluma
leur
haine
envers
Léon,
contre
lequel
aussi
les
Antiochiens
s'unirent
au
roi
de
Jérusalem.
Léon
prit
pour
allié
son
neveu
Josselin
II,
comte
d'Edesse.
Alors
de
fiers
guerriers
se
trouvèrent
en
face
d'autres
fiers
guerriers
et
troublèrent
la
paix
des
Chrétiens.
Les
deux
partis
ravagèrent
des
provinces
et
de
part
et
d'autre
on
se
fit
une
multitude
de
pri
sonniers.
Cette
guerre
finie,
en
1136,
une
nouvelle
querelle
s'éleva
entre
Léon
et
Baudouin
Seigneur
de
Marache.
J'ignore
lequel
des
deux
fut
le
vainqueur
de
l'autre.
Notre
historien
royal
et
Sempad
citent
ce
fait.
L'un
dit
que
Baudouin
vainquit
Léon,
l'autre,
que
Léon
vainquit
Baudouin.
Ce
doit
être
une
faute
commise
par
les
copistes
de
ces
livres.
Ce
qui
demeure
évident,
c'est
que
si
Léon
fut
vaincu,
il
resta
toujours
fort
et
libre.
Car,
seul
trois
mois
après,
surpris
traîtreusement
par
le
prince
d'Antioche,
celui-ci
ne
voulut
pas
garder
longtemps
chez
lui,
ce
terrible
lion
qui
le
guettait
depuis
tant
de
temps,
à
la
nouvelle
que
les
Grecs
s'avancaient
sur
lui
en
même
temps,
que
sur
Léon.
Il
jugea
donc
plus
avantageux
de
se
faire
un
allié
de
son
prisonnier
que
de
l'avoir
pour
ennemi
implacable.
Mais
pour
qu'à
son
tour
Léon
ne
le
surprit
pas,
il
lui
demanda
comme
ôtages
quelques-uns
de
ses
enfants
et
la
restitution
du
château
de
Sarouantikar
que
Léon
avait
arraché,
en
même
temps
que
les
villes
de
Missis
et
d'Adana.
Pour
sa
rançon
il
dut
en
outre
payer
soixante
milles
besans
d'or.
Le
prince
le
mit
en
liberté
deux
mois
après.
Entre
temps,
une
querelle
avait
éclaté
entre
les
fils
de
Léon
ardents
comme
lui-même;
ils
avaient
fait
crever
les
yeux
au
plus
intelligent
d'entre
eux,
à
Constantin.
Les
autres,
qui
jouèrent
un
rôle
dans
l'histoire
du
pays,
sont
Thoros
II,
Stéphané,
et
Melèh
et
leur
aîné
Roupin,
qu'on
prétend
né
d'une
concubine.
Emmené
à
Constantinople,
quelque
temps
après,
on
dit
qu'il
fut
assassiné
par
jalousie.
Le
turbulent
Léon,
délivré
de
sa
captivité
après
avoir
perdu
bon
gré
mal
gré
la
partie
orientale,
la
plus
belle
de
la
Cilicie,
que
d'ailleurs
il
espérait
recouvrer
dans
un
temps
meilleur,
tourna
alors
ses
armes
contre
le
côté
Occidental
du
pays.
Il
entra
dans
la
Cilicie
Trachée,
assiégea
la
grande
et
forte
ville
maritime
de
Séleucie,
capitale
de
la
province
et
située
près
de
la
mer.
Pourtant
la
mer
paraissait,
en
mugissant,
dire
à
Léon:
«Ne
viens
pas
jusqu'ici
et
ne
va
pas
changer
le
cours
de
ta
fortune».
À
cette
époque,
les
Comnènes
occupaient
le
trône
de
Bysance.
Ces
Comnènes
n'étaient
pas
de
mœurs
irréprochables,
mais
ils
étaient
doués
d'une
haute
intelligence.
Ils
avaient
à
cœur
sur
tout
de
ne
pas
voir
s'aliéner
les
provinces
acquises
par
leurs
ancêtres,
c'est
pourquoi
l'empereur
que
nos
historiens
appellent
Ghyr-Jean,
(Jean
II)
exaspéré
contre
les
Antiochiens
et
les
Arméniens,
car
il
regardait
comme
siennes
les
provinces,
qu'ils
avaient
conquises,
affranchi
du
souci
des
affaires
intérieures
de
son
empire,
Jean
réunit
une
forte
armée
et
s'embarqua
pour
la
Cilicie.
Léon,
en
ayant
été
informé,
abandonna
le
siège
de
Séleucie
et
courut
renforcer
la
garnison
de
sa
capitale
et
de
sa
fameuse
forteresse.
Mais
l'empereur
se
dépêcha,
lui
aussi,
d'entrer
en
Cilicie.
Tarse,
Missis
et
Adana,
tributaires
des
Antiochiens
qui
les
abandonnèrent
lâchement,
se
rendirent
l'une
après
l'autre.
Mais,
Anazarbe,
la
capitale
de
Léon,
résista
avec
énergie
à
l'empereur.
Elle
avait
d'ailleurs,
été
considérablement
fortifiée.
Jean
crut
pouvoir
s'en
rendre
maître
par
la
ruse
et
mit
aux
premiers
rangs
ses
alliés
les
Turcs,
espérant
que
les
Arméniens
dont
ils
avaient
été
les
alliés
voudraient
leur
épargner
la
vie.
Mais
les
Arméniens
firent
une
sortie,
se
jetèrent
sur
leur
camp
et
les
écrasèrent.
Les
Grecs
accoururent
à
leur
secours
et
repoussèrent
les
Arméniens
dans
la
ville.
Ils
resserrèrent
le
siège
et
braquèrent
les
béliers
et
autres
engins
de
guerre
sur
les
bastions
de
la
ville.
Mais
les
assiégeants
firent
moins
de
mal
aux
assiégés
que
ceux-ci
ne
leur
en
firent.
Les
béliers
de
ces
derniers
lançaient
d'énormes
pierres
et
brisaient
les
machines
des
assiégeants,
écrasant
tous
ceux
qui
se
trouvaient
auprès.
Les
traits,
rougis
au
feu,
lancés
dans
le
camp
ennemi,
tuaient
bien
des
soldats.
On
se
remplaçait
constamment
sur
les
remparts,
et
les
autres,
s'encourageant
mutuellement,
firent
une
sortie,
écrasèrent
tout
ce
qui
leur
résistait,
s'approchèrent
des
balistes
et
y
mirent
le
feu
et
les
réduisirent
en
cendres.
Cette
résistance
énergique
causait
de
grandes
pertes
aux
Grecs
mais
ce
qui
excitait
leur
rage,
c'étaient
les
quolibets
et
les
apostrophes
railleuses
qui
leur
étaient
criés
du
haut
des
remparts
et
qui
étaient
quelquefois
à
l'adresse
même
de
l'empereur.
Aussi
les
Grecs,
exaspérés
de
ces
sarcasmes,
s'obstinèrent-ils
à
ce
siège
par
esprit
de
vengeance.
Leurs
machines
étant
brûlées,
ils
durent
arrêter
le
combat
pendant
quelques
jours
pour
en
construire
de
nouvelles
qu'ils
revêtirent
d'une
espèce
de
ciment
pour
qu'elles
pussent
recevoir
impunément
la
grêle
de
projectiles
rougis
au
feu.
Bien
qu'ils
eussent
été
déconcertés
par
les
sorties
nouvelles
des
assiégés,
cependant,
par
les
coups
redoublés
de
leur
béliers
qui
ne
risquaient
plus
alors
d'être
brûlés,
ils
réussirent
à
faire
une
brêche
aux
remparts
de
la
ville.
Mais
ils
rencontrèrent
un
autre
rempart
bâti
derrière
le
premier
que
les
Arméniens
défendaient
avec
acharnement
au
prix
de
leur
vie.
Au
pied
de
cette
muraille
les
assiégeants
laissèrent
beaucoup
des
leurs.
Mais
les
Grecs
étaient
en
si
grand
nombre
qu'on
ne
pouvait
ni
diminuer
leurs
rangs
ni
causer
quelque
dommage
à
leurs
engins
de
guerre.
Les
assiégés
demandèrent
donc
à
se
rendre.
L'empereur
pardonna
noblement
à
ces
vaillants
guerriers.
Non
seulement
il
leur
laissa
la
vie
sauve,
mais
il
ne
toucha
pas
à
leurs
subsistances.
Néanmoins
il
fut
grandement
irrité
de
la
résistance
obstinée
de
la
garnison
du
château
de
Vahga,
dernier
refuge
de
Léon
et
de
sa
famille.
Il
jura
de
ne
pas
s'éloigner
avant
d'avoir
pris
cette
forteresse
et
de
tenir
s'il
le
fallait
plusieurs
hivers,
et
de
ne
lever
le
siège
qu'à
sa
mort.
Il
envoya
dire
à
la
garnison
que,
si
l'on
voulait
consentir
à
se
rendre
tout
de
suite,
il
laisserait
tout
le
monde
s'en
aller
librement
où
bon
lui
plairait,
sinon
qu'il
les
mettrait
tous
à
mort.
Les
assiégés
préférèrent
mourir
que
de
livrer
le
château
qui
était
presque
imprenable
et
dont
il
était
difficile
de
s'approcher.
On
se
reprit
de
courage
et
la
lutte
recommença
de
plus
belle.
Un
des
nobles,
nommé
Constantin,
homme
d'une
haute
stature,
monta
sur
un
bloc
de
pierre
au
plus
haut
du
fort
et
jeta
aux
assiégeants
des
paroles
d'insulte
et
de
dédain
à
leur
adresse
et
à
celle
de
l'empereur.
Il
les
invita
à
envoyer
qui
ils
voudraient
se
battre
avec
lui.
Un
Macédonien
du
nom
d'Eustrade,
armé
d'un
long
glaive
et
d'un
épais
bouclier
lui
fut
dépêché
au
pied
du
mur.
Constantin,
aussitôt
qu'il
l'aperçut,
descendit,
s'avança
contre
lui,
comme
Goliath
devant
David,
en
l'insultant,
et
l'assaillit
avec
des
coups
terribles.
Le
Macédonien,
parait
ces
coups
avec
son
épais
bouclier;
excité
par
les
cris
des
Grecs,
il
relevait
souvent
son
bras
armé,
mais
ses
forces
s'épuisèrent.
Enfin,
par
un
dernier
effort,
il
parvint
à
fendre
le
bouclier
du
Géant.
Les
Grecs
firent
alors
entendre
de
grands
cris,
et
Constantin,
tournant
le
dos
à
Eustrade,
remonta
dans
le
fort
et
ne
se
fit
plus
voir.
La
garnison
du
château,
en
voyant
ce
qui
venait
d'arriver,
fut
démoralisée
et
se
rendit.
Constantin
fut
livré
pour
être
envoyé
à
Constantinople,
mais,
pendant
la
nuit,
il
rompit
ses
chaînes
avec
l'aide
de
ses
serviteurs
et
s'enfuit.
Il
fut
repris
et
conduit
à
l'empereur.
Léon
s'était
réfugié
dans
ses
montagnes
inaccessibles,
mais
il
fut
assiégé
de
loin
dans
ces
lieux
impraticables,
et
il
dut
se
rendre
lui
aussi
avec
sa
femme
et
ses
trois
fils,
Thoros,
Roupin
et
Stéphané.
Melèh
était
auprès
de
Josselin.
À
la
vue
de
son
prisonnier,
l'empereur
fut
au
comble
de
la
joie.
Il
le
fit
charger
de
chaînes
et
l'envoya
à
Constantinople
avec
toute
sa
famille
et
tout
le
butin
qu'il
lui
avait
pris;
dans
ce
butin
se
trouvait
l'image
de
la
Sainte
Vierge.
Léon,
jeté
tout
d'abord
dans
une
prison,
fut
remis
en
liberté
un
an
après.
Il
avait
libre
accès
au
palais
de
l'empereur.
Celui-ci
l'avait
admis
à
sa
table.
Mais,
quand
des
méchants,
à
force
d'intrigues,
eurent
fait
crever
les
yeux
au
jeune
et
vigoureux
Roupin,
qui
en
mourut
en
1139,
l'empereur
prit
Léon
en
méfiance
et
le
fit
remettre
en
prison.
Là,
le
cœur
du
lion
généreux
se
brisa,
et
Léon
ne
tarda
pas
à
mourir.
On
prétend
qu'il
aurait
expliqué
le
songe
de
Thoros
son
fils
qui
s'évaderait
de
la
prison
et
réussirait
à
reprendre
le
domaine
de
la
Cilicie,
puis
qu'il
se
rendrait
maître
non
seulement
de
ce
pays
mais
encore
de
tout
le
littoral.
Mais
la
renommée
de
Léon
devait
durer
bien
plus
que
sa
vie
et,
partout
portée
par
les
Sarrasins,
elle
avait
déjà
fixé
au
pays
dont
il
était
le
maître,
le
nom
de
Pays
de
Léon.
Pendant
sept
ans,
la
Cilicie
resta
sans
souverain
ou
plutôt
sans
chef
de
la
nationalité
arménienne.
L'empereur
Jean
avait
expulsé
tous
les
guerriers
arméniens
et
emmené
en
captivité
la
famille
de
Léon.
Il
avait
laissé
dans
le
pays
pour
garder
les
villes
et
les
lieux
principaux,
douze
mille
soldats
grecs.
Il
méditait
de
faire
de
son
fils
Manuel
un
seul
roi
pour
la
Cilicie,
la
Pamphylie,
l'Isaurie
et
même
pour
la
principauté
d'Antioche.
Après
la
mort
de
Léon,
il
revint
en
Cilicie
en
1142
et
emmena
Manuel
avec
lui.
Il
y
retourna
encore
une
fois
l'année
suivante,
en
1143.
Il
y
fut
blessé
par
une
flêche
empoisonnée,
dans
une
partie
de
chasse,
aux
environs
d'Anazarbe.
Il
en
mourut
en
désignant
pour
son
successeur
au
trône
impérial
précisément
son
bien-aimé
jeune
fils
Manuel.
Celui-ci,
après
avoir
arraché
des
mains
des
Turcs
quelques
châteaux-forts
et
y
avoir
laissé
des
garnisons,
fit
enlever
le
corps
de
son
père
et
le
ramena
à
Constantinople.
Il
venait
à
peine
de
se
mettre
en
route
que
Raymond,
prince
d'Antioche,
se
dépêcha
de
reprendre
ses
possessions
des
environs
de
sa
grande
métropole.
Quant
aux
forts
situés
dans
les
montagnes:
Vahga,
Gaban
et
autres,
ils
furent
pris
par
Mélik
Ahmad,
émir
Tanichmanien,
en
1138-39.
Après
sept
ans
d'interrègne
des
Roupéniens
et
de
captivité
des
princes
royaux,
le
soleil
d'une
nouvelle
ère
de
liberté
se
leva
sur
la
Cilicie
et
brilla
d'un
éclat
plus
intense
à
l'avènement
du
seul
captif
royal
qui,
à
Constantinople,
avait
survécu
à
sa
famille,
du
fils
aîné
de
Léon,
Thoros
II.
C'était
la
deuxième
fois
que
l'empereur
le
faisait
remettre
en
liberté.
La
triste
fin
de
son
père
et
de
son
frère
l'avait
touché.
Ce
qu'on
aimait
surtout
en
Thoros
c'était
sa
belle
physionomie,
il
était
un
jeune
homme
vif,
prudent
et
poli;
il
avait
une
certaine
culture
d'esprit.
On
dit
même
qu'il
était
versé
dans
les
Saintes-Écritures
et
qu'il
en
commentait
les
passages
difficiles.
Quelques-uns
de
nos
historiens
prétendent
qu'il
avait
même
le
don
de
prophétie.
Ses
manières
étaient
affables.
Bien
qu'il
fut
«brun,
qu'il
eût
un
long
nez
et
des
cheveux
frisés,
il
était
plein
de
grâces».
Sans
doute
l'historien
de
la
famille
aura
puisé
ces
renseignements
chez
un
témoin
oculaire.
Ses
actes
l'ont
prouvé;
il
avait
le
cœur
ardent
de
son
père
et
la
prudence
de
son
oncle
dont
il
portait
le
nom.
Il
fut
comme
le
second
fondateur
de
la
dynastie
des
Roupéniens.
Il
fut
au-dessus
des
autres
souverains
du
pays
excepté
de
son
neveu
Léon
qui
excella
entre
tous,
et
à
qui
être
le
second
n'en
était
pas
moins
glorieux.
Le
principat
de
Thoros
dura
vingt-cinq
ans.
Les
événements
qui
se
passèrent
pendant
ce
laps
de
temps
furent
nombreux
et
compliqués.
On
pourrait
en
faire
un
long
roman.
Nous
sommes
obligés
de
nous
renfermer
dans
les
limites
de
notre
texte.
D'ailleurs,
tous
les
historiens
avouent
que,
dans
les
traditions,
il
leur
est
fort
difficile
de
discerner
le
vrai
du
faux
et
qu'il
leur
est
impossible
de
savoir
exactement
de
quelle
manière
il
recouvra
la
liberté
et
effectua
son
retour.
Quelques-uns
prétendent
que
ce
fut
après
le
deuxième
ou
le
troisième
voyage
en
Cilicie
de
l'empereur
Jean.
D'autres,
—
et
ceci
semble
plus
probable,
—
qu'ayant
trouvé
grâce
auprès
d'une
princesse,
Thoros
méprisant
la
molle
insouciance
des
Byzantins,
l'aurait
interessée
à
son
sort
et
qu'elle
lui
aurait
fait
rendre
la
liberté
pour
revoir
sa
patrie;
qu'il
aurait
reçu
de
cette
princesse
de
grandes
marques
d'estime
et
que,
peut-être
pour
lui
assurer
sa
délivrance
elle
lui
aurait
remis
aussi
une
lettre
de
recommandation.
Thoros
s'évada
secrètement,
fit
voile
pour
Chypre
où
il
débarqua
en
suspect
lui
qui
devait
en
fouler
les
côtes
quelques
années
après
en
triomphateur.
Il
se
fit
reconnaître,
d'abord
par
un
prêtre
qui
le
conduisit
à
un
Evêque
syrien
du
nom
d'Athanase.
Ce
dernier,
paraît-il,
favorisait
plus
le
parti
arménien
que
celui
des
Grecs.
Il
lui
donna
son
cheval
et
une
escorte
de
douze
hommes.
La
nouvelle
s'en
répandit
et
cette
petite
caravane
s'augmenta
en
chemin.
Tantôt
Thoros
disait
qui
il
était,
tantôt
«il
cachait
son
nom
et
se
cachait
lui-même.
Peu
à
peu
pourtant
sa
conduite
pleine
de
sagesse
lui
attira
les
hommes
sensés
du
clergé
et
du
peuple....
et,
par
la
grâce
de
Dieu,
il
finit
par
reprendre
autorité
sur
sa
patrie».
Thoros
avait
arrêté
ses
regards
sur
le
centre
de
la
Cilicie,
sur
les
sommets
des
montagnes
de
ses
pères
qui
avaient
été
son
berceau.
Son
cœur
l'attirait
d'abord
à
Vahga,
la
fameuse
citadelle,
qu'il
reprit
bientôt
aux
étrangers.
Puis
il
reconquit,
l'un
après
l'autre,
«les
châteaux
de
Hamouda,
de
Simanaglas,
d'Arioudze-pert
(Chateau
du
Lion)
ainsi
que
d'autres
lieux
qu'il
mit
sous
son
pouvoir,
avec
l'aide
des
montagnards
du
Taurus,
hommes
de
race
arménienne
qui
étaient
restés
là.
Un
autre
Chroniqueur
ajoute
qu'avec
le
fort
de
Vahga,
il
s'empara
«
de
toute
la
Phrygie
et,
peu
après,
d'Anazarbe
et
de
toute
la
plaine».
Ses
frères
Stéphané
et
Melèh,
qui
se
trouvaient
auprès
du
fameux
Noureddin,
l'ayant
appris,
s'en
vinrent
le
rejoindre.
Tous
les
deux
étaient
de
fiers
guerriers
et
l'égalaient
peut-être
en
bravoure
mais
non
en
prudence.
C'est
ce
qui
fit
qu'ils
lui
furent
souvent
d'un
grand
secours,
mais
qu'ils
mirent
quelquefois
des
entraves
à
ses
sages
entreprises.
Thoros
avait
à
peine
fixé
le
siège
de
son
gouvernement
qu'ils
pensa
à
établir
aussi
sa
famille
et
à
se
marier
lui-même.
C'était
dans
les
années
1149-50
C'est
dans
ce
but
qu'il
se
rendit
à
Rabane
pour
demander
à
Josselin
II
la
main
de
sa
fille.
Cette
princesse
était
la
petite-fille
de
Constantin,
également
grand-père
de
Thoros.
Thoros
était
en
chemin
pour
Rabane,
escorté
de
douze
cavaliers
et
de
quelques
fantassins,
lorsqu'il
fut
soudainement
entouré
par
une
bande
de
Turcs,
qu'il
écrasa
et
mit
en
fuite.
Il
reprit
sa
route
sain
et
sauf.
C'est
ensuite
de
cela
que
Thoros
songea
à
reculer
les
limites
de
son
pays.
Il
se
rendit
maître
du
château
de
Til-Hamdoun
tout
proche
de
sa
capitale
Anazarbe;
puis,
il
s'empara
de
la
célèbre
ville
de
Messis
en
tombant
à
l'improviste
sur
son
gouverneur
grec,
le
duc
Thomas,
en
1157.
Manuel
en
reçut
la
nouvelle,
mais
il
était
retenu
par
une
autre
guerre
et
ne
voulait
pas
abandonner
l'entreprise
de
son
père
à
laquelle
il
avait,
lui-même,
pris
part
aussi.
Il
considérait
Thoros
comme
un
révolté
et
un
homme
dangereux,
il
envoya
contre
lui
son
cousin
Andronicus,
le
prince
pervers
et
efféminé.
Andronicus
avait
pour
alliés
des
compatriotes
de
Thoros,
les
princes
de
la
Cilicie
occidentale
qui
étaient
sujets
grecs:
les
Héthoumiens,
les
Nathanaëliens,
seigneurs
de
Baberon
et
de
Partzerpert.
Avec
leur
appui,
Andronicus,
à
la
tête
de
12000
hommes,
assiégea
Thoros
à
Mamestia.
Il
lui
envoya
dire
fièrement
de
se
soumettre
à
lui
et
de
venir
se
faire
charger
des
chaînes
dont
son
père
Léon
avait
été
chargé.
Thoros
attendit
le
moment
propice.
Pendant
une
nuit
d'averse
et
d'orage
il
fit
faire
une
sortie
en
passant
par
une
large
ouverture
qu'il
avait
ordonné
de
pratiquer
dans
la
muraille,
et
bouleversa
tout
le
camp
ennemi.
Il
tua
un
grand
nombre
des
Grecs,
en
fit
prisonniers
un
plus
grand
nombre
encore,
mais
il
laissa
la
vie
sauve
aux
soldats
de
la
basse
milice,
après
les
avoir
toutefois
dépouillés
de
leurs
vêtements
et
de
leurs
armes
et
gardé
auprès
de
lui
les
prisonniers
nobles.
Parmi
ces
derniers,
se
trouvaient
Ochin,
seigneur
de
Lambroun
et
père
de
S.
Nersès,
Vassil,
seigneur
de
Partzerpert
et
Tigran
seigneur
de
Bragane.
Quant
au
seigneur
de
Baberon,
Sempad,
frère
d'Ochin
(et
grand-père
de
Constantin
le
Père
du
Roi)
il
mourut
dans
le
combat,
auprès
de
la
porte
de
la
ville.
Ochin
donna
pour
sa
rançon
quarante
mille
pièces
d'or
et
en
versa
immédiatement
la
moitié.
Pour
garantie
du
reste
il
donna
son
jeune
fils
Héthoum
en
ôtage.
Thoros
prit
en
si
grande
amitié
ce
jeune
enfant
qu'il
voulut
en
faire
son
gendre.
C'est
ce
qu'il
fit
en
effet
quelque
temps
après,
en
donnant
pour
dot
à
sa
fille
les
20000
écus
qu'il
avait
à
recevoir
d'Ochin.
Chacun
des
autres
seigneurs
eut
aussi
une
rançon
à
fournir.
Les
Grecs
voulant
imiter
les
Arméniens,
dirent
à
Thoros
de
leur
demander
des
rançons
selon
le
degré
de
leur
noblesse.
Thoros
se
moqua
d'eux
et
leur
dit:
Si
vous
valiez
quelque
chose
je
ne
vous
aurais
pas
faits
prisonniers.
Froissés
par
ces
paroles,
ils
furent
obligés
d'offrir
de
fortes
rançons
à
Thoros.
Le
vainqueur
accepta
ces
rançons
et
les
fit
partager
devant
eux
à
toute
son
armée,
en
disant:
C'est
pour
que
les
soldats,
à
l'avenir,
soient
encouragés
à
vous
prendre
encore.
Après
quoi,
il
mit
les
princes
grecs
en
liberté.
L'empereur
comprit
enfin
que
ce
n'était
pas
facile
de
surprendre
Thoros.
Comme
ses
affaires
nombreuses
le
tenaient
en
haleine
et
qu'il
ne
pouvait
plus
se
fier
à
ses
hommes,
il
imagina
d'exciter
contre
Thoros
le
fier
sultan
de
Konieh,
Maksoud,
en
lui
promettant
de
grands
trésors.
Pendant
trois
années
consécutives,
de
1153
à
1155,
le
Sultan
envahit
le
territoire
arménien,
mais
il
ne
put
rien
faire
à
Thoros.
La
première
fois
que
les
Turcs
entrèrent
dans
la
Cilicie,
Thoros
se
retira
sur
les
sommets
de
ses
montagnes
et
lui
résista
fortement.
Les
deux
ennemis
finirent
pas
conclure
un
traité
et
le
sultan
s'en
retourna.
La
seconde
fois,
l'armée
du
sultan,
sous
le
commandement
d'un
certain
Yakhoub,
n'atteignit
pas
Thoros;
elle
était
allée
porter
la
dévastation
d'un
autre
côté
et
fut
rencontrée
par
les
chevaliers
francs
et
Stéphané
qui
l'écrasèrent
près
des
frontières
d'Antioche.
La
troisième
fois,
Maksoud,
envoya
une
armée
encore
plus
nombreuse
pour
ravager
la
Cilicie.
Cette
armée
mit
le
siège
devant
Til-Hamdoun.
Cette
fois
encore,
les
chevaliers
et
Stéphané,
frère
de
Thoros,
eurent
les
devants
sur
l'ennemi.
La
Providence
fit
le
reste:
une
maladie
contagieuse
se
jeta
sur
les
chevaux
des
Turcs
et
se
communiqua
aux
cavaliers;
un
terrible
ouragan
se
déchaîna
en
même
temps,
la
foudre
déracina
les
arbres
et
bouleversa
la
nature.
On
était
en
été.
Les
Sarrasins,
saisis
d'épouvante,
se
retirèrent.
Quelque
temps
après,
le
sultan
Maksoud
mourut.
Manuel,
déçu
dans
ses
intentions,
excita
alors
contre
Thoros
les
occidentaux,
c'est-à-dire
les
Antiochiens
et
les
Templiers
auxquels
vinrent
se
joindre
les
Grecs
de
la
Cilicie,
qui
se
mirent
en
marche
contre
le
prince
montagnard.
On
se
rencontra
près
d'Alexandrette.
De
part
et
d'autres
les
pertes
furent
grandes.
Mais
de
nouveaux
renforts
arrivèrent
aux
alliés
et
Thoros
crut
inutile
de
tenir
tête
plus
longtemps
à
une
pareille
multitude.
Il
consentit
à
leur
abandonner
les
forteresses
qu'il
avait
prises
sur
la
frontière
d'Antioche
et
conclut
un
traité
de
paix
avec
eux.
Renaud
de
Chatillon,
le
tuteur
ou
bailli
de
la
principauté
d'Antioche,
n'ayant
pas
reçu
les
présents
que
lui
avaient
promis
les
Grecs,
ne
tint
plus
compte
du
serment
qu'il
leur
avait
fait
et
se
tourna
contre
eux,
en
s'unissant
à
Thoros.
Il
arma
une
flotte,
se
jeta
sur
Chypre,
qui
était
encore
au
pouvoir
des
Grecs
et
y
fit
des
massacres
atroces.
Nos
historiens
disent
que
Thoros
fut
l'instigateur
de
ces
massacres.
Mais
Guillaume
de
Tyr,
l'historien
le
plus
exact
de
l'occident,
qui
relate
ces
massacres
avec
beaucoup
de
détails,
ne
cite
que
Renaud
seul
comme
leur
auteur
et
parle
au
contraire
de
Thoros
avec
éloge.
Si
quelqu'un,
parmi
les
Arméniens,
s'est
lancé
dans
ces
horribles
représailles,
ce
ne
put
être
que
Melèh
ou
Stephané.
Celui-ci
avait
une
haine
profonde
contre
les
Grecs.
Bien
des
fois
il
les
avait
harcelé
sans
la
permission
et
contre
la
volonté
de
Thoros.
Ainsi,
l'an
1157,
il
avait
levé
une
légion
de
guerriers
et
avait
envahi
les
frontières
du
sultan,
avec
qui
Thoros
avait
signé
un
traité
de
paix.
Il
s'était
emparé
de
Cocuse
et
de
Pertouce.
Le
Sultan
irrité
s'en
vint
reprendre
Cocuse.
Contre
la
volonté
de
son
frère,
Thoros
lui
rendit
aussi
Pertouce.
Stéphané
n'en
fit
point
cas
et
alla
encore
pour
«voler
Marache,
mais
ne
put
le
prendre».
De
là,
il
se
retourna
contre
la
célèbre
forteresse
de
Béhesni,
à
la
prière
de
ses
habitants
tyrannisés
par
le
gouverneur.
Stéphané
arriva
et
se
mit
en
embuscade,
mais
le
gouverneur
l'ayant
appris,
ordonna
de
jeter
les
traîtres
du
haut
des
murailles
du
Château.
Effrayés,
les
habitants
de
Béhesni
vinrent
implorer
Stéphané
qui
les
emmena
et
leur
donna
un
abri
dans
la
plaine
d'Anazarbe,
où
l'ardeur
du
soleil
en
fit
périr
un
grand
nombre.
Thoros,
indigné
d'un
pareil
acte,
fit
prendre
et
jeter
en
prison
Stéphané.
Il
le
remit
en
liberté
dix
mois
après.
Ce
fut
peut-être
encore
Stéphané
qui
envahit,
en
1155,
les
frontières
d'Alep,
territoire
de
Noureddin,
bien
qu'un
historiographe
contemporain
prétende
que
ce
fut
Thoros.
«Le
pieux
et
grand
prince
des
Chrétiens,
Thoros,
vint
jusqu'à
Alep.
S'étant
rendu
maître
de
quelques
villes
et
forteresses,
il
les
rasa
et
s'en
revint
triomphalement
dans
son
pays».
Thoros
eut
encore
une
fois
à
combattre
contre
les
Grecs.
Il
venait
de
s'emparer
de
presque
la
plus
grande
partie
de
la
Cilicie
et
de
la
province
de
l'Isaurie.
L'empereur
Manuel
ne
pouvait
pas
le
lui
pardonner.
Il
envoya
donc
contre
Thoros
trois
généraux
l'un
après
l'autre.
Le
dernier
fut
Andronicus,
parent
de
l'empereur,
qu'on
a
surnommé
l'Euphorpène.
Pendant
que
cet
Andronicus
assiégeait
la
ville
de
Tarse
(1156-57),
Thoros,
avec
ses
alliés
les
Antiochiens,
vint
fondre
sur
lui
et
écrasa
son
armée,
laissant
3000
hommes
sur
le
champ;
les
autres
soldats
du
général
grec
eurent
à
peine
le
temps
de
se
réfugier
dans
leurs
vaisseaux
où
Baudouin
IV,
roi
de
Jérusalem
et
qui
allait
devenir
le
gendre
de
l'empereur,
les
mit
en
sûreté
avec
Andronicus.
À
la
fin
de
1158,
Manuel,
enfin
affranchi
des
embarras
que
lui
avait
causés
la
guerre
qu'il
soutenait
contre
les
Siciliens,
fit
voile
vers
l'Asie
et
débarqua
à
Attalie.
Il
venait
se
venger
de
tout
ce
que
lui
avaient
fait
ses
deux
adversaires,
Thoros
et
les
Antiochiens.
Thoros
se
retira
dans
ses
montagnes
et
plaça
sa
famille
dans
un
château
imprenable,
appelé:
Dadjeghikar,
(le
fort
des
Turcs),
près
des
sources
du
fleuve
Cydnus.
Quant
à
lui,
il
allait
d'un
château
à
l'autre,
sur
les
monts
inaccessibles.
L'empereur
ne
pouvant
le
prendre,
mit
les
villes
sous
son
autorité
et
passa
l'hiver
à
Tarse.
Pendant
qu'il
était
là,
le
bailli
d'Antioche,
l'un
de
ceux
qu'il
était
venu
châtier,
vint
lui
présenter
une
épée
nue
et
trouva
grâce
auprès
de
lui,
par
l'intercession
du
roi
de
Jérusalem.
Alors
le
bailli
fit
entrer
l'empereur,
comme
son
suzerain,
dans
Antioche
en
1159.
À
Antioche,
le
roi
de
Jérusalem
et
les
maîtres
chevaliers,
intercédèrent
auprès
de
l'empereur
pour
Thoros;
ils
lui
dirent:
«C'est
un
homme
sage,
un
guerrier
vigoureux
et
expérimenté,
un
homme
intrépide
et
magnanime,
très-utile
aux
Chrétiens,
généreux
et
doué
des
plus
belles
qualités».
Les
beaux
traits
du
visage
de
Thoros,
les
belles
réponses
que
celui-ci
avait
faites,
plutôt
que
tout
ce
qu'on
put
lui
dire
d'ailleurs
en
sa
faveur,
finirent
par
émouvoir
et
apaiser
l'empereur.
Lorsque
Thoros
se
présenta
devant
lui
avec
les
cadeaux
qu'il
apportait
à
lui
et
à
son
armée,
cadeaux
qui
consistaient
en
magnifiques
chevaux
de
selles
et
en
vivres,
c'est
alors,
—
paraît-il,
—
que
Manuel
le
nomma
Sébaste
et
lui
laissa
son
autorité
à
titre
de
l'un
des
gouverneurs
impériaux.
«Il
lui
délivra
une
bulle
d'or»,
raconte
le
poëte.
Malgré
tout
cela,
Thoros
ne
put
pas
s'accorder
très-bien
avec
Manuel
et
leur
bonne
entente
ne
dura
pas
longtemps.
L'empereur
partit,
laissant
les
croisés
peu
satisfaits
de
l'avoir
pris
pour
allié.
Thoros,
paraît-il,
l'accompagna
jusqu'au
port
de
son
embarquement,
mais
se
figurant
qu'on
allait
se
saisir
de
sa
personne,
comme
on
l'avait
fait
pour
son
père,
et
qu'il
serait
emmené
à
la
Cour
de
Constantinople
où
on
le
jeterait
ensuite
en
prison,
il
s'enfuit
pendant
la
nuit
et
alla
se
réfugier
à
Vahga.
Quand
il
fut
bien
certain
que
l'empereur
était
parti,
il
en
sortit
et
s'empara
d'Anarzabe
et
de
Messis
et
des
bourgades
environnantes.
Dès
lors,
Thoros
fut
plus
vigilant
et
tous
ceux
qui
le
connurent
eurent
pour
lui
un
profond
respect.
Il
resta
en
paix
avec
les
Antiochiens,
ainsi
qu'avec
le
roi
de
Jérusalem
Baudouin
IV,
qui
était
parent
avec
les
Arméniens
du
côté
maternel.
C'est
avec
ce
dernier
que
Thoros
marcha
contre
Noureddin
pour
venger
la
captivité
de
Renaud,
prince
d'Antioche,
qui
imprudemment
s'était
jeté
dans
la
mêlée
et
avait
été
surpris
par
des
soldats
en
embuscade.
Il
se
trouvait
captif
depuis
seize
ans.
Le
roi
de
Jérusalem,
étant
mort
prématurément
au
commencement
de
l'an
1162,
Thoros
se
retira
dans
ses
terres.
Cette
même
année
ou
l'année
qui
la
suivit,
Thoros,
libre
du
souci
de
toute
guerre,
entreprit
un
pélerinage
à
Jérusalem
et
aux
Lieux-Saints.
Il
voulait
en
même
temps,
rendre
visite
au
nouveau
roi
de
Jérusalem,
Amaury,
frère
de
Baudouin
et
pour
qui
Thoros
avait
une
grande
amitié.
Amaury
le
reçut
comme
un
roi.
Thoros,
pour
consolider
ses
liens
d'amitié
avec
lui
et
avec
d'autres
personnages
braves
comme
ce
dernier,
promit
au
roi
de
Jérusalem
d'être
son
allié
et
celui
des
croisés,
et,
—
ce
qui
mérite
d'être
remarqué,
—
d'envoyer
à
Amaury
une
armée
de
trente
mille
hommes.
Il
lui
donna
immédiatement
quinze
mille
soldats.
Ceci
est
une
preuve
de
sa
puissance
et
de
l'extension
de
ses
Etats.
Et
lorsque
quelques
membres
du
clergé,
sans
prévoyance
ou
excités
par
la
cupidité,
exigèrent
de
Thoros
qu'il
leur
livrât
la
dîme,
ils
se
privèrent
sottement
de
plus
grands
bienfaits
qu'ils
pouvaient
recevoir
de
lui.
Le
célèbre
voyageur
juif
contemporain,
Benjamin
de
Tudela
parle
de
l'étendue
des
possessions
de
Thoros
en
1163-64;
il
dit
que
leurs
frontières
du
sud-ouest
commençaient
du
château
de
Gorigos
et
finissaient
d'un
côté
à
Doukim
ou
Douchia,
ville
qui
n'est
certainement
pas
Eudoxie
(Tokate),
mais
dont
on
ignore
actuellement
la
situation.
A
moins
cependant
qu'on
n'ait
mal
écrit
son
nom
et
qu'on
n'ait
voulu
dire
Antiochia.
Car
Benjamin
dit
que
de
l'autre
côté
le
pays
confinait
à
celui
des
Tokarmas,
c'est-à-dire
des
Turcs.
À
cette
époque,
en
1164,
les
occidentaux
se
réunirent
encore
une
fois
avec
le
nouveau
prince
d'Antioche
Bohémond
III,
et
son
frère
Raymond,
prince
de
Tripoli,
ainsi
qu'avec
le
Duc
grec
Constance
Calaman
qui
commandait
à
Tarse.
Thoros
fit
partie
de
cette
ligue;
il
venait
de
mettre
sur
le
trône
d'Antioche,
Bohémond
qu'il
avait
débarrassé
de
son
ambitieuse
mère
Constantia.
Tous
marchèrent
ensemble
contre
Noureddin,
vers
les
frontières
de
Tripoli,
et
le
vainquirent.
Exaspéré,
le
sultan
leva
une
armée
formidable.
C'est
alors
que
Thoros
conseilla
à
ses
alliés
de
ne
pas
courir
à
sa
rencontre
et
de
se
retirer
chacun
dans
son
pays.
Lui-même
donna
l'exemple.
Mais
les
autres
ne
suivirent
pas
son
conseil,
ils
reprirent
le
armes
contre
Noureddin.
Ils
furent
battus
et
mis
en
fuite,
le
10
aôut
1164.
Leurs
principaux
officiers
furent
faits
prisonniers
et
furent
menés
là
où
gémissaient
depuis
longtemps
Renaud
et
Josselin
III.
Seul,
leur
allié
Melèh,
frère
de
Thoros,
put
s'enfuir
aidé
par
une
peuplade
de
Turkomans
qui
étaient
ses
amis.
Thoros
fut
ému
du
sort
des
prisonniers
et
pria
Noureddin
d'en
avoir
aussi
pitié
et
de
leur
rendre
la
liberté.
Le
sultan
ne
voulut
rien
entendre,
alors
Thoros
envahit
la
province
de
Marache
et
mit
en
fuite
tout
ceux
qui
voulurent
lui
faire
résistance.
Le
fier
sultan
fut
obligé
de
demander
la
paix
et
de
signer
les
traités
qui
stipulaient
que
ses
prisonniers
seraient
rendus
moyemment
rançons.
Il
demanda
pour
le
prince
d'Antioche
cent
mille
besans
d'or.
Les
dernières
années
du
principat
de
Thoros
furent,
agitées
aussi.
Ses
frères
surtout,
qui
ne
voulurent
agir
qu'à
leur
guise,
lui
suscitèrent
bien
des
tourments.
Stéphané
nourrissait
une
haine
implacable
contre
les
Grecs
et
les
harcelait
sans
cesse.
Il
cherchait
tous
les
moyens
pour
s'emparer
de
tout
ce
qui
leur
restait
de
possessions.
A
la
fin,
il
parvint
à
se
rendre
maître
de
la
Montagne-Noire.
De
leur
côté,
les
Grecs
lui
en
voulaient
aussi
et
se
rendirent
coupable
envers
lui
d'une
action
aussi
sauvage
que
celle
des
fils
Mantaliens,
peut-être
plus
atroce
encore.
Les
Grecs
le
firent
inviter
amicalement
par
le
duc
de
la
forteresse
de
Hamouse,
ils
se
saisirent
de
sa
personne
et
le
plongèrent
dans
l'eau
bouillante
et
le
firent
périr
de
cette
façon
épouvantable
en
1165,
«sans
pitié,
dit
l'historien,
pour
cet
homme
valeureux»;
nous
ajouterons,
sans
respect
pour
eux-mêmes,
sans
songer
aux
conséquences
de
leur
forfait,
car
il
était
facile
de
prévoir
que
les
puissants
frères
de
leur
victime
ne
laisseraient
pas
impuni
leur
crime
barbare.
Ceux-ci,
dit
l'historien,
«exaspérés
de
cet
acte
de
férocité
vengèrent
la
mort
de
leur
frère
en
égorgeant
des
milliers
de
Grecs
innocents
et
le
duc
fut
responsable
de
ces
flots
de
sang
versé».
Le
Catholicos
des
Syriens
(Michel)
avance
que
les
Arméniens
massacrèrent
jusqu'à
dix
mille
Grecs.
Il
est
évident
que
ce
ne
fut
pas
seulement
un
assassinat
que
ce
carnage
mais
le
fait
d'une
guerre.
Andronicus,
l'efféminé
venait
de
sortir
de
prison
où
il
était
resté
enfermé
pendant
douze
ans;
il
avait
à
cœur
de
se
venger,
lui
aussi,
de
sa
première
défaite.
Il
vint
prêter
main-forte
aux
Grecs,
à
la
tête
de
légions
d'irréguliers,
qu'il
avait
fait
déguiser
par
dérision
en
bêtes
sauvages.
Thoros
mit
ses
soldats
en
embuscade
dans
les
bois
et
fondit
sur
cette
bande
d'hommes
qui
semblait
un
troupeau
de
bêtes.
Il
les
écrasa
et
Andronicus
lui-même,
reçut
un
choc
si
violent
à
son
bouclier
qu'il
tomba
de
son
cheval
et
eut
grand'peine
à
se
sauver
et
à
s'enfuir
lâchement
à
Antioche.
Ce
fut
peut-être
sur
ces
entrefaites
que
les
Grecs
vinrent
assaillir
le
château
de
Partzerpert,
mais
ils
furent
repoussés
par
Thoros
qui
leur
infligea
de
grandes
pertes
et
leur
fit
beaucoup
de
prisonniers.
Vahram
et
un
autre
auteur
de
mémoires
racontent
ce
fait
comme
ayant
eu
lieu
lors
de
la
première
guerre
avec
les
Grecs
et
de
l'arrivée
de
l'empereur
Manuel
en
Cilicie.
L'autre
Andronicus,
celui
qui
est
surnommé
l'Euphorpène,
fit
intervenir
le
prince
d'Antioche
pour
mettre
fin
aux
représailles
de
Thoros
qui
voulait
venger
grandement
la
mort
de
son
frère
Stéphané.
C'est
à
cette
dernière
occasion,
paraît-il,
qu'une
querelle
éclata
entre
Thoros
et
les
Héthoumiens,
partisans
des
Grecs.
On
dit
qu'Ochin
qui,
avait
été
prisonnier
de
Thoros,
excita
contre
lui
une
bande
de
maraudeurs
Turkomans
auxquels
il
fit
enlever
du
territoire
de
Thoros,
cinq
cents
jeunes
filles.
Thoros
qui
s'était
débarrassé
de
ses
ennemis
de
l'extérieur,
tourna
aussitôt
ses
armes
contre
Ochin
et
vint
dévaster
les
alentours
de
l'imprenable
forteresse
de
Lambroun.
Des
deux
côtés
on
se
préparait
à
une
résistance
acharnée,
bien
que,
depuis
la
première
bataille
de
Mamestie,
Héthoum
et
Thoros
fussent
liés
par
des
liens
de
parenté.
On
sut
au
loin
que
des
difficultés
s'étaient
élevées
entre
ces
princes.
Le
Catholicos
Grégoire
se
mourait,
son
frère
Nersès
de
Cla
(Romcla)
surnommé
le
Chenorhali
(Gracieux),
vint,
comme
l'ange
de
la
paix,
réconcilier
les
deux
ennemis,
ainsi
que
Dieu
le
lui
inspirait.
Thoros,
redevenu
ami
avec
son
parent,
allait
être
trahi
par
son
propre
frère,
le
seul
qui
lui
restait,
l'impie
Melèh.
Celui-ci
s'était
entouré
d'une
bande
d'hommes
du
même
caractère
que
lui,
et
méditait
d'assassiner
son
frère
aîné,
un
jour
qu'ils
se
rendirent
ensemble
à
une
partie
de
chasse
entre
Messis
et
Adana.
Thoros
en
fut
averti
et
fit
saisir
le
traître.
Après
l'avoir
dégradé
en
présence
de
ses
soldats
et
des
princes,
il
lui
donna
des
provisions,
des
armes
et
de
l'argent
et
le
chassa
du
pays.
Melèh
alla
demander
l'hospitalité
à
Noureddin
et
trouva
grâce
devant
lui.
Thoros,
le
brave
guerrier
et
l'homme
prudent,
après
avoir
apaisé
tant
de
rebellions
et
soutenu
tant
de
guerres,
légua
à
sa
famille,
sinon
toute
la
Cilicie,
au
moins
la
plus
grande
partie
de
ce
pays,
et
lui
en
rendit
la
possession
plus
assurée
en
faisant
des
Templiers
et
des
Hospitaliers
ses
amis.
Tout
en
s'occupant
de
politique
il
eut
soin
de
relever
le
bien-être
de
ses
Etats
et
de
son
Église.
Il
cacha
enfin
sous
l'habit
des
religieux
la
splendeur
de
sa
gloire
et
l'éclat
de
ses
armes
triomphantes
qui
avaient
fait
de
lui
l'un
des
plus
célèbres
personnages
de
notre
Nation
et
mourut
en
1169.
C'est
le
premier
des
princes
souverains
qui
furent
inhumés
parmi
les
Vartabieds
dans
le
cimetière
du
célèbre
Monastère
de
Trazargue.
Thoros
laissa
en
pleine
prospérité
l'Etat
de
Cilicie
qu'il
avait
pour
ainsi
dire
tiré
du
néant
et
fondé.
L'auteur
de
courts
mémoires
sur
les
actes
des
Roupéniens
qui
écrivait
vers
la
fin
du
13
e
siècle,
après
avoir
prodigué
les
éloges
à
la
haute
intelligence
de
Thoros,
l'avoir
loué
d'être
versé
dans
l'étude
des
Ecritures
sacrées
et
félicité
«d'avoir
commenté
nombre
de
passages
obscurs»
de
ces
Ecritures,
ajoute:
«nous
conservons
encore
auprès
de
nous
(ces
commentaires)».
Nous
serions
bien
heureux,
si
nous
les
avions
aussi!
Thoros
avait
laissé
pour
lui
succéder
un
très-jeune
enfant
nommé
Roupin.
Il
avait
désigné
pour
son
bailli,
Thomas,
que
quelques-uns
ont
prétendu
être
le
propre
beau-père
de
Thoros.
Il
est
plus
probable
qu'il
était,
comme
le
dit
Aboul-Faradje,
le
fils
de
la
sœur
de
Thoros,
et
l'un
des
plus
nobles
hommes
d'Antioche.
Même
de
son
vivant,
Thoros
avait
en
lui
la
plus
grande
confiance.
C'est
avec
Thomas
et
un
certain
Georges
que
Thoros
s'enfuit
dans
les
montagnes
lorsque
l'empereur
envahit
la
Cilicie.
Thoros
avait
pourtant
un
frère,
c'était
Melèh,
lugubre
figure
de
la
famille
des
Roupéniens
et
de
notre
histoire.
Melèh
était
resté
seul
en
Cilicie
pendant
la
captivité
de
ses
frères.
Il
avait
grandi
comme
un
vagabond,
privé
de
toute
espèce
d'éducation,
surtout
quand
il
fréquentait
les
Sarrasins
et
plus
encore
pendant
son
séjour
à
la
Cour
de
Noureddin.
Melèh
avait
été
chassé
du
pays
par
son
frère,
quand
celui-ci
allait
bientôt
mourir,
et
il
avait
alors
reçu
des
Sarrasins
la
seigneurie
de
la
province
de
Cyrus.
Il
avait
été
reçu
auparavant
dans
l'ordre
des
Templiers
qui
l'avaient
éduqué
et
lui
avaient
donné
l'orgueilleuse
présomption
de
soi-même
dont
il
était
rempli.
Ils
l'expulsèrent
de
leur
ordre
ou
il
les
quitta
de
son
plein
gré.
Ce
qui
fit
croire
à
quelques-uns
qu'il
renia
sa
foi
et
se
fit
musulman,
mais
ce
qui
n'est
pas
probable
bien
qu'on
ne
puisse
pas
affirmer
absolument
le
contraire;
car
il
ne
se
conduisait
pas
en
chrétien
et
ne
voulait
pas
entretenir
de
relations
avec
les
chrétiens.
Melèh
poursuivait
également
de
sa
haine
le
bas-peuple,
le
bourgeois,
le
clergé
et
la
noblesse.
Lorsqu'il
sut
que
Thoros
était
mort,
il
partit
avec
une
armée
que
lui
donna
son
protecteur
Noureddin
et
vint
s'emparer
de
l'autorité
de
son
frère.
Le
Bailli
Thomas
n'eut
que
le
temps,
pour
sauver
sa
vie,
de
se
réfugier
à
Antioche.
Quant
au
jeune
Roupin
qu'on
avait
cru
mettre
en
sûreté
à
Romcla,
sous
les
ailes
tutélaires
de
son
ange
gardien,
S.
Nersès
Chenorhali,
il
fut
assassiné
par
des
malfaiteurs.
J'ignore
s'ils
furent
ou
non
soudoyés
par
Melèh.
Le
principat
de
ce
tyran
se
prolongea
six
ou
sept
ans
au
milieu
des
troubles.
Il
fut
exécré
par
les
Arméniens
et
par
les
étrangers.
N'ayant
aucun
égard
ni
pour
l'ami,
ni
pour
l'ennemi,
il
ne
prit
pour
lois
que
sa
volonté
et
ses
caprices.
Il
n'avait
peur
de
personne,
car
il
se
sentait
soutenu
par
Noureddin
qu'il
affectionnait
comme
un
frère.
Il
fit
battre
monnaie
à
son
nom
et
à
celui
de
Noureddin.
Il
se
fit
aussi
l'allié
de
son
autre
puissant
voisin,
le
sultan
de
Konieh.
Il
était
tranquille
et
sûr
de
tous
les
côtés.
Comme
on
peut
le
supposer,
il
songea
d'abord
à
tirer
vengeance
de
l'humiliation
qu'il
avait
essuyée,
bien
qu'il
l'eût
méritée,
d'avoir
été
chassé
du
pays.
Alors,
—
dit
l'historien,
—
«il
se
vengea
de
tous
ses
adversaires,
leur
prit
tout
ce
qu'ils
possédaient
et
les
fit
jeter
en
prison
après
les
avoir
enchaînés.
II
fit
prendre
les
évêques
auxquels
il
fit
arracher
les
dents.
Où
il
soupçonnait
qu'il
se
trouvait
de
l'or
et
de
l'argent,
il
allait
le
dérober…
Il
entassa
de
cette
façon
des
trésors
et
s'enrichit
extraordinairement
en
dépouillant
les
innocents…
C'était
un
être
sauvage,
au
caractère
difficile
et
cruel.
Tous
l'exécraient
et
voulaient
s'en
débarrasser,
mais
ils
ne
purent
en
trouver
l'occasion
favorable».
Nous
ne
voulons
pas
parler
de
ses
actes
d'immoralité.
Le
roi
de
Jérusalem
et
les
autres
princes
avaient
mandé
auprès
de
l'empereur
un
grand
personnage,
le
Comte
Etienne
de
Blois.
Ce
Comte
devait
passer
par
les
Etats
de
Melèh.
Ce
dernier
en
fut
informé;
il
se
mit
en
embuscade
près
de
Messis,
le
surprit,
le
dépouilla
complètement
et
le
laissa
libre
après
lui
avoir
donné
pourtant
la
plus
pitoyable
monture.
Du
reste,
Melèh
avait
l'habitude
de
dépouiller
de
même
tous
les
pèlerins
qui
passaient
par
son
pays.
Comme
il
avait
une
haine
profonde
contre
les
Templiers,
ses
amis
d'autrefois,
il
les
chassa
tous
de
la
Cilicie,
après
s'être
emparé
de
toutes
les
possessions
qu'ils
avaient
entre
ses
frontières
et
celles
d'Antioche.
Il
ne
se
fit
encore
aucun
scrupule
d'envahir
la
principauté
d'Antioche,
surtout
après
que
le
bailli
Thomas
s'y
fut
réfugié.
Le
Prince
d'Antioche
marcha
contre
lui,
excité,
lui
aussi,
à
faire
cette
invasion
par
quelques
princes
arméniens.
Mais
avant
qu'ils
ne
fussent
en
face
l'un
de
l'autre,
le
roi
de
Jérusalem
envoya
coup
sur
coup,
ses
ambassadeurs
pour
conjurer
Melèh
de
signer
la
paix.
Ce
dernier
refusa.
Alors
le
roi
de
Jérusalem
envahit,
avec
d'autres
alliés,
la
plaine
du
territoire
de
Melèh,
car
il
n'osait
pas
s'aventurer
dans
les
montagnes
et
il
avait
peur
du
Montagnard.
Aussitôt,
Melèh
fit
avertir
Noureddin.
Quand
les
alliés
apprirent
que
le
Sultan
d'Alep
s'avançait
contre
eux,
ils
furent
épouvantés
et
chacun
d'eux
s'en
retourna
chez
soi.
Melèh
à
son
tour,
enhardi,
songea
alors
à
faire
une
invasion
dans
les
possessions
du
roi
de
Jérusalem.
Mais
les
chevaliers
Hospitaliers
accoururent
et
arrêtèrent
sa
marche;
c'était
en
1172.
Cet
implacable
ennemi
des
Grecs
tourna
alors
ses
armes
contre
eux.
Il
les
chassa
de
toutes
les
villes
qui
étaient
encore
en
leur
pouvoir.
Il
se
rendit
maître
de
Tarse,
d'Adana
et
de
Messis,
ou
pour
mieux
dire
de
toute
la
Cilicie.
Manuel,
furieux
de
ce
qu'après
tant
de
peines,
il
ne
pouvait
parvenir
à
garder
la
Cilicie
qui
lui
glissait
toujours
dans
les
mains,
envoya
contre
Melèh
trois
généraux
célèbres
qui,
auparavant,
avaient
été
les
gouverneurs
de
quelques-unes
de
ces
villes:
Michel
Vrana,
Constance
Euphorpène
et
Constance
Calaman
le
jeune.
Melèh
vint
à
leur
rencontre,
vers
la
fin
de
1172
ou
au
commencement
de
1173;
il
avait
probablement
avec
lui
des
troupes
que
lui
avait
fournies
Noureddin.
Il
écrasa
les
Grecs
et
revint
chargé
de
butin
et
emmenant
de
nombreux
prisonniers,
dont
il
envoya
une
partie
avec
trente
officiers
prisonniers
au
Sultan
que
celui-ci
offrit
au
Calife
de
Bagdad.
Cette
victoire
de
Melèh
fut
considérée
par
le
Sultan
comme
une
des
plus
grandes
de
ses
propres
victoires.
Il
n'y
avait
plus
que
peu
de
châteaux
en
Cilicie
restés
au
pouvoir
des
Byzantins.
L'un
de
ces
châteaux
était
Lambroun.
Il
appartenait
au
plus
obstiné,
au
plus
acharné
rival
de
la
Maison
des
Roupéniens.
Melèh
ressentait
autant
de
haine
pour
les
seigneurs
de
Lambroun
qu'il
en
avait
ressenti
pour
les
Grecs.
Il
en
voulait
surtout
au
Sébaste
Héthoum
d'avoir
répudié
sa
femme,
fille
de
Thoros,
après
la
mort
de
celui-ci.
«Melèh,
profondément
irrité,
alla
(en
1173)
assiéger,
avec
une
forte
armée,
Lambroun
et
cerna
ses
habitants….
il
les
fit
cruellement
souffrir
par
les
armes
et
par
la
famine».
Melèh
aurait
encore
fait
plus
de
mal
à
ce
château
s'il
avait
pu
le
faire
capituler
par
la
famine,
mais
l'archevêque
Grégoire
Degha
dont
on
affirme
que
Melèh
était
le
beau-frère
(donc
Melèh
avait
épousé
l'une
des
filles
de
Vassil,
frère
de
S.
Nersès
Chenorhali),
vint
le
supplier
d'accorder
la
paix.
Pendant
que
l'Evêque
s'occupait
de
cela,
ou
vint
lui
apprendre
la
mort
de
son
oncle,
le
saint
Catholicos
Nersès,
et
il
se
hâta
de
retourner
à
Romcla.
Là,
Grégoire
vit
avec
étonnement
qu'on
ne
l'attendait
pas
et
que,
sans
prendre
en
considération
le
testament
de
Chenorhali,
on
lui
avait
donné
pour
successeur,
Grégoire
Abirad,
son
parent.
Grégoire
Degha
retourna
auprès
de
Melèh,
celui-ci
en
référa
à
son
fidèle
protecteur
Noureddin.
Comme
on
les
craignait
tous
deux,
on
exécuta
le
testament
du
Saint
Catholicos
et
on
élut
pour
son
successeur
Grégoire
Degha.
On
promit
à
Abirad
de
le
faire
succéder
à
ce
dernier.
Deux
ans
après,
en
1175,
les
princes
et
la
milice
des
Arméniens,
las
de
la
tyrannie
de
Melèh
et
ne
pouvant
plus
le
supporter,
formèrent
un
complot
et
le
tuèrent
à
Sis.
C'est
à
cette
triste
circonstance
qu'on
cite
la
première
fois
cette
ville
comme
restaurée
par
Melèh
premier
tyran
de
cette
dynastie
arménienne.
Melèh
fut
inhumé
au
couvent
de
Medzakar
(Grande
Roche)
qu'il
avait
fait
bâtir.
Ce
qui
prouverait
que
les
sentiments
religieux
n'étaient
point
tout-à-fait
éteints
dan
son
cœur
sombre.
On
ignore
à
quelle
époque
le
couvent
fut
bâti.
Roupin
II,
qui
succéda
a
Melèh
ne
voulut
pas
laisser
impuni
l'assassinat
de
son
oncle.
Cet
attentat
était,
malgré
tout,
in
crime
de
lèse-majesté.
A
force
de
ruse,
il
finit
par
connaître
et
retrouver
les
auteurs
de
ce
délit,
qui
se
considéraient
comme
des
bienfaiteurs
de
la
nation.
C'était
Tchahane
et
l'eunuque
Aboulgharib.
Il
leur
fit
attacher
une
pierre
au
cou
et
jeter
au
fleuve.
Ce
Roupin
était
le
fils
de
Stéphané,
frère
de
Melèh
et
de
Thoros.
Sa
mère
Rita,
fille
de
Sempad
seigneur
de
Babéron,
l'avait
sauvé
avec
son
petit
frère
Léon
des
mains
de
Melèh
le
tyran,
et
l'avait
conduit
elle-même
auprès
de
son
frère
Pagouran,
à
Babéron.
C'est
là
que
Rita
les
éleva,
dit
l'historien
qui
prodigue
des
éloges
à
la
mère
et
aux
deux
enfants:
«Elle
était
pieuse
et
sage,
cette
femme,
et
craignait
Dieu.
Pour
son
frère,
le
seigneur
de
Babéron,
il
dit:
C'était
un
homme
bon
et
généreux,
affable
pour
tous,
aimé
de
Dieu
et
des
hommes».
Après
la
mort
de
Melèh,
les
princes
du
pays
le
lui
réclamant,
Pagouran
leur
envoya
Roupin,
muni
de
«beaucoup
de
présents
d'or
et
d'argent».
II
ne
voulut
plus
se
souvenir
que
Sempad,
son
père
à
lui
Pagouran,
avait
été
tué
dans
un
combat
contre
Thoros,
l'oncle
des
jeunes
princes
Roupin
et
Léon.
Roupin
fut
reçu
au
milieu
des
acclamations
et
des
démonstrations
de
joie
par
les
princes
arméniens.
«Car,
dit
l'historien,
c'était
un
jeune
homme
affable
et
généreux,
à
l'aspect
noble;
il
avait
trente
ans;
il
était
exercé
dans
le
maniement
des
armes,
habile
à
lancer
des
flèches.
Il
commença
par
distribuer
à
tous
des
présents.
Ayant
réuni
les
trésors
de
Melèh,
il
les
distribua
à
tort
et
à
travers.
Il
s'attira
la
bienveillance
de
tous
en
donnant
des
festins
somptueux.
Partout
où
il
alla
avec
ses
soldats,
il
arrêta
la
résistance
de
ses
ennemis.
C'est
ainsi
qu'il
se
rendit
maître
de
Messis,
d'Adana
et
de
Tarse».
On
voit
clairement
par
ce
passage
que
ces
villes
de
la
Cilicie
étaient
retombées
au
pouvoir
des
Grecs.
Elles
n'étaient
pas
glissées
des
griffes
de
Melèh,
car
il
les
avait
redonnées
de
bonne
volonté
et
par
traités
passés
au
prince
d'Antioche.
On
en
donne
l'assurance
formelle
quant
à
la
ville
de
Tarse.
Bien
plus,
comme
cette
ville
était
trop
éloignée
de
la
capitale
pour
être
facilement
défendue,
les
Antiochiens
la
rendirent
volontiers
à
Roupin
en
1182,
mais
à
un
haut
prix.
Depuis
lors,
elle
resta
toujours
aux
Arméniens;
les
Grecs
n'ayant
plus
l'espoir
de
la
reprendre
jamais,
la
saluèrent
pour
la
dernière
fois.
Kyr-Isaac,
son
gouverneur
dut
l'aban
donner.
Ce
Kyr-Isaac
se
rendit
alors
à
Chypre;
d'autres
affirment
que
ce
fut
autrepart.
D'autres
encore
qu'il
resta
à
Tarse
ou
tout
au
moins
dans
une
des
villes
des
provinces
appartenant
aux
Arméniens.
Les
historiens
contemporains
disent
de
cet
Isaac
qu'en
1183,
il
marcha
contre
le
Sultan
de
Konieh,
mais
que
Roupin
arrivant
avant
son
voisin
et
allié
le
sultan,
repoussa
Kyr-Isaac,
le
défit,
s'en
saisit
et
le
remit
entre
les
mains
du
sultan.
Celui-ci
refusa
de
le
recevoir;
alors
Roupin,
le
livra
au
prince
d'Antioche,
avec
lequel
il
s'était
brouillé
et
cela
amena
leur
réconciliation.
Kyr-Isaac
était
parent
de
Roupin;
il
avait
épousé
la
fille
de
Thoros.
Après
bien
des
années,
le
vieil
ennemi
des
Arméniens,
le
lâche
Andronicus
leur
déclara
une
nouvelle
guerre.
Ce
tyran
occupait
le
trône
impérial;
c'était
en
1185.
Il
manda
une
ambassade
secrète
au
fier
Kurde
Salaheddin
et
l'engagea
à
s'emparer
de
la
principauté
de
Konieh
et
de
celle
de
la
Cilicie.
Avant
d'entamer
cette
entreprise,
Andronicus
fut
tué
par
ses
sujets,
et
la
conquête
de
la
Cilicie
sortit
de
la
pensée
des
Byzantins
pour
toujours.
Une
fois
affranchis
de
la
suzeraineté
des
Grecs,
les
Héthoumiens,
seigneurs
de
Lambroun,
devinrent
princes
indépendants
dans
la
Cilicie.
Roupin
en
voulait
à
ces
derniers.
Il
suivait
les
errements
de
ses
ancêtres.
Dès
le
commencement
de
son
principat,
il
vint
attaquer
leur
château
qu'il
assiégea
pendant
trois
ans
et
qu'il
réduisit
à
la
famine.
Il
ne
put
s'en
rendre
maître,
d'autres
affaires
étant
survenues.
Vers
la
fin
de
1180,
le
puissant
Salaheddin,
après
la
conquête
de
Konieh,
avait
tourné
ses
armes
contre
le
pays
de
Roupin.
C'est
ainsi
qu'on
appelait
alors
la
Cilicie.
Les
historiens
arabes,
prétendent
que
Roupin
avait
permis
à
une
peuplade
turkomane
de
venir
paître
leurs
bestiaux
sur
son
territoire
et
qu'ensuite
il
les
dépouilla.
Salaheddin
entra
donc
dans
le
pays
des
Arméniens,
mais
quand
il
vit
combien
les
montagnes
étaient
fortifiées,
il
s'arrêta
dans
la
plaine.
Il
porta
la
dévastation
de
côté
et
d'autre.
Roupin
supposant
que
le
musulman
avait
envie
de
s'emparer
de
l'un
des
châteaux
où
il
avait
enfermé
ses
richesses,
fit
abattre
ce
château.
Mais
avant
qu'on
eût
eu
le
temps
d'emporter
ce
trésor,
les
Sarrasins
arrivèrent
et
s'en
emparèrent.
Roupin
consentit
à
ce
que
le
butin
qu'il
avait
pris
aux
Turkomans
leur
fut
restitué
avec
les
prisonniers
qu'il
leur
avait
faits
et
éloigna
de
cette
façon
le
grand
Conquérant.
A
cette
époque,
en
1181,
Roupin
contracta
des
liens
de
parenté
avec
les
Latins,
en
épousant
la
fille
de
Humfroi
seigneur
de
Karak
ou
Crak
et
de
Toron.
Il
se
rendit
en
personne
à
Jérusalem
et
y
fit
célébrer
magnifiquement
ses
noces.
Il
revint
avec
sa
femme,
dont
il
eut
deux
filles,
Alice
et
Philippine
qui
devinrent
célèbres
par
la
suite,
surtout
la
première
qui
fut
cause
de
longs
embarras
politiques
sous
le
règne
de
Léon
et
encore
après.
Roupin,
par
son
mariage,
rendit
plus
étroite
l'amitié
des
Latins
et
des
Arméniens.
Plusieurs
des
princes
latins
qui
avaient
été
en
guerre
avec
le
roi
de
Jérusalem
ou
qui
étaient
mal
avec
lui
se
réfugièrent
auprès
de
Roupin.
Celui-ci,
en
paix
maintenant
avec
tous
et
aimé
de
tous,
commença
à
être
pris
de
passions
indignes.
C'est
«pour
cela,
dit-on,
qu'il
se
rendit
à
Antioche
où
le
prince
Bohémond
le
fit
mettre
en
prison
en
1185»
selon
les
coutumes
barbares
du
temps
qui
permettaient
d'attenter
à
la
liberté
et
à
la
vie
des
voisins
et
même
des
amis.
Bohémond
exigea
de
Roupin
qu'il
lui
livrât
la
contrée
qui
confinait
à
sa
principauté,
située
sur
la
rive
gauche
du
fleuve
de
Tchahan.
Roupin
écrivit
alors
à
son
oncle
Pagouran
et
à
son
frère
Léon,
d'envoyer
comme
otages
sa
mère
et
d'autres
grands
personnages
arméniens
et
fut
remis
en
liberté,
après
avoir
encore
livré
au
prince
d'Antioche
quelques
châteaux
que
celui-ci
avait
exigés:
Til,
Sarouantikar
et
Djigher,
et
lui
avoir
donné
en
outre
mille
besans
d'or
comme
rançon.
Les
otages
furent
renvoyés.
Peu
de
temps
après
Roupin
redevint
maître
du
pays
soit
par
lui-même,
soit
par
le
fait
de
Léon.
On
prétend
que
l'acte
du
prince
d'Antioche
avait
été
commis
à
l'instigation
des
Héthoumiens,
seigneurs
de
Lambroun,
car
Roupin
ne
cessait
point
de
harceler
ces
derniers.
Roupin
était
encore
en
captivité
lorsqu'il
fit
passer
secrètement
l'ordre
à
son
frère
Léon
de
ne
point
abandonner
le
siège
de
Lambroun
et
de
cerner
étroitement
le
château
comme
il
fit
lui
même
aussi,
sans
doute
à
son
retour,
pour
se
venger
de
ce
qu'on
lui
avait
fait.
Il
ne
persévera
pas
dans
ces
sentiments
de
haine
terrible,
car,
en
1187,
à
l'approche
de
sa
mort,
il
s'en
repentit
et
se
fit
pardonner
des
Héthoumiens,
les
mauvais
traitements
qu'il
leur
avait
fait
endurer.
Roupin
remit
son
principat
à
son
frère
Léon
qu'il
chargea
aussi
de
l'éducation
de
ses
filles.
Il
lui
conseilla
paternellement
de
bien
gouverner
le
pays
qu'il
avait
agrandi
et
qu'il
espérait
lui
voir
agrandir
encore
et
consolider.
Roupin
avait
reconnu
la
haute
intelligence
et
la
vaillance
de
Léon.
Ensuite,
suivant
l'exemple
de
son
oncle
Thoros,
il
revêtit
l'habit
religieux,
jeta
un
dernier
regard
vers
le
soleil
et
dit
adieu
à
la
vie.
Il
fut
enterré
dans
le
cimetière
de
Trazargue.
La
Cilicie,
surtout
la
plaine
de
cette
province,
après
bien
des
évolutions
et
des
bouleversements,
après
avoir
été
occupée
tantôt
par
les
Grecs,
tantôt
par
les
Arméniens,
les
Francs
et
quelquefois
même
les
Sarrasins,
allait
trouver
une
paix
relative
sous
Léon
et
ses
successeurs,
pendant
près
d'un
siècle
ou
peu
s'en
faut;
quant
aux
montagnes
elles
furent
toujours
leur
possession
assurée.
Léon
recula
les
frontières
de
son
pays
au-delà
de
la
Cilicie
et
de
I'Isaurie.
Alors
les
antiques
divisions
grecques
de
l'Asie
Mineure
durent
se
modifier
au
gré
de
l'autorité
des
Arméniens;
elles
durent
changer
de
noms
malgré
elles,
et
nous
citerons
ceux
qui
nous
paraissent
le
plus
authentiques.
Nous
voudrions
connaître
la
manière
d'administrer
des
premiers
princes
Roupéniens
dont
nous
avons
relaté
les
actes,
soit
civiles,
soit
militaires.
Nous
voudrions
savoir
au
juste
en
quoi
consistait
l'autorité
qu'ils
avaient
sur
les
nobles
et
le
peuple
arménien,
et
quels
hommages
ils
en
recevaient.
Nous
manquons
de
documents
à
ce
sujet
ou
plutôt
nous
n'en
avons
que
très
peu.
Ceux
qui
nous
sont
parvenus,
c'est-à-dire
les
lettres
qui
ont
été
adressées
à
ces
princes,
nous
apprennent
qu'on
leur
donnait
le
nom
de
Prince
auquel
on
ajoutait
les
épithètes
de
Grand
et
Pieux.
Nous
n'avons
pas
trouvé
chez
les
contemporains,
leur
dénomination
de
Baron.
Cependant
nos
derniers
auteurs
contemporains
ont
attribué
à
leurs
ancêtres
ce
titre,
qui
était
donné
également
aux
princes
européens
de
leur
temps.
Il
avait
été
introduit
par
des
Européens.
Les
premiers
occidentaux
qui
connurent
les
Roupéniens
l'ont
appelé
souvent
les
Montagnards,
comme
nous
le
dirons
ci-après.
Quelquefois
aussi,
Princeps,
ainsi
que
le
dit
Guillaume
de
Tyr,
l'historien
des
croisades,
en
ajoutant
presque
toujours:
Potentissimi.
Il
donne
souvent
ce
dernier
titre
à
Thoros
II,
à
Melèh
et
à
Roupin.
Quelquefois
aussi
cet
auteur
les
qualifie
de
Très-grand
et
de
Satrape.
Aussi,
il
dit
pour
Roupin
Rupino
Armeniorum
potentissimo.
Il
emploie
les
mêmes
termes
pour
tous
les
princes
arméniens
et
turcs.
Le
Traducteur
francais
ou
celui
que
l'on
appelle
le
continuateur
d'Eracle,
donne
seulement
le
nom
de
Seigneur
aux
princes
Roupéniens.
Aussi,
il
dit:
«Rupin,
seigneur
d'Erménie»
ou
bien
Sire:
«Thoros,
qui
Sires
estoit
d'Erménie».
Les
plus
fidèles
de
nos
souverains
à
l'empereur,
—
comme
nous
l'avons
déjà
dit,
—
furent
honorés
du
titre
de
Sébaste
et
plus
tard
de
celui
de
Protosébaste.
Les
seigneurs
de
la
Cilicie
furent
réputés
liges
non-seulement
de
l'empereur
mais
aussi
des
princes
d'Antioche
et
leur
devaient
hommage.
La
cause
en
est
que
les
croisés
qui
eurent
d'abord
sous
leur
autorité
les
villes
de
la
Cilicie,
donnèrent
en
suite
ces
villes
aux
princes
d'Antioche.
Les
princes
en
furent
effectivement
les
maîtres,
surtout
de
la
ville
de
Tarse.
Cette
coutume
subsistait
encore
à
la
mort
de
Roupin
II
et
même
au
commencement
du
principat
de
Léon,
qui
s'affranchit
de
ce
joug
importun
et
se
reconnut
seulement
vassal
de
l'empereur
de
l'occident.
On
ne
mettra
pas
en
doute
que
les
Souverains
de
la
Cilicie
se
soient
montrés
véritablement
grands.
Nous
avons
pour
en
témoigner
leurs
liens
de
parenté
avec
les
Rois
d'occident
et
les
grandioses
dots
qu'ils
faisaient
à
leurs
fils
et
à
leur
filles.
On
a
vu
quelles
énormes
rançons
ils
donnaient
pour
recouvrer
leur
liberté.
Les
sources
de
leur
richesse
étaient
d'abord
les
butins
pris
à
l'ennemi
et
les
rançons
des
prisonniers
qu'ils
faisaient;
en
second
lieu
les
impôts
que
devaient
acquitter
leurs
sujets.
On
ignore
quel
était
le
mode
de
perception
de
ces
impôts.
Enfin,
c'était
la
taxe
que
l'on
devait
payer
pour
passer
les
montagnes
ou
les
rivières.
Ces
ressources
s'accrurent
sous
les
rois
leurs
successeurs
et
emplirent
les
coffres
du
trésor
de
l'Etat.
Ces
richesses
furent
employées
au
maintien
du
pays,
dans
ses
fréquents
bouleversements,
et
même
aux
jours
d'envahissement
par
les
ennemis.
Nous
croyons
nous
être
suffisamment
étendu
sur
la
conquête
de
la
Cilicie
par
les
Arméniens,
sur
la
puissance
de
la
famille
des
Roupéniens
jusqu'à
l'avénement
de
Léon-le-Magnifique
qui
donna
tant
d'éclat
à
cette
province
chancelante,
qui
en
fit
un
royaume
sûr
et
lui
appropria
le
nom
d'Arménie.