Léon le Magnifique premier Roi de Sissouan ou de l'Arménocilicie

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  Après qu'on en eût fini avec la succession du Catholicos arménien, qui était en même temps le protecteur de Sissouan, et que le royaume fut tranquille, il était temps d'exécuter le testament de Léon et d'assurer pour toujours le trône à Zabèle qui avait alors sept ans.

La mort de Léon rompit les traités qu'il avait conclus avec le roi de Hongrie, qui ne voulut plus marier son fils avec Zabèle et le faire ainsi roi d'Arménie. Il fallait donc trouver un autre époux à la jeune princesse. On ne pouvait pas attendre qu'elle eût atteint l'âge de marier, de peur que d'ici le trône ne vînt à être usurpé. La question était grave. Elle pouvait donner lieu à bien des contestations. A la fin, soit par crainte de Constantin, soit parce que son avis fut accepté par tous, on choisit comme époux pour Zabèle un prince qui, du vivant de Léon, aurait paru impossible, le fils du Comte de Tripoli, le fils de celui qui s'était emparé induement de la principauté d'Antioche et qui en avait par ce fait privé Roupin, le protégé de Léon. Je m'imagine, cependant, que ce projet de mariage ne s'écartait pas trop des intentions de Léon, qui, pour assurer ses Etats du côté de l'Orient, avait lui-même pris pour femme une princesse d'Antioche. Dans cette occasion, les princes pour enlever tout soupçon de rancune et tout motif d'hostilité à leurs plus proches voisins, résolurent de s'allier avec eux et de remettre le destin de leur pays dans les mains des Antiochiens, de se rendre plus forts par cette union, afin de résister aux Sarrasins à qui l'on faisait une guerre acharnée en Palestine.

On appela donc en Sissouan, Philippe, second fils de Bohémond IV, que celui-ci avait eu de sa première femme, Plaisance, fille de Hugues seigneur de Gibelet. C'était un jeune homme de dix-huit ans 1. On l'unit à la jeune fille sans expérience et on les couronna tous deux en 1221. Mais les Arméniens avaient imposé à Philippe une condition formelle; celle de se conduire selon les habitudes de la cour de Léon et d'accepter la liturgie arménienne, sans chercher à introduire dans le royaume, aucune loi, aucune coutume latines.

Philippe ne resta que deux ans fidèle à sa promesse. Il eut d'abord égard au Bailli, mais lorsqu'il parvint à l'âge de vingt ans, il commença à s'écarter des usages du royaume et à y introduire les us de son pays. Ce ne fut pas tout. Il osa, comme un souverain, changer les ministres et les barons et anoblir selon son caprice les gens du peuple et les étrangers. A plusieurs reprises on lui adressa des avertissements pour l' arrêter, mais il n'écouta personne, car il y avait des Latins établis dans le pays et même parmi le clergé qui le poussaient à agir de la sorte. Lorsqu'après tout cela, il fit porter à Antioche une partie du trésor royal de l'Arménie, non-seulement on le chassa du trône qu'il n'avait point su respecter mais on l'éloigna de Zabèle, des bras de laquelle on l'arracha pendant la nuit et on l'emprisonna dans le fort de Til-Hamdoum jusqu'à ce qu'il eût fait revenir d'Antioche tout ce qu'il y avait fait transporter. Son père refusa indignement de le rendre. Alors ce malheureux prince, ce roi Philippe, ne pouvant plus résister aux chagrins de son cœur plutôt qu'aux tourments de l'emprisonnement, mourut de tristesse tout jeune encore 2. La grande couronne de Léon réclamait un front qui fût digne de la porter.

Constantin fut nommé Bailli pour la seconde fois en 1223, non-seulement de Zabèle, mais de tout le royaume et tint cette charge trois années encore. Il s'occupa d'abord à expulser les partisans de Philippe parmi lesquels des évêques même. Nous savons cela par les lettres du Pape Honoré au Catholicos Constantin, dans lesquelles le Pontife le prie de faire revenir les archevêques de Tarse et de Mamestie qu'on avait renvoyés. Et, lorsqu'on lui eut accordé ce qu'il avait demandé, le Pape écrivit encore au patriarche de Jérusalem, le 17 Décembre 1223, de les remettre sur leurs sièges.

Constantin le Bailli, après avoir fait rentrer sous son autorité un grand nombre de barons, les uns de leur propre volonté et les autres en leur adressant des menaces, (on prétend qu'il y avait soixante-deux barons, selon d'autres soixante-dix qui se trouvaient dans ce cas), leur proposa, d'accord avec le Catholicos d'élire un nouveau roi qui serait donné comme époux à Zabèle, qui ne comptait encore que neuf ans. Dans cette affaire, il parut faire la part du lion en la reclamant pour lui. Les Barons et les évêques consentirent à ce que Héthoum, le jeune fils de Constantin, fut assis sur le trône. Ce jeune homme, qui eut la part de David parmi ses frères, était vif, gracieux, de haute taille et ne comptait que onze ans. On convoqua les grands personnages qui demeuraient au loin et ceux qui étaient voisins à une grande assemblée qui se tint dans la cathédrale de Tarse, le jour de la Pentecôte, le 14 Juin 1226, et le Catholicos Constantin sacra solennellement Héthoum roi d'Arménie et le maria avec Zabèle. On dit de cette reine qu'étant encore en deuil de son premier mari, ou plutôt à l'instigation de sa mère, elle regardait de travers le jeune Héthoum, mais elle finit par s'attacher à lui. Elle eut de Héthoum trois fils et cinq filles.

Dès lors, Constantin qui tenait la charge de Père du roi, l'était cette fois en réalité. Et, sous le titre de Baron des barons, il régenta tout le royaume, soit par ses conseils, soit par les armes, jusqu'à ce que les bras de son fils fussent en état de tenir l'épée. Il avait été général pendant quarante ans. Ensuite, il partagea ses fonctions entre ses fils et nomma son aîné, Sempad, Connétable à sa place. Sempad tint cet emploi avec éclat, il vécut plus longtemps que ses frères et mourut dans une bataille, en 1276, sous le règne de son neveu Léon II. Constantin voua Basile, son second fils, au sacerdoce et l'éleva au plus haut siège épiscopal en le nommant Abbé-prélat du couvent de Trazargue. C'était cette abbaye qu'avait tenue le défunt Catholicos Jean. Constantin avait donné à Basile, sans doute en même temps, le diocèse de Sis. Basile est souvent désigné par le nom d'évêque, sans qu'on dise de quel lieu. De son troisième fils, Léon, Constantin fit le Maréchal du royaume. On lui donna le titre de Prince des princes. A son quatrième fils, Ochine, il conféra la dignité de Bailli et lui donna le château de Coricos qu'il avait enlevé à Vahram. Constantin pourvut d'autres charges ses jeunes enfants à mesure qu'ils grandirent. Les fonctions de Couronneur furent confiées à Constantin, fils de Héthoum-Élie, à qui, il rendit le château de Lambroun, voulant lui faire oublier les hostilités de ses ancêtres et en faire son appui et celui de la cour. Constantin, seigneur de Lambroun était un homme puissant et savant et il avait à ses frontières le voisinage du sultan d'Iconie. C'est avec ce dernier qu'il méditait de s'allier pour nuire à la famille royale et c'est ce qu'il fit en réalité quelque temps après.

Constantin, le Père du roi, ressemblait à un arbre vigoureux qui étend ses branches larges et nombreuses sur les arbrisseaux qui commencent à pousser et les couvre de son ombrage. Personne n'osait le contrarier et on le laissait agir en paix. Il était terrible envers les puissants et les altiers, mais il protégeait les faibles et les gens paisibles 3. Le royaume s'agrandit de plus en plus, tant que vécut Constantin, comme sous le règne de Léon. Sa longue existence lui permit de faire connaître au loin, dans tous les pays, le nom de son fils Héthoum, « loué et honoré parmi tous les peuples et sur les lèvres de toutes les bouches », selon la phrase d'un historien contemporain.

1 Sempad dit qu'il avait vingt ans lorsqu'il fut chassé du trône.

2 On lit dans les annales de la Terre-Sainte: «Philippes, fix de Buemont, prince d'Antioche, espousa la fille dou roy Lyvon d'Ermenie, et ot tout le roiaume d'Ermenie; dont le bail d'Ermenie le prist puis, et le mist en prison, dont il morut».

3 Un prêtre célèbre, surtout à cause du nom qu'il porte, et qu'on devrait citer à cause de l'intérêt que nous portons à sa famille, je le crois petit-fils ou petit-neveu de Melèh a écrit, touchant ce vieux Sire Constantin à l'époque la famille des Roupéniens parait éteinte, dans le mémorandum d'une bible copiée pour l'évêque Jean, fils de Constantin: «O saints frères... souvenez-vous, dans vos prières, de celui qui a acquis ce livre, mon cher et brave baron, le prince des princes, le baron Constantin, le doux et humble, le pieux ami du clergé et de l'église, afin que Dieu nous le conserve pendant de longues années, sain d'esprit et de corps. . . En même temps, souvenez-vous de moi pécheur, prêtre, qui ai copié ces tables... de Thoros des Roupéniens, et de mes parents, en disant pour nous un «Kyrielle», et que Dieu ait pitié de vous qui vous souvenez de nous, et de nous aussi!»