Les
ambassadeurs
arméniens,
mandés
par
le
Baron
et
le
Catholicos
d'Arménie
à
l'empereur,
se
virent
aussi
arrêtés
dans
leur
voyage
par
les
Turcomans.
Léon,
qui
venait
d'apprendre
l'arrivée
des
Croisés,
chargea
aussitôt
le
plus
noble
et
le
plus
important
personnage
de
l'ordre
ecclésiastique,
Nersès
de
Lambroun,
d'aller
à
Romcla,
auprès
du
Catholicos,
pour
lui
demander
ses
conseils
et
ses
instructions
et
l'inviter
à
venir
le
trouver.
Nersès
devait
ensuite
se
rendre
auprès
de
l'empereur.
Il
partit
donc
avec
l'évêque
Jean,
son
ancien
précepteur,
un
autre
célèbre
professeur
de
Skévra,
le
docteur
Georges,
et
une
vingtaine
de
laïques.
Ils
étaient
près
de
Marache,
revenant
sans
doute
de
Romcla,
—
c'était
aux
jours
de
la
Pentecôte,
vers
la
fin
du
mois
de
Mai,
en
1190,
—
lorsqu'ils
furent
assaillis
par
une
bande
de
Kurdes
et
de
Tureomans
qui
massacrèrent
toute
l'ambassade,
n'épargnant
que
les
trois
ecclésiastiques,
après
les
avoir
dépouillés
de
tout
ce
qu'ils
possédaient,
entre
autres
choses,
de
l'original
des
Commentaires
de
la
Messe,
chef-d'œuvre
du
Saint
que
cette
perte
affligea
singulièrement.
Nersès
s'en
revint
alors
auprès
de
Léon
avec
ses
deux
compagnons.
Celui-ci
envoya
une
seconde
fois
Nersès
auprès
de
l'empereur
et
lui
remit
pour
ce
dernier
une
lettre
et
des
présents.
Notre
Lambrounien
se
fit
encore
accompagner
par
le
docteur
Georges.
Il
descendit
à
Tarse
d'où
il
alla
s'embarquer
à
Séleucie
pour
aller
à
la
rencontre
de
Frédéric.
Mais
Léon
avait
envoyé
aussi
par
terre
quelques
jours
avant,
une
autre
ambassade
dont
faisaient
partie
les
deux
frères
Camardias,
Constance
et
Baudouin,
fils
du
Sébaste
Héri
(Henri)
dont
les
châteaux-forts
étaient
situés
dans
la
vallée
de
Calycadnus.
On
dit
qu'il
s'y
trouvait
aussi
d'autres
seigneurs
de
forteresses
sans
indiquer
leurs
noms,
sauf
celui
du
Seigneur
de
Sivila.
Ils
allèrent
au-devant
de
l'empereur,
lui
apportant
des
présents,
des
vivres,
et
quelques
troupes
auxiliaires.
Avant
donc
d'entrer
dans
le
pays
de
Sissouan,
où
du
reste
il
ne
put
jamais
arriver,
Frédéric
comptait
dejà
cinq
mille
Arméniens
enrôlés
dans
son
armée.
Les
historiens
arabes
racontent
les
choses
tout
autrement
mais
faussement.
Ils
prétendent
que
les
Arméniens
auraient
été
mécontents
de
l'arrivée
des
Allemands
et
de
leur
passage
dans
leur
pays
et
qu'ils
auraient
manifesté
leur
mécontentement
soit
par
peur
de
Salaheddin,
soit
par
amitié
pour
lui.
En
outre
ils
ont
donné,
faussement
encore,
la
lettre
d'un
certain
Grégoire,
fils
de
Vassil,
comme
écrite
par
le
Catholicos
Grégoire
Degha
à
Salaheddin,
par
laquelle
on
faisait
savoir
secrètement
à
ce
dernier
la
condition
dans
laquelle
se
trouvait
l'armée
des
Allemands
et
les
traverses
de
l'empereur.
Cette
lettre
parait
avoir
été
faite
par
un
nommé
Grégoire
ou,
comme
le
dit
Boha-éddin,
l'historien
arabe,
par
Kaïkus
(Kakig),
fils
de
Grégoire
fils
de
Vassil,
seigneur
de
Romcla;
mais
elle
est
tout
à
fait
étrangère
à
l'esprit
et
à
la
plume
du
Catholicos,
de
Léon
et
de
tous
les
personnages
sensés
de
leur
entourage.
Et,
comme
cette
lettre,
attribuée
à
tort
au
Catholicos,
pourrait
faire
naître,
parmi
les
nouveaux
historiens
de
l'Occident,
des
soupçons
sur
le
patriotisme
de
notre
patriarche,
eux
qui
ne
possèdent
pas
de
renseignements
sur
ses
talents
et
son
génie,
nous
les
prions
de
remarquer
ce
que
dit
un
de
nos
auteurs,
contemporain
du
Catholicos:
«S.
t
Grégoire,
qui
occupait
la
chaire
patriarcale
de
S.
t
Grégoire
l'Illuminateur…
qui
lui
avait
été
«
confiée
par
la
profonde
sagesse
de
Dieu,
exhortait
et
encourageait
le
Roi
et
l'armée
des
Ciliciens
à
s'opposer
…
à
la
malice
des
ennemis
des
chrétiens
qui
ne
put
trouver
accès
près
d'eux».
Or,
les
deux
grands
chefs
Arméniens,
le
Baron
Léon
et
le
Catholicos
Grégoire,
se
préparaient
à
Sis,
chacun
selon
sa
dignité,
à
suivre
Nersès
de
Lambroun,
pour
se
présenter
avec
lui
et
tout
le
cortège
de
leurs
ministres,
à
l'empereur,
ainsi
qu'ils
l'avaient
fait
annoncer
à
Frédéric,
paraît-il,
par
la
première
ambassade
des
Camardias.
D'après
un
historien
de
l'Occident,
lorsqu'ils
arrivèrent
près
de
Séleucie,
ils
ne
purent
passer
le
pont
ou
plutôt
ils
ne
le
voulurent
pas,
afin
de
ne
pas
entraver
le
passage
des
innombrables
troupes
des
Croisés
qui
passaient
aussi
par
ce
même
pont.
Ils
se
retirèrent
dans
un
endroit
fort
agréable
et
y
attendirent
Frédéric.
L'auteur
de
la
lettre
dont
nous
avons
parlé,
prétend
que
l'envoyé
de
Léon
était
un
certain
Héthoum;
—
qu'il
nomme
Hatem,
—
mais
les
historiens
de
l'Occident
ne
mentionnent
que
les
Camardias
et
disent
que
ces
derniers
se
présentèrent
au
Maréchal
des
Allemands
pour
lui
annoncer
qu'ils
étaient
venus
de
la
part
de
Léon
pour
conduire
l'empereur
et
son
armée
en
Cilicie.
Ils
tinrent
le
même
langage
à
l'empereur
lorsqu'il
furent
introduits
près
de
lui.
Frédéric
fut
rempli
de
joie
par
cette
invitation
et
les
préparatifs
qu'on
faisait
pour
lui;
et
ses
soldats,
rapporte
Vartan,
en
ayant
entendu
parler,
pleurèrent
de
contentement.
C'est
à
cette
occasion,
peut-être,
comme
le
rapporte
encore
Vartan,
que
l'empereur
répondit
à
la
lettre
du
Catholicos
en
promettant
à
celui-ci
de
mettre
Léon
sur
le
trône
royal.
Nersès
de
Lambroun
ajoute
que
Frédéric
apposa
son
sceau
d'or
sur
cette
réponse.
Vartan
dit
encore
qu'il
lui
écrivit
en
ces
termes:
«Pendant
cinq
ans,
je
me
propose
de
faire,
avec
ta
permission,
travailler
la
terre
d'Arménie,
jusqu'à
ce
que
je
retourne
dans
mes
Etats».
Il
entendait
par
là
qu'ayant
l'intention
de
rester
de
ce
côté
pendant
cinq
années,
il
voulait
faire
labourer
le
sol
arménien
par
ses
hommes
jusqu'à
leur
départ.
Vartan
rapporte
enfin
que
Frédéric
avait
un
secret
sur
le
cœur
qu'il
ne
voulait
confier
à
nul
autre
qu'au
Baron
et
au
Catholicos
arméniens,
lorsqu'il
les
verrait
en
personnes.
Il
était
probablement
question
de
leur
conférer
quelque
dignité
supérieure
ou
quelque
pouvoir
plus
étendu,
ou
d'ajouter
quelques
provinces
à
la
Cilicie.
Si,
toutefois,
tout
cela
est
vrai.
Mais,
dans
tous
les
cas,
ce
secret
resta
au
fond
du
cœur
de
l'empereur,
à
qui
il
ne
restait
plus,
non
cinq
ans
à
vivre,
mais
pas
même
cinq
jours.
Les
ambassadeurs
arméniens
lui
avaient
été
présentés
le
8
du
mois
de
Juin
et
deux
jours
après,
le
10
du
même,
il
était
mort.
Comme
le
passage
de
ses
troupes
s'effectuait
trop
lentement
sur
le
pont
de
Séleucie,
où
Frédéric
était
déjà
arrivé,
il
demanda
aux
ambassadeurs
de
Léon
s'ils
ne
connaissaient
pas
un
autre
chemin.
Ceux-ci
lui
répondirent:
Il
y
a
un
gué
dans
ce
fleuve
et,
si
le
Sire
le
permet,
nous
le
passerons
d'abord
et
nous
reviendrons
après.
Ce
qu'ils
firent
aussitôt.
L'empereur,
rassuré,
ordonna
qu'on
fit
d'abord
passer
son
fils,
Frédéric
prince
de
Souabe.
Les
envoyés
de
Léon
s'empressèrent
d'exécuter
sa
volonté
et
revinrent
après
de
lui.
Frédéric
se
trouvait
en
ce
moment
à
table
dans
un
joli
endroit
situé
près
du
rivage.
D'autres
disent
qu'invité
par
les
princes
arméniens
et,
peut-être,
par
le
gouverneur
de
Séleucie,
il
était
allé
à
une
partie
de
chasse.
Il
voulut
ensuite
passer
le
gué
à
cheval.
Les
deux
frères
Camardias
le
précédaient
et
il
était
entouré
à
droite
et
à
gauche
des
hommes
de
son
escorte.
En
effectuant
ce
passage
dangereux,
crut-il
avoir
encore
la
souplesse
et
la
solidité
de
sa
jeunesse
lorsqu'il
passait
le
fleuve
Adige
en
1158,
pour
aller
assiéger
Vérone;
ou
se
ressouvint-il
de
la
façon
dont
il
avait
hardiment
franchi
le
passage
plus
difficile
de
l'Adda?
Quoiqu'il
en
soit,
arrivé
au
milieu
du
fleuve
Calycadnus,
son
cheval
prit
peur,
se
câbra
et
renversa
son
cavalier.
Frédéric
était
en
sueurs,
car
la
chaleur
était
grande,
et
ses
veines
s'ouvrirent
avant
que
l'on
ait
pu
le
retirer
de
l'eau.
D'autres
disent
qu'il
se
noya
parce
que
son
grand
âge
l'empêcha
de
se
relever.
D'autres
encore
racontent
différemment
sa
traversée
du
fleuve
et
l'accident
qui
lui
arriva.
Beaucoup
affirment
qu'il
est
mort
sous
l'eau
et
plusieurs
assurent
que
c'est
sur
le
rivage,
après
qu'on
l'eut
retiré
du
fleuve,
et
qu'il
s'écria:
«Soyez
béni,
Seigneur,
qui
avez
voulu
que
je
meure
par
l'eau,
je
ne
le
regrette
pas,
car
c'est
par
l'eau
que
j'ai
été
régénéré!»
On
affirme
également
que
Marcoalde,
comte
de
Kamback,
ayant
voulu
venir
au
secours
de
l'empereur,
se
noya
avec
lui.
D'autres,
parmi
lesquels
notre
Nersès
de
Lambroun,
disent
que
Frédéric
voulut
prendre
un
bain
dans
le
fleuve,
que
le
courant
l'entraîna
et
qu'il
fut
englouti,
car
il
n'avait
personne
auprès
de
lui.
Après
quoi,
—
ajoute
Nersès:
«Nous
retournâmes,
pleins
de
tristesse,
auprès
des
Evêques
qui
suivaient
l'empereur
et
son
fils
et
l'armée,
et
prîmes
le
chemin
de
Tarse».
C'est
là
qu'ils
portèrent,
au
lieu
du
cœur
vivant,
le
cadavre
de
Frédéric
qu'ils
embaumèrent
en
laissant
les
entrailles
aux
Arméniens.
Puis,
ils
transportèrent
ce
corps
à
travers
l'Arménie
jusqu'à
Antioche
et
de
là
dans
quelque
endroit
qu'on
ignore.
Le
lieu
où
il
repose
n'est
pas
certain.
On
a
révoqué
en
doute
les
assertions
à
ce
sujet.
Quant
à
nous,
nous
ne
voulons
pas
nous
en
occuper.
On
peut
facilement
croire
à
la
grande
tristesse
du
Lambrounien
et
surtout
à
celle
de
Léon
qui
avait
cru
toucher
le
but
auquel
il
aspirait
depuis
si
longtemps,
à
la
couronne
royale,
et
qui
voyait,
en
un
instant,
tout
s'écrouler.
Cependant
Léon
ne
perdit
pas
son
espérance,
non
plus
que
Nersès
qui
retournait
à
son
palais
diocésain
avec
un
noble
hôte,
l'un
des
illustres
ecclésiastiques
de
l'empereur,
avec
l'évêque
de
Münster,
Hermann,
«qui
avait
pour
escorte
mille
chevaliers»,
dit
le
Lambrounien
qui
reçut
de
Hermann
le
Canon
du
sacre
du
roi,
et
le
traduisit
en
arménien,
avec
l'autorisation
du
Catholicos.
Frédéric,
le
fils
de
Barberousse,
passa
quelque
temps
à
Tarse
avec
tous
les
princes
croisés.
C'est
alors
qu'on
lui
proposa
d'accomplir
la
promesse
solennelle
de
son
père
et
de
mettre
la
couronne
royale
au
front
du
baron
Léon.
«Ils
se
consultèrent,
—
dit
S.
t
Nersès,
—
et
ne
voulurent
point
y
acquiescer
à
cause
que
l'empereur
était
mort.
Ils
descendirent
ensuite
à
Antioche
et
de
là
en
Palestine».
Car
ce
Frédéric
n'était
pas
l'aîné
et
par
conséquence,
non
plus
le
successeur
de
l'empereur.
L'héritier
du
trône
de
Barberousse
était
Henri,
resté
comme
régent
en
Allemagne.