Nous
devons
approfondir
ici
cette
grande
idée,
cette
grande
entreprise
de
Léon
d'unir
l'Église
arménienne
à
l'Église
latine:
car
la
question
de
l'union
de
ces
deux
Églises
et
la
question
de
la
royauté
de
Léon
sont
inséparables
l'une
de
l'autre.
Ce
n'était
pas
la
première
fois
qu'un
rapprochement
dans
ce
sens
avait
été
tenté
de
la
part
des
Arméniens,
et
des
pourparlers
avaient
déjà
été
engagés
à
ce
sujet.
Il
y
avait
un
siècle
déjà,
avant
même
l'époque
des
Croisades,
que
des
négociations
avaient
été
entamées
à
propos
de
cela
sous
Grégoire
II,
le
Martyrophile,
le
premier
des
Bahlavides
qui
furent
Catholicos.
Ce
Grégoire,
pendant
son
voyage
à
Jérusalem
et
ses
visites
aux
monastères
d'Égypte,
avait
rencontré
des
pèlerins
occidentaux
et
ceux-ci
avaient
admiré
la
sagesse
et
la
probité
du
Catholicos.
Ils
désiraient
participer
à
l'Église
Arménienne
qu'ils
savaient
compter
près
de
centaine
d'évêques
sous
le
suffrage
et
l'autorité
d'un
seul
chef
considéré
par
la
nation
comme
un
Souverain
pontife
et
qui
avait
le
titre
de
Catholicos.
On
ne
sait
pas
au
juste
ce
qui
fut
fait
ensuite.
Mais
nous
pouvons
citer,
en
témoignage,
des
lettres
du
grand
pape
Grégoire
VII
dont
une
adressé
à
Henri
IV,
empereur,
en
1074,
dans
laquelle
il
fait
mention
de
l'alliance
avec
les
Arméniens;
une
autre
envoyée
à
notre
Catholicos
même,
en
1080,
qui
nous
apprend
qu'un
prêtre
du
nom
de
Jean
fut
mandé
comme
légat
auprès
du
Catholicos
par
le
Pape
et
que
le
Catholicos
se
rendit
à
Rome.
En
outre,
vers
la
moitié
du
XII
siècle,
pendant
le
patriarcat
du
Jeune
Martyrophile,
Grégoire
III
et
le
pontificat
d'Eugène
III,
partirent
des
ambassadeurs
de
Rome
et
du
siège
patriarcal
chargés
d'interroger
et
de
répondre
sur
les
questions
de
l'un
et
l'autre
chef
d'église,
comme
le
rapportent
des
chroniqueurs
contemporains
de
1'Occident,
mais
les
copies
de
ces
lettres
ne
nous
sont
pas
parvenues.
Nous
en
possédons
seulement
une,
datée
de
1184,
peu
d'années
donc
avant
la
principauté
de
Léon,
et
une
autre
du
pape
Lucius
III
au
Catholicos
Grégoire
IV
Degha.
Cette
lettre
fut
écrite
de
Vérone
et
envoyée
avec
des
présents.
S.
t
Nersès
de
Lambroun
la
traduisit
et
elle
nous
a
été
conservée
jusqu'à
notre
temps.
«L'an
de
l'Ère
arménienne
634
(1185),
dit-il,
arriva
Grégoire,
évêque
de
Philippopolis,
envoyé
par
le
Pape
romain
Lucius
à
notre
Catholicos
Grégoire.
Il
lui
apporta
la
réponse
de
la
lettre
de
Notre
Seigneur
et
le
livre
qui
contenait
les
Coutumes
ou
rites
de
l'église
en
lettres
latines.
Il
trouva
notre
Seigneur
(le
Catholicos)
à
Tarse.
C'était
pendant
le
mois
d'Octobre.
Le
Catholicos,
ayant
reçu
le
Pallium
et
la
Mitre
comme
insignes
complémentaires
de
sa
dignité,
rendit
grâces
à
Dieu.
Il
remit
la
lettre
du
Pape
et
le
livre
des
Rites
de
l'Église
á
moi,
son
serviteur,
pour
que
je
les
traduise.
Je
les
lui
ai
rendus
en
arménien.
J'ai
fait
la
traduction
correctement
et
selon
les
règles
de
notre
langue,
sans
ajouter
ni
retrancher
rien».
Quatre
années
plus
tard,
c'est-à-dire,
la
troisième
année
de
la
principauté
de
Léon,
en
1189
donc,
le
pape
Clément
III
écrivit
une
lettre
à
celui-ci,
le
28
Mai,
et
une
autre
au
Catholicos
Grégoire,
qu'il
lui
envoya
«avec
les
rois
et
l'armée
qui
passèrent
la
mer,
pour
la
délivrance
de
Jérusalem,
après
trois
ans
de
captivité».
Nous
savons
cela
par
l'en-tête
de
la
lettre
que
Nersès
a
traduite.
Quant
à
la
lettre
adressée
à
Léon,
qui,
du
reste,
est
à
peu
de
chose
près
la
même
que
celle
écrite
au
Catholicos,
en
voici
l'en-tête:
«Clément,
évêque,
serviteur
des
serviteurs
de
Dieu,
à
notre
fils
bien-aimé,
l'illustre
prince
Montagnard,
salut
et
bénédiction
apostolique».
Le
Pontife
annonce,
dans
cette
lettre,
ce
que
Lucius,
son
prédécesseur,
avait
déjà
écrit.
Il
déplore
la
désastreuse
captivité
de
Jérusalem
et
l'exhorte
à
venir
en
aide
aux
Croisés
qui
étaient
partis
pour
la
délivrance
de
cette
Ville-Sainte.
Il
écrivit
encore
une
autre
lettre
plus
courte
au
Catholicos
qui
lui
avait
demandé
de
l'Huile
Sainte.
Il
lui
disait
qu'il
ne
lui
envoyait
pas
cette
huile,
parce
que
lui-même,
le
Catholicos,
pouvait
la
consacrer.
Ainsi
ces
deux
chefs
d'église
s'étaient
humiliés
l'un
devant
l'autre;
l'un,
en
demandant,
l'autre
en
refusant.
Un
passage
de
la
lettre
d'Innocent
à
Léon,
écrite
en
1207,
nous
donne
à
entendre
que
les
prédécesseurs
de
notre
baron
d'Arménie
étaient
déjà
en
correspondance
avec
la
cour
pontificale
de
Rome
où,
—
dit
la
lettre,
—
se
trouvent
leurs
mémoires:
«Tu
enim
per
cœteris
predecessoribus
tuis,
quorum
exstat
memoria,
specialibus
in
nostra
ed
ecclesia
Romanæ
devotionis
persistis».
On
ignore
ce
que
Léon
et
le
Catholicos
répondirent
aux
lettres
de
Clément
III,
et
si
même
ils
continuèrent
leurs
correspondances.
On
sait
seulement
que
Léon
écrivit
au
Pape
en
1196
pour
lui
demander
la
couronne
royale
et
son
affiliation
à
l'Église
Romaine.
On
prétend
qu'il
en
reçut,
comme
témoignage
de
grande
satisfaction,
une
couronne
d'or
que
le
pontife
romain
lui
fit
remettre
par
les
envoyés
mêmes
de
Léon
à
l'empereur
Henri
près
de
qui
ils
se
rendaient
et
par
qui
ils
furent
reçus
comme
nous
l'avons
dit
précédemment.
Il
est
a
désirer
que
nous
retrouvions
cette
lettre
de
Léon
et
la
réponse
en
latin
qu'y
fit
le
pape
Célestin
III.
Nous
connaîtrions
mieux
les
conditions
posées
et
les
traités
conclus
entre
eux,
les
exigences
du
pontife
romain
et
les
promesses
du
Catholicos,
qui
était
alors
le
prudent
vieillard
Grégoire
Abirad.
A
l'instar
de
nos
chroniqueurs,
les
historiens
étrangers
disent
que
des
traités
furent
passés
vers
la
fin
du
XII
siècle
et
que,
comme
les
Arméniens
les
acceptèrent,
le
Pape,
dans
sa
satisfaction,
consentit
à
ce
que
Léon
fut
élevé
à
la
royauté
et
qu'à
cette
occasion,
il
lui
fit
don
d'une
riche
bannière.
Léon,
cette
fois-ci,
eut
plus
de
peine
à
faire
consentir
les
Arméniens
à
accepter
les
conditions
du
Pape
qu'il
n'en
eut
à
leur
faire
suivre
toutes
ses
autres
entreprises.
Il
fut
appuyé
cependant
par
le
bon
vouloir
du
Catholicos
et
de
S.
Nersès
de
Lambroun
et
encouragé
par
les
lettres
et
les
présents
envoyés
de
Rome.
Notre
historien
Guiragos
qui
écrivit
près
de
soixante-dix
ans
après
et
dans
un
endroit
très
éloigué,
entendit
raconter
tout
cela,
mais
il
entremêle,
dans
son
récit,
le
vrai
avec
le
faux,
le
vraisemblable
avec
l'invraisemblable.
Nersès
Balientz
presqu'un
siècle
plus
tard,
et
d'autres
chroniqueurs
aussi
disent
d'une
manière
vague
et
en
quelques
mots
que
le
S.
Siège
avait
exigé
des
Arméniens;
1.
De
fêter
les
plus
grandes
solennités
de
l'église
à
des
dates
fixes
dans
le
mois,
selon
la
coutume
de
l'église
latine;
ces
grands
jours
étaient
le
jour
de
Noël
et
tous
ceux
qui
s'y
rapportent.
2.
De
ne
pas
rompre
le
jeûne
de
la
vigile
de
Noël
et
de
la
vigile
de
Pâques,
par
du
laitage,
mais
de
se
servir
uniquement
d'huile
et
de
poissons.
3.
De
dire
les
offices,
selon
les
heures,
dans
l'intérieur
des
églises
et
non
au
dehors,
—
«ce
que
les
Arméniens
ne
faisaient
plus
depuis
longtemps,
dit
Guiragos,
depuis
l'invasion
des
Ismaélites,
mais
qu'ils
les
disaient
seulement
pendant
la
célébration
de
la
messe».
4.
(Selon
quelques
historiens)
d'enseigner
la
langue
latine
en
Arménie
et
d'y
instruire
les
enfants
dès
leur
douzième
année
et
même
plus
tôt.
5.
Que
le
Catholicos
mandât
à
une
époque
déterminée
régulièrement
un
légat
qui
viendrait
à
Rome
rendre
hommage
au
Pape.
Je
crois
qu'on
exigea
encore
des
Arméniens
différentes
autres
choses
de
ce
genre,
car
celles
que
nous
avons
indiquées,
à
part
la
première
et
la
dernière
que
Guiragos
ne
mentionne
pas,
n'étaient
pas
trop
dures
pour
les
Arméniens,
autant
que
nous
en
pouvons
juger
par
ces
paroles
quoique
invraisemblables,
que
je
cite
ici
pour
que
l'on
puisse
se
faire
une
idée
de
l'opinion
personnelle
de
Léon
et
de
l'opinion
des
siens,
et
aussi
comme
mémoire
historique
de
quelques
évêques:
Léon
ayant
appelé
le
Catholicos
et
les
évêques
«leur
demanda
quelle
réponse
il
devait
donner
à
l'envoyé
(du
Pape).
Ceux-ci
ne
voulurent
pas
même
prendre
sa
demande
en
considération.
Léon
leur
dit
alors:
N'y
songez
plus,
je
vais
encore
une
fois
les
tromper
hypocritement!
Et
il
donna
cette
réponse
à
l'évêque
romain:
Tout
ce
que
l'empereur
et
le
Pape
ordonnent,
je
l'exécuterai
aussitôt.
L'évêque
exigea
le
serment
de
sa
part
et
de
douze
évêques.
Léon
fit
consentir
les
évêques
à
le
faire;
ils
prononcèrent
les
paroles
du
serment.
Parmi
ces
évêques,
il
y
avait
Nersès
de
Lambroun,
évêque
de
Tarse,
comme
nous
avons
dit
déjà,
et
Joseph,
abbé
d'un
couvent
situé
sur
les
côtes
d'Antioche
et
appelé
couvent
des
Josué;
il
y
avait
aussi
Jean
qui
fut
plus
tard
Catholicos
et
Ananie
qui
forma
un
antisiège
à
Sébaste
et
d'autres
évêques».
Il
est
bien
évident
que
par
contre
les
Arméniens
firent
voir
aussi
des
prétentions
et
adressèrent
également
des
conditions
aux
Latins,
comme
ils
l'avaient
fait
auparavant
aux
Grecs.
Nous
en
connaissons
deux
qui
ne
sont
pas
sans
importance,
que
nous
tirons
de
leurs
lettres;
les
voici:
1.
Qu'on
ne
puisse
pas
tenir
de
conseil
sur
les
affaires
ecclésiastiques,
en
Orient,
sans
la
présence
du
Catholicos
arménien.
2.
Que
personne
n'ait
le
pouvoir
d'excommunier
les
Arméniens,
hormis
le
Pontife
romain.
Ces
deux
demandes
ont
été
confirmées
par
le
légat
du
Pape,
quelques
années
après
le
règne
de
Léon.
Nous
espérons
qu'un
jour
on
découvrira
quelques
documents
relatifs
à
cette
question
capitale.