Sisouan ou lArméno-Cilicie

Հեղինակ

Բաժին

Թեմա

  Le territoire montagneux de la Cilicie était appelé par nos ancêtres: «Les Trônes de la Cilicie pierreuse». Il commençait au nord-ouest de la province de Tarsus, et comprenait une partie de cette même province qui s'étendait à l'est vers la plaine. La frontière exacte des anciennes provinces de Tarsus et de Lambroun n'est pas bien indiquée. Il est probable qu'elle était formée par la vallée du fleuve qui est appelée actuellement Déghirmén-déréssi, (Vallée du moulin). Je laisse cela à un examen ultérieur et je passe immédiatement à la description d'une curiosité naturelle qui se trouve dans cette partie du pays. C'est une grotte souterraine, carrée, avec un plafond en voûte. Elle se trouve sur les flancs d'un rocher marmoréen, à la droite du fleuve et à une distance de trois heures de chemin en montant, ou à peu près de dix kilomètres de distance de la ville de Tarsus.

On descend dans la grotte par un escalier. C'est un lieu de pèlerinage pour les mahométans: d'après une tradition analogue à celles des chrétiens sur les sept Dormeurs d'Ephèse, ils prétendent que cette grotte renferme les corps de sept saints personnages, et ils la regardent comme l'un des plus augustes parmi leurs lieux sacrés. Chaque année, ils y égorgent un grand nombre de brebis, les mangent en cet endroit même et en distribuent une partie aux pauvres.

Ce lieu est mentionné dans le Coran, il est dit qu'à l'entrée de la grotte obscure reposaient ces personnages, il y avait un chien qui veillait jour et nuit et chassait ceux qui voulaient y pénétrer. Les interprètes de ce passages du Coran ne sont pas d'accord sur le nombre des dormeurs; les uns opinent pour trois, d'autres pour cinq, d'autres enfin pour sept, toujours sans compter le chien. La vérité, selon eux, ne serait connue que d'un très petit nombre de personnes, et surtout, il faut se garder de demander des renseignements aux chrétiens. Actuellement les mahométans donnent à ce rocher le nom de Djébel-el-Kéhfe ou Ashab-el-Kéhfe (Montagne ou Habitants de la Caverne); ils y ont construit une petite mosquée grâce a la générosité d'Abd-ul-Médjid et d'Abd-ul-Aziz qui en ont payé les frais. De grands arbres servent d'abri aux pélerins et aux voyageurs. Quelques musulmans racontent une autre légende sur cette grotte: Quatre ou sept géants, disent-ils, descendus de Lambroun pour venir réclamer les impôts des habitants de Tarsus, entrèrent dans cette caverne. Après avoir mangé et bu, ils s'y endormirent et restèrent plongés dans leur sommeil pendant 150 ou 200 ans. A leur réveil ils furent surpris de voir les grands changements qui avaient eu lieu. Par ordre du roi régnant, celui-ci avait exterminé la tribu de géants, ils furent obligés de rester dans cette caverne jusqu'à leur mort; un troupeau de brebis fut alloué à leur entretien. Les infortunés dormeurs passèrent leurs dernières années à creuser de leurs mains leurs propres tombeaux. Non loin de cette grotte des Dormeurs, près du village que M r. Langlois nomme Garboulji, on trouve beaucoup de tombeaux taillés dans le rocher; mais plusieurs sont déjà à moitié ruinés.

Entre Tarsus et la grotte El-Kéhfe, vers l'est, se trouve le village Kezelbache [1] , et, un peu plus haut, celui d'Oulache. On remarque à côté de ce village les ruines d'un vaste bâtiment en briques et un lac creusé dans le rocher. Les historiens turcs mentionnent ce lieu sous le nom de Oulache-yourde. Selon eux un régiment de l'armée de Bayezid II aurait passé par en 1487, pendant que les autres descendaient des montagnes et des environs de Tarsus. Ils marchaient contre le prince Karaman. D'après ces mêmes historiens, la région montueuse située entre Tarsus et les monts Bulgars, se nommait Arsal. A une distance de quatre heures d'Oulache, après avoir passé entre les montagnes par les défilés, les rochers et les buissons, on décourve de grandes ruines désolées, les restes silencieux et délaissés des couvents et des églises. On trouve dans ce pays beaucoup de ces ruines et partout on remarque qu'à côté d'elles s'élevaient, comme des alliés, des forteresses et des temples, asiles de la prière. Dans les parties moins accidentées et plus plates, au pied des parois de rochers ou à la lizière des forêts, on trouve encore des maisons habitées.

De ce nombre sont les deux villages de Tchander, l'inférieur et le supérieur, ou le petit et le grand Tchander. Ils se trouvent à une distance de six heures de Tarsus, au nord-est, et de deux heures de la grotte El-Kéhfe. On y trouve encore des habitations d'Arméniens. Le petit Tchander est bâti dans une échancrure de la vallée large et profonde. Le grand est situé à une heure de distance, sur le plateau de la montagne. Il sert de séjour estival aux habitants du village inférieur. Un peu plus loin, au bord du vallon creusé par la rivière du Moulin, s'élève une colline pierreuse, au milieu d'autres monticules moins élevés et unis ensemble. Cette place est très escarpée et presque inaccessible; elle domine tous les environs, et comme il n'y a pas de hauteur qui la surpasse du côté méridional, on peut la voir, avec la forteresse qui couronne son sommet, des bords mêmes de la mer, du côté de Tarsus et de Pompéopolis. Le château-fort qui la domine, porte le nom de Tchander-kalé. On y trouve une inscription relative à Sempad le Connétable, frère du roi Héthoum I er, il est déclaré «Maître du château paternel». Il n'est pas impossible que ce château soit le fameux Babaron ou Babéron, dont on parle si souvent dans les chroniques. De même il est vrai que ce brave et modeste généralissime possédait un grand nombre de forteresses; mais sa principale résidence était celle de Babéron, et tous les mémoires disent qu'elle était très forte et presqu'inaccessible; ce qui concorde avec la position de Tchander-kalé. Dans l'histoire des Byzantins, la résidence du Connétable est appelée Παπομςιον; sous le règne de l'empereur Zénon, on y conservait un trésor et la place était estimée dans l'Isaurie. Tchander-kalé est inaccessible de trois côtés; c'est seulement du côté nord-est que l'on peut y monter et y pénétrer. On y arrive par une citerne; car l'ancien chemin, le seul qui y conduisait, est devenu impraticable et la porte principale qui regardait l'ouest, est ruinée. Cette citerne se trouve dans une grotte, sur la gauche en montant, en bas de la forteresse. Elle est très grande, on y descend par un escalier de vingt-cinq gradins; à la droite s'en trouve un escalier, taillé dans la pierre noire, d'une hauteur droite de 142 gradins. Après un petit détour, par une quinzaine d'autres gradins [2] , on arrive dans une tourelle qui était probablement un corps-de-garde. C'est du moins l'opinion de l'unique archéologue qui nous en ait laissé des informations, le Père Clément Sibilian. Il a visité ces lieux l'année 1875, (28 et 29 Octobre] en compagnie de l'anglais Sir Ancketill. Le P. Sibilian s'est basé, pour porter ce jugement, sur la position et la forme des fenêtres. Un peu plus haut se trouve le sommet de la colline formant une plate-forme ovale de 500 mètres de long sur trois cents de large. Elle est aride, couverte de décombres et de buissons. Les ruines principales du château et de l'église sont à l'ouest, l'entrée se trouve au nord. On y remarque deux chambres surplombant un rocher en précipice. Dans l'une d'elles on trouve encore un siége taillé dans la pierre, et selon le témoignage d'Ancketill, on voit sur une cheminée de jolies sculptures. «A beautifully-carved stone, chimney-piece in fine preservation. Traces of fresco painting are visible on the walls of the interior, and the masonry is of admirable workmanship, especially the stonework of the door». Sur le plateau on trouve encore une autre citerne, creusée dans le roc, avec un peu plus de 10 mètres de profondeur, sur 15 de longueur; elle n'est murée que d'un côté seulement. Maintenant, à part ces quelques restes, on ne trouve plus rien debout, sauf une partie de la voûte de l'église. La hauteur et la hardiesse des constructions, la beauté des sculptures que l'on distingue encore sur la porte, les restes de peintures sur les murs et leur position effroyable, nous indiquent non seulement la solidité du bâtiment, mais encore l'art et l'adresse des constructeurs et la richesse des princes du lieu. La première fondation de cette place est assurément antérieure à l'établissement des Arméniens dans le pays; elle doit remonter aux Grecs de Byzance, ou à d'autres peuples plus anciens. Mais dans l'histoire des premiers on n'en trouve aucune mention avant le XI e siècle, quand elle était déjà au pouvoir d'une famille arménienne. Ce fut l'une des rares et principales possessions des Arméniens avant la fondation du royaume des Roupiniens, du vivant de Kakig, dernier roi des Pacratides, vassal des empereurs de Constantinople. Nous trouvons la mention de Babéron dans l'excellent mémoire du D r. Samuel, sur l'Interprétation des Psaumes, œuvre de Saint Nersès de Lambroun: «L'un des princes arméniens, Abelgharib (fils de Hassan, fils du général Khoul-Khatchig), de la famille de Vasbouragan, fut envoyé en Cilicie par l'empereur Alexis, comme son intime et comme une personne prudente et capable dans les affaires de la guerre. Il avait pour mission de gouverner Tarsus et Maméstie. Celui-ci trouva, au pied des monts Taurus, deux places fortes, dominant la ville de Tarsus, dont l'une s'appelait Lambroun, et l'autre, Babéron; elles étaient entourées par des villages et des hameaux. Abelgharib choisit Babéron pour y déposer ses trésors. Il y bâtit une vaste église et y fit creuser un caveau funéraire pour lui et pour sa famille... Abelgharib y fut enterré».

Abelgharib doit avoir été nommé prince de Tarsus déjà par les prédécesseurs d'Alexis, car le règne de ce dernier n'a commencé qu'en 1081. Or, avant cette date, Kakig avait déjà rendu visite à Abelgharib, à Tarsus, dans le but d'obtenir pour son fils cadet la main de la fille de ce prince. Ou bien cette proposition ne réussit pas, ou, selon d'autres, Abelgharib se brouilla avec son futur gendre et le fit jeter en prison. Kakig s'en retourna tout courroucé dans ses terres, il mourut tragiquement l'an 1079. Abelgharib n'avait pas d'enfants mâles; il désigna, comme son successeur Isaac, l'un de ses nobles vassaux. Ce jeune seigneur était le gendre d'Ochin, fondateur de la maison des Héthoumiens ou Seigneurs de Lambroun. Abelgharib avait déjà donné à Ochin, qu'il regardait comme son ami intime, cette forteresse, avec le droit de la transmettre à ses descendants, quand celui-ci vint d'Artzakh. Cependant rien de certain nous indique quand et lequel des Héthoumiens a gouverné cette place pour la première fois. La seule chose que l'on connaisse sûrement c'est qu'ils y étaient déjà dans la première moitié du XII e siècle. A cette époque, Babéron était gouverné par Sempad frère d'Ochin II, père de Saint Nersès et petit-fils d'Ochin I er. Ce même Sempad fut tué l'an 1151 dans une rencontre près de l'entrée de Mopsuéste alors que, allié aux Grecs, il combattait contre Thoros II, le Roupinien. Son fils Pagouran lui succéda. Nous avons déjà parlé de ce prince et de sa sœur, la princesse Ritha, qui avait été mariée à Stéphané, frère de Thoros. Nous avons aussi vu comment, lorsque le tyran Meléh arriva au pouvoir, celle-là se réfugia avec ses fils, Roupin (II) et Léon (I er. roi), chez son frère Pagouran, à Babéron. Après avoir enduré sept années de tyrannie, les princes arméniens se défirent de Meléh et demandèrent le jeune Roupin à Pagouran. Celui-ci le leur envoya «avec d'immenses trésors d'or et d'argent». Il ne se montra pas moins généreux lorsque le second de ses neveux monta à son tour sur le trône. Même, selon certains mémoires, il était présent à la cérémonie du sacre de ce dernier (1199). A la mort de Pagouran, le château de Babéron passa à son frère Vassag, qui le laissa à son fils le célèbre Constantin, père du roi Héthoum qui remit ce château, comme patrimoine, avec la dignité de général, à son aîné, le célèbre Connétable Sempad (1208-1276). Le nom de cette forteresse reste plus strictement lié avec le nom de ce Connétable, qu'avec celui d'aucune autre personne. Sempad fut le personnage le plus illustre de tout le royaume des Arméniens, après Léon-le-Grand et Constantin, son père. Aussi glorieux que son frère, le roi Héthoum I er, il le surpassa en valeur et en science littéraire, témoin l'Histoire du royaume de ses concitoyens, l'Accommodement des Codes de lois de Mékhitar Koche, la traduction des Assises d'Antioche, sa lettre écrite à son beau-frère, le roi de Chypre, les livres qui ont été copiés sur son ordre, parmi lesquels nous trouvons ses propres mémoires en prose et en vers. L'an 1241, il écrivait, dans un recueil des Prédicaments d'Aristote et de Grégoire de Nysse:

.... En les rassemblant Je les ai disposés convenablement, Moi, pécheur et malheureux, Pauvre soldat et misérable.

Mon nom est Sempad l'Arménien,

Maître et Baron de Babéron,

Frère du roi Héthoum,

Généralissime de l'armée arménienne.

Il eut aussi entre ses mains le manuscrit de S. Nersès de Lambroun, le livre des Scholies de Cyrille et de S. Denis, et il écrivit au bas de l'une des pages: «Mon Seigneur Dieu J. C. ayez pitié du Connétable Sempad». De même dans la préface de la traduction des Assises: «Moi Sempad, serviteur de Dieu et Connétable des Arméniens, fils de Constantin et frère du pieux roi Héthoum, maître de Babéron, etc... » Nous retrouvons également les mêmes énumérations de titres dans la préface des Codes, qu'il mit en ordre l'an 1265. Quelques années après (1269) il écrivit en vers, dans un livre du Missel, la longue et importante déclaration suivante, à laquelle ses héritiers ont ajouté quelques phrases:

Gloire à Dieu,

Créateur de tout être.

Il est seul, et il ne peut y en avoir un autre,

Seigneur et maître immuable.

J'écris à la date arménienne

Sept cent dix-huit (1269),

Moi, Sempad l'Arménien,

Serviteur et poussière du Christ,

Moi, généralissime de l'armée arménienne,

L'aîné de mon père Constantin,

Frère du roi Héthoum.

J'ai respecté et aimé

Ma mère la sainte Eglise;

Tout ce qu'on y lit

Dans une année entière,

Je l'ai recueilli ici.

Celui qui possède ce livre

N'a plus besoin d'en avoir d'autres.

Mais il faut encore écrire

Quand j'ai entrepris et achevé,

Avec ordre, ce recueil divin.

Il fut commencé dans ces temps mauvais,

l'Egyptien vint à Mari

Et tua Thoros, le fils du roi,

Et plusieurs autres avec lui.

Il mit le feu à Sis et à Messis,

Et à tout ce qu'il y avait de maisons.

Il fit conduire en esclavage Léon, fils aîné

De Héthoum, le grand roi des Arméniens,

Et le fit emprisonner

Dans la ville d'Egypte.

Mais comment pourrai-je décrire

Les ravages et les ruines,  (l'esclavage!

Et dire le nombre de ceux qui furent réduits à

Tout cela survint sur le pays à cause des péchés.

Si je voulais écrire tout,

Combien de papier et de place ne faudrait-il pas!

Mais par la merci du Christ,

A la date mentionnée plus haut,

Pendant que je terminais les Epîtres

A l'aide de l'écrivain Cyriaque,

Léon, le fils du roi, fut délivré;

Il rentra dans sa famille et dans sa résidence.

J'ai écrit ce livre de mes propres mains,

Afin que l'on se souvienne

Du misérable pécheur impénitent,

Le Connétable Sempad;

De mon père Constantin

Et de ma mère Dame Alize;

De mes frères et sœurs, de leurs familles:

De même de mes fils Héthoum,

Ochin et Constantin

Et de leur mère Théphano.

S'il s'en trouve de ceux qui aient pitié de nous,

Et qui disent avec bonté un Miserere,

Qu'à ceux-là le Seigneur, pour tous généreux,

Donne toute espèce de biens

Dans la vie présente et future.

 

Ce mémoire nous fait donc connaître le nom de sa mère, de sa femme et de ses fils. L'un des deux derniers, Ochin ou Constantin, dut hériter du château de Babéron, Héthoum étant mort, son père vivant encore, l'an 1270. Sempad avait eu encore un fils du nom de Vassil et connu aussi sous la dénomination de Tatar, à cause de sa mère dont la main avait été accordée à Sempad, par le Khan Mankou, alors que notre Connétable avait été chargé d'une ambassade auprès de ce dernier par son frère Héthoum I er. Vassil fut aussi conduit en esclavage en Egypte, avec Léon, fils du roi (1266), et il s'en revint en même temps que ce dernier; mais il mourut peu de temps après son frère Héthoum, avec lequel, selon une chronique, il se promenait encore en grande pompe, le jour de Pâques 1264. Les corps des deux jeunes princes furent inhumés tous deux dans le même caveau de leur famille au couvent de Melidje. Leur père, le vaillant Sempad, homme plein de mérites, eut une fin digne de sa vie. Après avoir, pendant cinquante ans, exercé glorieusement les fonctions de généralissime, il mourut dans une guerre contre les Sarrasins. Il les repoussa près de Sarvantave, les força de reculer jusque vers Marache; mais , «à la fin de la bataille son cheval le heurta contre un arbre; le général, déjà vieux, ne put supporter ce choc. Il se fit conduire à Sis et quelques jours plus tard, après une bonne confession, il rendit son âme à Dieu et s'endormit avec ses pères, en J. C. ». C'était [3] au mois de mars, l'an 1276; il avait soixante-neuf ans.

Les Arméniens regardèrent sa mort, non seulement comme celle d'un héros, mais encore comme celle d'un confesseur de la foi et d'un saint. Les chroniques ne mentionnent pas le lieu de sa sépulture. Probablement il fut inhumé dans le couvent de Melidje, reposaient déjà deux de ses fils. Un mémoire de 1198, appelle ce monastère: «La sépulture des gouverneurs du château-fort de Babéron».

Nous avons supposé que l'un de ses deux fils Ochin ou Constantin, hérita dudit château de Babéron; mais nous n'en avons aucune preuve certaine. Il est probable que Léon, un autre de ses fils, mentionné comme Connétable l'an 1289, posséda aussi cette forteresse, ainsi que le fils de ce dernier Sempad II, Connétable l'an 1320. Mais quelques années après, l'an 1296, le gouverneur de Babéron était Thoros, frère de Héthoum II. Il est donc certain qu'à cette époque, la cour s'était emparée de la forteresse. Cela est vérifié du reste par les archives du Vatican. Léon IV au début de son règne, avec le consentement du régent Héthoum, seigneur de Neghir, en fit cadeau à son beau-père Ochin, seigneur de Gorigos, fils de l'historien Héthoum. Cet Ochin avait épousé Jeanne, la reine douairière; Léon en lui donnant cette forteresse avait posé pour condition qu'elle retournerait aux mains du roi si Ochin n'aurait pas d'enfant mâle de Jeanne. Cet engagement avait été envoyé au pape Jean XXII, afin qu'il y donnât plus de poids en le ratifiant de son côté. Le Pape demanda des renseignements à ce sujet à Pierre, patriarche de Jérusalem, dans une lettre datée du 17 mars, 1323. Il lui ordonnait d'examiner et d'étudier la question, afin qu'il y put donner une solution. Un an et demi plus tard (9 août, 1324), le Souverain-Pontife écrivait de nouveau à Basile, archevêque de Tarse, et, à propos de la mort de la reine Jeanne, lui ordonnait d'examiner ce qu'on lui avait écrit, et s'il jugeait convenable de ratifier le contrat. Dans la lettre latine le château est appelé Castrum de Baberon ou simplement Baberon.

Lorsqu'Ochin fut mis à mort par ordre de Léon (1329), la cour confisqua la forteresse. Depuis lors on ne trouve plus ancune mention de cette forteresse dans aucun livre. Elle aura subi le sort de tout le pays d'alentour. Tombée aux mains des Sarrasins, elle aura été ruinée soit par eux, soit par le temps.

De toutes les inscriptions qui nous restent de Sempad, la mieux écrite et la mieux conservée, est celle de l'église de la forteresse de Tchander, en caractères haut-relief. Elle se trouve sur la muraille extérieure, à gauche de la porte. La partie inférieure a plus ou moins été effacée, rongée par les buissons et les plantes grimpantes qui l'ont longtemps recouverte. Cette inscription date de l'an 1256 ou 1251, et elle mérite d'être examinée de nouveau:

II a été construit ce temple, demeure

De la Trinité une,

Divine maison et autel,

Asile de la prière et piscine de purification

Pour les péchés de ceux qui croient

Et viennent demander ici le remède qui purifie.

Parmi ceux-ci (se trouvent): le roi de l'Arménie

Héthoum, mon frère glorieux.

J'ai réussi à poser la pierre angulaire de cet édifice

C'est avec beaucoup de dépenses et de piété.

Mon nom est Sempad l'Arménien,

Maître de ce château paternel

Et Connétable militaire.

Je supplie tous

De prier ensemble,

De se souvenir de mes parents. . . . .

De Constantin, le grand prince,

De son frère, de ses fils, de ses alliés.

Et celui qui récompense généreusement

 . . . . . . . . . . . . . . .

A la date de

De la famille noble des Roupiniens 

. . . . . . . ..  cela;

Vous qui me rappelez après ma mort.

 

Il n'est fait allusion à aucun siége, ni à aucune prise de Babéron dans l'histoire. La position de cette forteresse la garantissait mieux que tout autre chose. Cependant on trouve dans une chronique que l'an 1245, pour se venger de Héthoum, qui avait livré aux mains des Tartares, sa femme et sa fille réfugiées auprès de lui, Kay Khosrov, sultan d'Iconie, vint attaquer Babéron: «Guidé par le baron Constantin, seigneur de Lambroun, il entra dans la forteresse de Babéron en y descendant par la montagne et incendia tout, après quoi, il alla mettre le siége devant Tarse». S'il faut interpréter à la lettre ce dernier texte, la position de Tchander ne correspondrait pas à celle du vieux Babéron, puisque le P. Sibilian déclare que Tchander est bâti sur une cime ronde et isolée des autres.

Il reste donc à examiner cette place, et éclaircir encore la question; peut-être la découverte d'une nouvelle inscription fera-t-elle connaître la vérité. Quoi qu'il en soit, si l'ancien Babéron n'est pas le Tchander actuel, il ne devait pas être bien éloigné de ce lieu, ni non plus de Tarsus. Le siége des évêques de cette dernière ville était le couvent de Melidje, et c'est dans ce même couvent, comme nous l'avons vu, que se trouvaient les tombeaux des seigneurs de Babéron. Ce couvent Melédje ou Melidje était l'un des plus célèbres du pays de Sissouan. L'époque exacte de sa construction est encore inconnue; mais il est certain, que c'est l'un des plus anciens monastères du pays. Il est même probable qu'il fut fondé par Abelgharib lui-même, comme semble l'indiquer l'une des pièces mentionnées plus haut, dans laquelle il est dit, qu'après avoir pris possession de Babéron, Abelgharib y construisit une grande église, pour en faire le tombeau de sa famille. Or les documents postérieurs ont montré que c'est dans ce même couvent que se trouve le caveau des seigneurs de ce château; de plus cela est mentionné dans un manuscrit précieux: un livre des Evangiles, de l'an 1198, qui fut écrit «dans le couvent célèbre de Melidje, placé sous la protection de la Sainte Mère de Dieu, et lieu de sépulture des maîtres du château-fort de Babéron». Le copiste déclare encore que cette année-là le supérieur du couvent, en même temps archevêque de Tarse et successeur immédiat de S. Nersès de Lambroun, était Etienne. Il n'y a pas à en douter, Abelgharib, Sempad, Pagouran et les autres seigneurs de Babéron, ainsi que quelques-uns de leurs alliés, auront été enterrés dans ce cloître, tous comme Héthoum et Basile, fils de Sempad le Connétable, et aussi ce dernier, avec Léon, son frère cadet, y aura également été inhumé. Ce prince mourut encore jeune, enlevé par une mort prématurée (1258) alors que tout était préparé pour son mariage. «Il n'attendait que le vent du nord» pour faire voile vers Chypre se trouvait sa fiancée. «On porta son corps au couvent de Melidje qui est près de Babéron et on l'y inhuma» [4] .

Parmi les faits historiques peu nombreux, rapportés par les historiens sur Babéron, il en est un de fatal: c'est la prise et l'esclavage du maître du château. Des Turcs venus d'Iconie, parvinrent à s'emparer de sa personne et tuèrent trois ou quatre de ceux qui étaient avec lui, comme l'écrit le continuateur de la chronique commencée par un historien de la ville d'Ani.

A la fin du XIII e siècle et au commencement du suivant, le supérieur du couvent était Etienne, fils d'Ambagoum ou Baghé (+1301). Etienne, avant d'entrer dans les ordres, avait été marié et avait eu plusieurs enfants, ensuite il fut archevêque de Tarse. L'aîné de ses fils, ou du moins le plus connu, s'appelait Sire Grégoire; il a noté en marge d'un rituel le jour de la naissance et de la mort de plusieurs personnes de sa famille [5] . Son père, Etienne, mourut le 6 Juin, 1320, comme l'inscrit Grégoire en y ajoutant d'autres détails. C'est dans ce même rituel que nous trouvons ajoutée par Etienne, la formule de la bénédiction des navires. Sire Grégoire, faisant allusion à ce passage, écrit: «Et nous croyons que ce fut un don de Dieu, une inspiration du Saint-Esprit; car cette prière manquait dans le Rituel. N'effacez pas son nom (le nom d'Etienne) de ce livre afin que nous en recevions la récompense de Dieu».

Ce fut encore sur l'ordre d'Etienne que fut copié le Hadjakhabatoum (Stromates) de Saint Grégoire l'Illuminateur. Le copiste fait l'éloge de l'Archevêque: «Notre maître bienheureux, supérieur du couvent de Melidje, l'Archevêque Etienne, donna ordre de copier cela . . . il le fit placer parmi d'autres livres du couvent. (Ce saint père) a encore ajouté beaucoup d'autres objets au couvent de Melidje. Que sa mémoire soit bénie». L'un de ces livres est le Prokhoron, c'est-à-dire la vie de Saint Jean l'Evangéliste, qui se trouve maintenant au Musée Britannique. Ce manuscrit fut écrit en l'an 1307, par le prêtre Constantin, «au couvent de Melidje sous la protection de la Sainte-Vierge et des autres Saints, près du château inaccessible de Babéron» [6] .

Au sud-ouest de Tchander, à une distance d'une heure ou un peu plus les montagnes qui surplombent le torrent qui forme la Vallée de Moulin, Déghirmén-déréssi, se ressèrent et laissent à peine un étroit passage pour poser le pied. Sur un plateau pittoresque se trouvent les ruines d'un autre couvent. On voit encore les restes de chambres creusées dans la pierre; on y arrive par un petit corridor d'une largeur de 10 pieds seulement. On retrouve également les murs de la chapelle, dont les trois côtés n'offrent aucun passage; ce n'est seulement que du côté du nord qu'on y pouvait arriver. Ce lieu est appelé par les musulmans Kilissé-boghazi ou Kétchi - boghazi, (Col de l'Eglise ou de la Chèvre. )

C'est sur l'extérieur du pan de mur qui reste encore debout, que se trouve gravée l'inscription du Régent Constantin; elle compte 17 lignes. Vu la difficulté de ces lieux escarpés, le P. Clément Sibilian n'a pu l'étudier qu'au moyen d'un télescope. Il a consacré plus de 12 heures à ce travail pendant deux jours et a copié ce qui suit:

  «Ce temple du Saint Sauveur et cet ermitage fut bâti par ordre du Régent Constantin et à ses frais, pour sa maison de prière, selon l'ordre du Seigneur: « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n'est pas digne de moi; ou, Celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi, n'est pas digne de moi ». Celui-ci (Constantin) mit plusieurs fois sa personne en péril de mort pour le pays et la sûreté des églises. Selon la maxime, « le bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis, et selon Saint Paul, Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son fils unique »; aussi, selon la volonté du Saint-Esprit, Constantin s'est offert pour les fidèles. «Il a aimé à rentrer en lui-même et à s'entretenir avec Dieu, selon qu'il a été dit: «Je confesserai mes fautes et me repentirai de mes péchés»: Et aussi, il est bon de demeurer silencieux et seul en sa maison, de s'humilier jusqu'à la terre, car il y a de l'espérance.

«Constantin avait cinq fils et trois filles; il fit régner avec l'aide de Dieu l'un de ses fils sur les Arméniens, le glorieux, l'aimable, le vertueux Héthoum. Le second de ses fils, Basile archevêque . . . . . du royaume; le troisième Sempad fut généralissime; le quatrième, Ochin, bailli, et le cinquième, Léon, prince des princes. Sa fille Marguerite à l'âge de douze ans fut préparée . . . .  du royaume.

«Il maria Sthéphanie avec le roi de Chypre et la troisième, avec le bailli de Chypre qui était gouverneur de Beyrouth et de Joppé. Moi Thaddée, le dernier parmi les Docteurs, ai été élevé par le roi Héthoum. Celui-ci ordonna à moi infime, de commencer cet ermitage pour sa personne, afin qu'il pût sortir de cette vie mondaine et prendre soin de son âme.

«Et moi volontiers j'ai accompli ce qui m'a été ordonné et le monastère a été bâti. Or, je vous prie tous, pour l'amour de Dieu, vous qui rencontrez ce couvent sur votre route ou qui y habitez, souvenez-vous dans vos prières du sus-dit Prince des princes, Constantin, père du Roi, de ses fils et de ses parents et avec eux de moi mesquin qui ai eu beaucoup de peines, quoique les dépenses fussent payés par le roi; car le lieu offrait beaucoup de difficultés et moi j'étais faible, et de mauvaise santé; mais pour l'espérance et la résurrection, je travaillais de bon gré; je vous supplie de ne pas m'oublier, moi solitaire, vous qui êtes dans cet ermitage ... et le Seigneur Jésus aura pitié de vous tous; Amen». (p. 78 MANACHE- Ruines d'une église, d'après un dessin de V. Langlois)

La date de l'érection du couvent n'existe pas; elle eut pourtant été si nécessaire pour l'histoire, pour connaître avec plus de certitude ce qui concerne les parents et surtout les enfants de Constantin, père du roi. Il faut supposer que cette inscription fut composée durant les premières années du règne de son fils Héthoum, alors que Constantin n'avait pas d'autres fils que ceux qui y sont mentionnés, ou que, s'il en avait, ils étaient encore en bas âge. Qu'il ait eu d'autres enfants que les huit mentionnés plus haut ce n'est pas douteux car nous connaissons son fils Jean, évêque, baptisé sous le nom de Baudouin: lui-même déclare être frère consanguin du roi Héthoum, ayant eu pour mère Béatrix, tandis que la mère de Héthoum et de ses autres frères était Dame Alize, fille de Héthoum de Lambroun, frère de saint Nersès. On trouve encore les noms d'autres fils de Constantin, peut-être frères utérins de Jean: ce sont le Sire Licus, qui, l'an 1256, se trouvait père de trois filles et d'un garçon nommé Sire Léon; Vassag, Seigneur de la forteresse de Giandje, envoyé en otage en Egypte l'an 1268, pour la délivrance de Léon, fils du roi. Enfin Constantin, seigneur de Neghir, grand-père du roi Constantin II, est appelé «fils de Constantin le premier Baron».

Au point de vue topographique, on peut se contenter de savoir que sur ce lieu raboteux se trouvait jadis le Couvent du Saint-Sauveur, établi sur les ordres et aux frais du roi, par le D r. Thaddée, élevé par les soins du roi Héthoum. Mais nous ne savons rien sur les successeurs de Thaddée; il ne nous reste aucun mémoire provenant de ce couvent. En tous cas, il est certain que ce monastère et celui du Saint-Sauveur à Sghévra ne doivent pas être confondus; ce dernier est plus ancien que celui qui nous occupe.

Le R. Davis, trouve indescriptible la beauté splendide de ces lieux: «The natural beauty of this spot, - dit-il - is beyond all description. Below the rock a river flows, the banks of which are covered with plane and walnut trees, and a carpet of grass. The river, again, is inclosed on both sides by enormous rocks of great hight, full of natural caves, and covered, with pine trees, which shoot up at all angles. The brilliant colours of the rocks, red, scarlet, yellow, purple and gray, here distinct, there blended and running into each other, add greatly to the beauty of the scene». (p. 79  Le château-fort de Lambroun)

Avant de quitter ces lieux, et l'histoire de ceux qui furent leurs maîtres et surtout celle de Sempad le Connétable, il est bon de rappeler, que le château portant le nom de ce dernier, Sempada-gla (Château de Sempad), ne devait pas être bien loin d'ici. Dans son recueil des œuvres d'Aristote, dans l'introduction, dont nous avons cité le commencement, Sempad a encore écrit quelques lignes après la dernière de celles que nous avons rapportées:

De même, je jetai sur un pan naturel

Un château imprenable, inexpugnable,

Et je lui donnai mon nom:

Sempada-gla, puissante forteresse.

D'après ces quelques lignes, unique renseignement qui nous soit parvenu, il est clair que Sempad fit élever lui-même et entièrement cette forteresse, et, qu'à l'instar de Babéron, elle se trouvait dans un endroit élevé et escarpé. L'abondance des épithètes: inexpugnable, imprenable, puissante, indique suffisamment l'excellence de la position dont elle devait jouir. A part les quatre vers cités ci-dessus, on ne trouve plus aucun renseignement, avons-nous dit, sur cette place; on rencontre bien encore une ou deux fois son nom dans les manuscrits, mais sans explication. C'est ainsi qu'elle est citée, de même que Babéron et cinq autres châteaux, comme faisant partie des possessions de Sempad, en 1265; puis en 1320, de celles de son petit-fils, - du même nom et également Connétable, Sempad - II, fils de Léon.

Au sud-est de ces lieux qui ont besoin d'être explorés davantage, on indique maintenant le village Garmrakiugh; mais je ne connais rien de particulier ni sur ce village, ni sur ses habitants. Au nord de cette localité se trouve Manas ou Manaz [7] , village ancien, d'une quarantaine de maisons. On rencontre aux environs de ce dernier village plusieurs ruines d'églises, d'une architecture gracieuse. On trouve dans l'une d'elles, cinq colonnes assez bien conservées; en observant la forme de l'autel et de l'abside, on y reconnaît le style des églises primitives. Tout près de , on a creusé dans le rocher des citernes carrées; elles sont recouvertes de grandes pierres polies. C'est que les habitants du village viennent encore actuellement puiser de l'eau. Il y avait encore au sud du même village une autre église, aujourd'hui ruinée de fond en comble. On remarque au milieu des décombres des tombeaux de pierre avec des couverts prismatiques à chevrons, ce qui fit supposer à M r Langlois que ces tombeaux étaient byzantins ou romains.

Pour moi, les puits et la proximité du lieu avec les autres forteresses, mentionnées par l'historien des Roupiniens, son nom même indique que ce village n'est autre que Manache, dont le maître était un certain Héthoum, non le frère de Saint Nersès de Lambroun, mais leur contemporain. Toutefois dans l'histoire je ne trouve aucun fait se rapportant à lui, ni même son nom, si ce n'est une seule fois lors du couronnement de Léon à la fin du XII e siècle.

A trois heures au nord-ouest de Manache se trouve le bourg de Sari-kavak, dans une vallée plaine, entourée de montagnes qui, en forme de pic, s'élèvent les unes sur les autres et s'étendent également dans la direction du nord-ouest. On remonte la vallée en longeant la rivière Kalé, affluent de la rivière de Tarsus. Cette rivière fertilise et raffraîchit les pâturages de Nemroun, auxquels on arrive après trois heures de marche.

Nemroun n'est autre que la fameuse forteresse de Lambroun. On rencontre aussi quelquefois l'abréviation de ce nom, Lamron. C'est, peut être, pour les Arméniens, après Sis, la place la plus célèbre de la Cilicie, et à laquelle se rattachent le plus de souvenirs glorieux. Elle se trouve à l'ouest d'un village qui porte son nom et dont le territoire forme actuellement sous l'administration ottomane un district à part, appelé Nemroun Belkési.

Nous avons déjà dit au commencement de la description de Babéron, que vers la fin du XI e siècle, Abelgharib Ardzrouni rencontra cette place presque inaccessible sur sa route, et s'en appropria; puis il la donna plus tard à son compagnon d'armes, son fidèle et intime ami, le prince Ochin qui l'avait suivi depuis l'Arménie. Il était venu d'Artzakh (dans la Grande Arménie, l'an 1073 «avec toute sa famille, et trouvant ce lieu inaccessible inhabité, il le reconstruisit autant que possible, et aménagea tout d'abord, à l'extrémité de la forteresse, une chapelle pour les reliques du saint et premier Apôtre; (car Abelgharib y déposa lui-même une relique du grand prince des apôtres, Pierre, que conservaient les Arméniens; il ordonna de servir dévotement ce saint Apôtre, dans ce même château et de le regarder comme le patron de la forteresse et de toute la province . C'est sous les murs de cette place qu'Ochin, allié de l'empereur Alexis, eut un combat singulier avec un géant franc et le vainquit. Ochin bien que blessé, il parvint à terrasser son adversaire et à l'assommer. C'est alors qu'il reçut le titre de Στρατηλάης; et la principauté de Tarsus. Cela porte à croire que les Grecs, dès les temps les plus anciens, avaient reconnu la position avantageuse de ce lieu et y avaient élevé une citadelle.

Son nom même semble indiquer une origine grecque; déjà Moïse, le Docteur, élève de Georges de Sghévra, a dit que «le nom grec de cette forteresse, traduit en Arménien, veut dire brasier». Ce mot existe-t-il en grec avec cette signification, je ne puis l'affirmer, mais ce qui est certain, c'est que nous trouvons dans cette langue, l'adjectif λάμπρος, qui signifie clair, brillant. Dans l'histoire des Byzantins je n'ai pas trouvé de mémoires faisant allusion à la forteresse, ni rencontré son nom. Les historiens latins du moyen âge écrivent Lambro; et, dans les routiers romains, datant du règne des Antonins, est écrit Nampiro. Ce mot latin correspond assez à celui de Nemroun que l'on use aujourd'hui.

Durant les guerres des Grecs et des Arabes, je crois que cette place fut délaissée et abandonnée: reconstruite plus tard, elle devint peu à peu, tant par sa belle construction, que par la solidité de ses murs, l'une des premières de la Cilicie.

Ochine, dont la famille était une des plus nobles, fut forcé par les Roupiniens et obligé de reconnaître leur autorité. Mais bientôt sa famille s'unit par des alliances à celles de ses vainqueurs, et, lorsque la maison mâle de ces derniers se fut éteinte, la couronne royale passa à un descendant d'Ochine, à Héthoum I er, qui avait épousé Isabelle, fille et héritière de Léon I er. 1

 

1. Les ouvrages qui traitent de la généalogie des Héthoumiens et qui se trouvent chez nous, sont les suivants: Un long Mémoire du Dr. Samuel sur le Commentaire des Psaumes fait par St. Nersès de Lambroun. Un autre Mémoire pareil au premier sur le missel arménien, écrit aux jours de Léon II. La chronique de Malachie le Clerc auteur du XVII e siècle et encore quelques autres mémoires. En outre, les célèbres Lignages d'Outremer, en partie traduits en Arménien nous offrent de précieux détails; nous jugeons à propos de les produire ici, en remarquant toutefois, que l'auteur de cet ouvrage se trompe quand il dit que le père de Roupin II et de Léon II était Meléh, tandis qu'il devrait dire Stéphané.


[1] D'après Rd. A. E. Davis.

[2] Ancketill dit que tout  l'escalier se compose de 172 degrés.

[3] La mort de Sempad rapportée brièvement par l'auteur de ces mémoires, se trouve traitée longuement et dans un style assez éloquent dans un autre auteur. Malheureusement ces mémoires ne nous sont pas parvenus en entier, car les dernières feuilles de ce livre sacré, sont malheureusement tombées; Sempad l'avait fait écrire et orner d'enluminures, mais selon le témoignage de l'auteur, il ne parvint pas à voir ce travail achevé.

[4] Ce sont les paroles de notre historien royal.

[5] Par exemple:  «En 742 de l'ère arménienne (1293), le 25 mars, le mercredi, Zabloune, ma fille et la servante de J. C., à la fleur de son âge rendit son âme à Dieu, comme une  offrande sans tache. Que Dieu fasse miséricorde à elle et à vous qui vous souvenez d'elle dans vos prières».

«En 751 de l'ère arménienne (1302), le 11 février, le dimanche de la Septuagésime, Nersès, mon tendre fils en Christ, rendit son âme à Dieu, comme une offrande sans tache. Qu'il soit digne de la miséricorde de J. C., par vos saintes prières ». De la même manière il indique le jour de la mort de son père, le 7 septembre, an 750 de l'ère Arm. Et puis il ajoute: «Le 30 courant, le diacre Mardiros mon frère, rendit son âme au Christ», etc. Il indique même les jours de naissance, en ajoutant qu'en 1318, son aîné, à l'âge de 21 ans et de 7 mois, engendra son fils aîné Nersès le 29 octobre, et qu'arrivé à l'âge de 22 ans et de cinq mois, il engendra son second fils nommé Djoian-Jean, et il souhaite que Dieu «donne au frère et à ses fils une vie sans épreuves, et qu'il leur fasse voir leurs arrière-petits-fils».

[6] Souvent celui-ci prie (le lecteur) de se souvenir de son neveu Thoros, «défunt à la fleur de son âge», ou bien, «enlevé de cette vie, par une mort prématurée, pour passer à celle qui est éternelle». Ailleurs il cite son père, le prêtre Constant, du même nom et de la même condition que lui, sa mère Valourtch, sa sœur Chahantoukhte, son oncle, le moine Grégoire, et sa mère spirituelle, Théphanoue.

  [7] Langlois écrit Manaz, Favre et Mandrot, Manas.