Actuellement,
la
principale
ville
de
la
vallée
du
Sarus
est
hadjine,
chef-lieu
d'un
district
du
canton
de
Marache,
dans
la
province
d'Adana,
au
sud-est
de
la
montagne
Tchamlek.
Cette
ville
est
à
une
altitude
de
1,
400
mètres,
près
de
la
rivière
Tchatal-gueuze,
qui
s'appelle
aussi
Eau
de
Hadjine
et
traverse
le
vallon
d'
Obroukh.
La
ville
a
une
position
très
pittoresque,
car
elle
est
située
au
centre
d'une
chaîne
de
montagnes
en
amphithéâtre.
Elle
est
entourée
d'une
riche
végétation,
d'arbres
sauvages,
de
vignes,
de
mûriers,
et
même
d'oliviers.
Parmi
les
fleurs
sauvages,
on
indique
une
espèce
d'œillet
(Dianthus
oculatus)
qu'on
trouve
surtout
vers
les
limites
de
Cocussus:
un
voyageur
français
dit
qu'on
ne
peut
conserver
en
bon
état
la
nuance
de
la
couleur
de
cette
fleur,
lorsqu'on
la
presse
dans
un
herbier,
car
le
fard
qui
la
recouvre
se
dissipe
comme
la
poussière
des
ailes
du
papillon.
(1
75
-
Hadjine
)
Les
souvenirs
relatifs
à
la
fondation
de
cette
ville
me
restent
inconnus;
je
n'ai
trouvé
dans
aucun
livre
son
ancien
nom.
Je
ne
sais
à
quelles
sources
a
puisé
notre
historien
Tchamtchian
pour
assimiler
Hadjine
avec
Harkan,
dont
on
cite
seulement
deux
évêques
au
commencement
du
XIV
e
siècle:
André,
l'an
1307,
et
Etienne,
l'an
1311;
mais
nous
ne
trouvons
à
côté
du
mot
Harkan
aucun
nom
de
ville
ni
de
couvent.
Un
écrivain
moderne
considère
la
ville
de
Hadjine
comme
marquant
l'emplacement
de
l'ancienne
Badinon.
Je
laisse
cette
vérification
à
d'autres
explorateurs
ou
à
ceux
qui
habitent
le
pays.
Cette
ville
a
conservé
une
certaine
liberté
plus
longtemps
que
toutes
les
autres
villes
de
l'Arméno-Cilicie.
Quoique
la
tribu
de
Kozan-oghlou
l'ait
tyrannisée
avec
sévérité,
elle
lui
céda
souvent,
ayant
peur
que
les
habitants
de
Hadjine
ne
voulussent
passer
sous
le
joug
des
Turcs
et
ne
devinssent
leurs
ennemis.
Cependant
ces
rudes
voisins
portèrent
plus
d'une
fois
leur
tyrannie
jusqu'à
occuper,
pendant
la
saison
de
l'hiver,
les
maisons
des
habitants
de
la
ville,
leur
enlevant
même
leurs
biens;
mais
d'autres
fois
de
crainte
de
forcer
ces
vigoureux
Arméniens
de
s'unir
avec
d'autres
tribus
ennemies,
ils
les
traitaient
avec
un
peu
plus
de
douceur.
Aussi
les
habitants
de
Hadjine,
malgré
les
nombreux
événements
dont
leur
pays
fut
le
théâtre,
réussirent-ils
à
conserver
une
administration
propre
et
spéciale,
sous
la
direction
de
personnes
qu'ils
choisissaient
eux-mêmes;
un
lieutenant
exacteur
seulement,
envoyé
par
le
chef
des
Kozans,
résidait
parmi
eux,
chargé
de
la
perception
des
tributs.
Après
la
dernière
révolte
des
Kozans
et
des
Arméniens
de
Zeithoun,
le
gouvernement
Ottoman
résolut
de
les
subjuguer
entièrement,
l'an
1865;
alors
les
habitants
de
Hadjine
se
mirent
secrètement
d'accord
avec
les
généraux
turcs,
Derviche-pacha
et
Ismaïl-pacha,
pour
se
mettre
à
l'abri
de
la
vengeance
des
montagnards;
ainsi
rassurés,
ayant
à
leur
tête
leur
évêque
même,
Pierre
Melkonian
et
leurs
notables,
ils
s'unirent
aux
troupes
turques
pour
chasser
et
subjuguer
les
rebelles.
Les
Turcs
préservèrent
la
ville
de
l'incendie
dont
la
menaçait
la
tribu
turcomane
des
Varchags.
La
première
fois
les
Turcs
établirent
comme
gouverneur
de
Hadjine,
Hadji-bey
de
la
tribu
des
Kozans,
en
récompense
de
sa
soumission
volontaire.
Lorsque
Youssouf-bey,
chef
de
la
même
tribu,
se
révolta,
les
Turcs
ôtèrent
tout
pouvoir
à
Hadji-bey,
craignant
qu'il
ne
se
mît
d'accord
avec
Youssouf.
Il
fut
remplacé
par
un
autre
personnage
dont
la
fidélité
n'était
pas
suspecte
[1].
Suivant
la
dernière
statistique
du
gouvernement
ottoman,
on
compte
à
Hadjine
et
dans
ses
alentours
12,
000
habitants
arméniens,
et
seulement
200
Turcs;
dans
tout
le
district
de
Hadjine,
y
compris
aussi
la
ville,
le
nombre
des
Arméniens
était
de
13,
000
et
celui
des
Turcs
et
des
Gircassiens
nouvellement
établis,
de
5,
682.
En
1840,
selon
le
témoignage
d'un
Arménien,
on
comptait
à
Hadjine
2,
000
familles
arméniennes;
selon
un
autre
2,
500
en
1854;
enfin
un
troisième
en
trouvait
3,
000
pendant
l'année
1863.
Le
voyageur
français
Téxier
qui
passa
dans
cette
ville
en
1836,
le
22
juin,
comptait
2
à
3,
000
familles
arméniennes,
34
maisons
turques
et
une
mosquée
à
l'extrémité
de
la
ville.
Tchihatchef,
lors
de
son
premier
passage
à
Hadjine,
le
13
juillet
1849,
a
trouvé
2,
000
maisons
arméniennes
et
190
turques;
en
repassant
quatre
ans
après,
le
30
juillet
1853,
il
compte
seulement
1,
500
maisons
d'Arméniens
et
30
de
Turcs;
peut-être
s'étaient-ils
dispersés
à
cause
des
troubles
qui
régnaient
à
cette
époque.
Hadji-bey,
chef
de
la
tribu
Varchag
des
Afchars,
s'était
mis
en
guerre
contre
Youssouf-bey,
gouverneur
de
Hadjine
et
son
allié
Tcherkéze-bey;
durant
les
cinq
jours
que
Hadji-bey
passa
à
Hadjine,
il
saccagea
le
couvent
de
S.
Jacques
et
ravagea
tous
les
environs;
d'un
autre
côté
Youssouf
le
gouverneur,
tourmentait
les
moines
et
réclamait
de
l'argent
et
des
vivres.
Un
voyageur
français
qui
entra
d'abord
à
Zeithoun,
vint
à
Hadjine
le
2
juillet
1864
et
fit
une
visite
à
Youssouf;
il
le
peint
comme
une
personne
de
belle
taille
et
parlant
peu;
lorsqu'il
lui
demanda
s'il
était
vrai,
ainsi
que
l'évêque
arménien
le
lui
avait
rapporté,
que
le
gouverneur
de
Hadjine
pouvait
enrôler
10,
000
soldats,
il
répondit
que
oui,
mais
en
y
comptant
les
Arméniens
aussi.
L'année
suivante
Youssouf-bey
fut
trahi;
d'abord
arrêté
par
un
officier
de
Derviche-pacha
et
d'Aroutiun
Boyadjian,
il
parvint
a
s'enfuir,
mais
il
fut
repris
et
exécuté.
Les
habitants
de
Hadjine
s'occupent
d'agriculture
ou
sont
forgerons;
d'autres
se
sont
adonnés
aux
arts
et
au
commerce.
Ils
ont
trois
églises
très
simples
[2]
et
sans
aucun
ornement,
selon
la
description
du
voyageur
français,
dont
l'une
est
dédiée
à
S.
George,
une
autre
à
la
Sainte
Mère
de
Dieu;
cette
dernière,
suivant
la
tradition,
fut
bâtie,
par
Thoros,
le
prince
royal,
ou
peut-être
par
l'ancien
Baron
Thoros.
Au
nord
de
la
ville
s'élève
le
couvent
de
S.
Jacques,
entouré
de
fortes
murailles;
il
fut
restauré
1'an
1554
par
1'évêque
Khatchadour;
c'est
le
premier
évêque
de
Hadjine
qui
me
soit
connu.
Je
trouve
après
dans
un
court
mémoire
de
l'an
1607,
la
signature
de
l'un
de
ses
successeurs:
«
Moi,
Moïse
de
Hadjine
évêque
»;
probablement
il
veut
dire
«évêque
de
Hadjine»,
et
non
qu'il
y
soit
né.
Tel
était
aussi
cent
ans
après
Jean
de
Hadjine,
qui
depuis
fut
catholicos
de
Sis
(1719-36).
Au
commencement
de
ce
siècle
son
évêque
s'appelait
Pierre
(1806),
après
lui
Sarkis
(1820?)
et
après
Paul;
durant
les
derniers
événements
de
la
soumission
des
Kozans,
l'évêque
Pierre
Caléndérian
(
+
1886)
se
rendit
célèbre.
Ce
dernier
eut
pour
successeur
Nicolos
Kazandjian
qui
ne
fut
pas
moins
célèbre.
Trois
écoles
élémentaires
ont
été
fondées
à
Hadjine
par
les
soins
d'une
Société
arménienne,
dans
ces
derniers
temps.
Le
voyageur
français
qui
passa
à
Hadjine
l'an
1865,
fait
mention
de
ces
écoles
et
d'un
jeune
professeur
du
nom
Nazareth,
qui
connaissait
plusieurs
langues,
et
il
parlait
aussi
français
et
lui
montra
un
petit
livre
d'école
dans
cette
même
langue
[3].
A
trois
ou
quatre
heures
de
chemin
au
nord-est
de
Hadjine,
se
trouve
la
montagne
Madén,
reliée
à
la
chaîne
des
monts
Binbougha
et
formant
comme
un
rameau
à
leur
sud-ouest;
on
y
trouve
d'anciennes
mines
d'argent,
que
les
Turcomans
exploitaient
avant
la
soumission
des
Kozans.
En
face
de
cette
montagne,
à
l'ouest,
s'élève
le
mont
Dédé-dagh,
au
pied
duquel
s'étend
la
vallée
de
la
rivière
Roumlou;
à
sa
gauche,
sur
le
chemin
public
qui
conduit
à
Césarée,
dans
le
village
Kazeklar,
on
voit
des
ruines.
Au
sud
se
trouve
le
village
Maghara
près
d'une
rivière
du
même
nom,
où
demeuraient,
selon
la
statistique
ottomane,
400
Arméniens,
875
Turcs
et
465
Circassiens
nouvellement
fixés.
Ismaïl-pacha
y
posa
d'abord
son
camp
pendant
sa
marche
vers
Sébaste
—
contre
les
Kozans,
été
de
1865;
—
de
là
il
le
transféra
à
Roumlou,
qui
est
au
bord
de
la
grande
route
et
se
trouve
à
gauche
de
la
rivière
du
même
nom.
Tchihatchef
mentionne
non
seulement
les
villages
que
nous
avons
cités
plus
haut
dans
la
vallée
de
Roumlou,
mais
il
en
ajoute
d'autres,
parmi
lesquels
Yamanly,
qu'il
place
dans
le
district
de
Dallar,
qui
faisait
autrefois
partie
de
la
province
de
Marache;
mais
la
récente
statistique
ottomane
le
place
dans
celui
de
Hadjine.
Dans
ce
district
de
Dallar,
il
y
a
un
village
du
même
nom;
les
habitants
ont
des
maisons
à
moitié
souterraines,
où
ils
se
retirent
pour
passer
la
saison
d'hiver;
tous
les
alentours
sont
raboteux
et
privés
de
routes.
Dans
le
district
de
Hadjine,
les
Arméniens
citent
le
village
Nor-pert
(fort
neuf)
avec
30
maisons
d'Arméniens
et
20
de
Turcs
de
la
tribu
Adjém-oghlou.
Les
Turcomans
affirmaient
qu'à
15
ou
18
milles
au
nord-est
de
Dallar,
près
du
fleuve
Maghara,
il
y
avait
le
château-fort
de
Tchert
ou
Tchert-kaléssi;
c'était
un
vaste
emplacement
couvert
de
ruines
de
forteresses,
de
palais
et
d'églises;
Texier
pensait
que
c'étaient
les
ruines
de
la
ville
de
Comana
[4].
Après
le
grand
incendie
de
Hadjine
qui
eut
lieu
en
1883,
un
nouveau
village
surgit
à
Char-déréssi,
à
une
journée
de
marche
à
peu-près
au
nord
de
la
ville;
on
y
compte
150
maisons.
Je
crois
trouver
dans
cette
direction
la
ville
Léante,
Λεανδίς,
qu'on
dit
située
à
18
milles
romains
de
distance
au
sud
de
Comana,
sur
le
chemin
qui
conduisait
à
Anazarbe
par
les
monts
Taurus
[5].
[1]
L'Évêque
Pierre
qui
a
écrit
en
abrégé
l'histoire
de
l'émancipation
de
Hadjine,
indique
par
ordre,
un
à
un,
les
premiers
gouverneurs
qui
se
succédèrent
annuellement.
Tels
sont:
Sali
effendi,
le
noble
Husséin
effendi,
Sali
effendi
Kerkitli,
le
noble
Bayazid,
Békir-beg
et
Ghalib-beg.
[2]
«Les
vastes
hangars
qui
servent
d'églises
sont
misérables.
De
grosses
poutres
soutiennent
la
toiture;
quand
la
charpente
menace
ruine,
on
l'étaye...
Le
sol
n'est
recouvert
que
de
quelques
tapis
usés
jusqu'à
la
corde
et
de
nattes
tressées
grossièrement,
par
des
hommes
ou
des
femmes
plus
zélés
qu'habiles.
Quelques
tableaux
figurant
des
Saints
impossibles
grimacent
ça
et
là
sur
les
murailles
humides:
un
fauteuil
en
bois
sculpté
pour
l'évêque,
quelques
tabourets
pour
les
religieux,
un
maître-autel
sans
ornement
et
quelques
verroteries
grossières
composent
tout
l'ameublement
des
églises».
—
Léon
Paul.
[3]
En
1883,
dans
la
nuit
du
14
Juillet,
(pendant
qu'un
incendie
détruisait
presque
la
moitié
du
couvent
de
St.
Lazare
à
Venise),
un
autre
incendie
très
grand
éclatait
à
Hadjine
et
réduisait
en
cendre
les
trois
quarts
de
la
ville;
1500
maisons
et
une
grande
partie
des
magasins
furent
détruits.
Les
rues
de
la
ville
étaient
très
étroites,
les
maisons
se
touchaient
presque,
ce
qui
facilita
la
propagation
de
l'incendie.
Le
gouvernement
alors
ordonna
d'élargir
les
rues
en
abattant
nombre
de
maisons.
De
sorte
qu'une
grande
partie
des
habitants
de
Hadjine
fut
obligée
de
se
transférer
ailleurs.
On
choisit,
dit-on,
un
emplacement
dans
la
vaste
plaine
qui
conduit
à
Marache
et
à
Césarée,
plaine
qui
porte
le
nom
de
Foulad-pounar.