Cela
est
très
probable;
car,
à
partir
du
XIII
e
siècle,
lorsqu'Ayas
commençait
à
peine
à
se
développer,
jusqu'au
milieu
du
XIV
e
siècle,
nous
retrouvons
leurs
traces
et
les
restes
de
leurs
hospices
et
de
leurs
églises
arméniennes,
non
seulement
sur
les
côtes
mais
dans
les
villes
du
centre
de
l'Italie.
Et
comme
ces
édifices
ont
été,
pour
la
plupart,
élevés
par
suite
de
l'activité
et
de
la
richesse
d'Ayas,
je
n'hésite
pas
à
dire,
que
ces
colonies
arméniennes
se
sont
formées
dans
un
but
de
transactions
commerciales.
La
résidence
d'Arméniens,
les
passages
continuels
et
les
retours
fréquents
dans
ces
parages,
ont
peut-être
aussi
eu
pour
cause
les
liens
de
parenté
qu'ils
avaient
contractés
avec
des
familles
du
pays,
et
c'est
pour
cela
qu'ils
durent
construire
des
églises
et
des
demeures
à
côté
de
celles
des
Italiens.
Leurs
maisons
se
nommaient
Maisons-arméniennes,
Հայ
-
տուն,
ou
maisons-spirituelles,
Հոգետուն
[1],
c'est-à-dire
Hospices.
Mais
avec
tout
cela,
nous
ne
pouvons
pas
affirmer
absolument
que
les
Arméniens
aient
passé
les
mers
avec
leurs
propres
vaisseaux.
La
puissance
maritime
de
Sissouan,
soit
pour
le
commerce,
soit
pour
la
guerre,
reste
encore
pour
nous
un
point
obscur.
On
doit
admettre
cependant
que
le
commerce
et
le
gouvernement
de
Sissouan
ont
dû
posséder
chacun
leur
marine.
Quelques
mémoriaux
dont
nous
avons
parlé
dans
ce
livre,
nous
l'attestent.
Nous
avons,
du
reste,
cité
les
batailles
navales
de
nos
compatriotes,
et
les
achats
de
vaisseaux
et
de
rames
aux
Vénitiens;
nous
avons
aussi
cité
les
célèbres
voyageurs
vénitiens,
les
Poli,
qui
s'étaient
embarqués
sur
un
vaisseau
royal
arménien
pour
se
rendre
à
Ptolémaïs.
Nous
ajouterons
à
ceci,
l'anecdote
du
bienheureux
Oderico
da
Pordenone
qui,
en
1321
ou
1322,
côtoyant
les
Indes,
après
avoir
recueilli
près
de
la
ville
de
Dana
(Bombay)
les
reliques
de
quatre
religieux
de
son
ordre,
qui
y
avaient
été
martyrisés,
vit
le
vent
tomber
tout
à
coup.
Les
païens
et
les
sarrasins
supplièrent
leurs
dieux
et
le
prophète
de
leur
envoyer
le
vent
favorable,
mais
ils
ne
l'obtinrent
pas.
Le
capitaine
du
navire
qui
était
arménien,
dit,
dans
sa
langue,
à
Oderico,
(car
Oderico
connaissait
la
langue
arménienne,
ayant
fait
un
long
séjour
en
Arménie),
et
à
son
compagnon
de
voyage,
de
prier
Dieu
de
leur
envoyer
le
vent
qui
devait
pousser
les
voiles,
ou
sinon
il
jetterait
à
la
mer
les
reliques
des
saints
martyrs.
Oderico
pria
longtemps
le
Seigneur,
puis,
ayant
jeté
aux
flots
une
partie
de
ces
reliques,
il
fut
exaucé.
La
brise
enfla
les
voiles
du
navire
qui
arriva
à
sa
destination
à
Polumbo
ou
Columbo
[2].
Léon
le
Grand
qui
s'était
emparé
des
côtes
d'Attalia
jusqu'à
Rhosus,
ne
pouvait
protéger
toute
cette
longue
étendue
de
littoral
ni
maintenir
le
pays
en
paix
sans
une
force
navale.
Nous
savons
même
qu'une
fois,
il
fut
forcé
de
combattre
les
pirates
et
de
leur
donner
la
chasse
en
mer.
Il
me
semble
impossible
qu'il
n'ait
pas
songé
à
établir
dans
son
royaume
le
trafic
par
la
navigation,
lui
qui
favorisa
si
généreusement
le
commerce
maritime
des
autres
peuples
qui
affluaient
dans
les
ports
de
ses
états.
Il
faudrait
donc
rapporter
à
Léon
les
paroles
de
l'homme
vénérable
qui
avait
tant
de
déférence
pour
lui,
du
grand
Catholicos
Grégoire
IV.
Cet
éloquent
pontife,
dans
une
lettre
de
reproches
à
Toutéordi
[3]
qui
se
plaignait
de
son
siècle,
comme
s'il
était
le
soir
et
la
fin
des
temps,
alors
que
Léon
par
ses
travaux
en
faisait
comme
une
magnifique
journée:
«Abandonnerons-nous
donc,
lui
écrivait-il,
l'impulsion
de
la
navigation?».
Mekhitar
Koche
[4],
qui
ne
connaissait
pas
le
génie
de
Léon,
car
il
écrivait
en
1184,
avant
que
celui-ci
montât
sur
le
trône,
mais
qui
ne
désespérait
pas
de
la
puissance
maritime
future
de
sa
nation,
dictait
des
lois
et
recommandait
d'agir
avec
charité
dans
les
cas
de
naufrages
ou
d'échouages
de
vaisseaux:
«Car,
disait-il,
les
Romains
manquent
souvent
dans
ces
circonstances;
pourvu
que
nos
nationaux
aient
la
chance
de
dominer
sur
la
mer!
».
Contemporain
de
ces
deux
illustres
écrivains
et
de
beaucoup
supérieur,
Nersès
de
Lambroun,
dans
ses
commentaires
sur
les
Prières
de
St.
Grégoire
de
Nareg
[5],
au
passage
où
il
fait
la
description
d'un
naufrage,
(à
la
prière
XXV),
décrit
les
différentes
parties
composant
un
vaisseau,
qui
se
trouvait
dans
le
port
de
Tarse
[6].
J'espère
qu'on
ne
me
reprochera
pas
d'avoir
reproduit
toutes
ces
citations,
car
elles
sont,
à
peu
près,
les
seuls
documents
que
nous
aient
légués
nos
ancêtres
sur
la
navigation.
[1]
Dans
un
autre
ouvrage,
nous
avons
publié
les
noms
des
villes
d'Italie,
où
l'on
cite
des
maisons,
des
hospices
et
des
églises
arméniennes
pendant
le
XIII
et
XIV
e
siècles,
c'est-à-dire
pendant
la
royauté
de
la
dynastie
des
Roupiniens.
Nous
citerons
ici
les
noms
des
villes
où
se
trouvaient
ces
églises
du
rite
arménien,
avec
les
dates
de
leur
fondation
autant
que
nous
avons
trouvé
inscrites.
Borne
(a)
1240,
S.
te
Marie
et
S.
Grégoire.
»
»
Hospice
à
S.
Paul.
Florence
1250-1491,
S.
Basile.
Rimini
1254,
S.
Jean
et
S.
Mathieu.
Ancone
1246,
Saint-Esprit
(b),
plus
tard
S.
te
Anasthasie.
Sienne
1270,
Notre
Dame,
S.
Simion
et
S.
Thadée.
Pérouse
1271,
S.
Mathieu
et
S.
Barnabé.
Salerne
1283,
S.
Jean-Baptiste
(et
Saint
Côme).
Orvieto
1288, . .
N.
N.
Viterbe
1290,
SS.
Simon
et
Jude.
Bologne
1303,
Notre
Dame,
S.
Jean-Bap.
Saint-Esprit.
Osano
1496,
S.
Basile,
Notre-Dame
du
Carmel.
Ferrare
1304-1442,
S.
te
Anne.
Gênes
1307,
S.
Barthélemy.
Padoue
1308,
Notre
Dame
de
Nazareth.
Fasioli
(Manfredonia
(c)
1312,
N.
N.
Gubbio
1318,
S.
Ange,
S.
Anne.
Lucque
1319,
S.
Paul.
Fabriano
1319,
Saint-Esprit,
(hospice)
Parme
1319,
S.
Basile.
Pise
1320,
S.
Antoine.
Milan
13...,
S.
Côme
et
S.
Damien.
Naples
1328,
Saint-Esprit.
Pistoja
1340,
S.
Basile
et
S.
Onophre.
Venise
(d)
1348,
S.
Jean-Baptiste.
»
1434,
S.
te
Croix.
Faenza
1372,
S.
Thomas
(S.
te
Marthe).
---,
S.
Etienne
(e).
Civita-Vecchia....,
Saint-Esprit.
Forli....,
S.
te
Anne
ou
S.
Benoît.
Imola....,...
?...
Pesaro
ou
Pescara
(f) ....,...
?...
a).
La
fameuse
église
de
Sainte
Marie
l'Egyptienne,
fut
accordée
aux
Arméniens
l'an
1565.
De
nos
jours,
en
1832,
elle
fut
échangée
avec
celle
de
Saint-Blaise.
Dans
l'ancien
temps,
c'est-à-dire
au
XIII
e
siècle,
les
Arméniens
avaient
deux
églises,
l'une
près
du
Vatican
ou
à
Saint-Pierre;
l'autre,
hors
de
Rome,
à
Saint-Paul.
b).
A
l'étranger,
les
Hospices
arméniens
se
nommaient
Հոգետուն
(maison
d'âme,
c'est-à-dire
maison
de
charité),
aussi
leurs
chapelles
n'avaient
d'autres
titulaires
que
le
Saint-Esprit.
Հոգի
(hoki)
en
arménien
signifie
tant
l'âme
que
le
Saint-Esprit.
c).
Elle
avait
été
bâtie
par
Samuel
le
Docteur,
mais
elle
fut
bientôt
fermée
et
même
détruite,
par
ceux
qui
trouvaient
la
doctrine
de
Samuel
suspecte
d'hérésie.
J'ignore
ce
qui
advint
après
l'enquête
faite
au
sujet
de
sa
doctrine,
qui
fut
justifiée.
d).
Dès
l'an
1253,
il
avait
été
accordé
aux
Arméniens
une
maison
à
Venise,
et,
comme
ils
faisaient
un
grand
commerce
avec
la
République,
ils
devaient
s'y
être
établis
longtemps
auparavant
et
y
avoir
bâti
une
église.
Nous
n'avons
pas
pu
retrouver
les
traces
de
l'église
de
Saint
Jean-Baptiste,
et
nous
ignorons
absolument
dans
quel
quartier
de
la
ville
elle
se
trouvait.
e).
On
ne
peut
douter
que
cette
église
soit
l'une
des
plus
anciennes;
la
preuve
nous
en
est
fournie
par
l'antiquité
d'un
livre
qui
y
fut
copié
et
dont
on
a
effacé
le
nom
de
la
ville
et
la
date.
Ce
livre
donne
pourtant
comme
prélat
de
cette
église,
le
docteur
Sukias,
qu'on
pourrait
prendre
pour
un
évêque.
f).
Il
y
avait
des
couvents
sous
le
nom
de
Pères
Arméniens,
à
Pavie
et
à
Ponte-Corona,
mais
d'institution
italienne
et
habités
par
des
élèves
italiens
d'anciens
moines
arméniens.
Ces
couvents
et
deux
autres,
à
Milan
et
à
Gênes,
furent
supprimés
par
ordre
du
pape,
en
1650.
La
plus
belle
des
églises
arméniennes
en
Italie
est
celle
de
Livourne,
Saint
Grégoire
l'Illuminateur.
Elle
fut
érigée
au
commencement
du
XVIII
e
siècle.
L'église
de
la
Sainte-Croix,
à
Cava,
près
de
Salerno,
ne
paraît
pas
très
ancienne.
Elle
fut
fermée
dans
le
premier
quart
de
notre
siècle,
en
même
temps
que
l'église
Saint
Jean-Baptiste
à
Amsterdam;
elle
avait
été
fondée,
paraît-il,
vers
le
commencement
du
XVIII
e
siècle.
[2]
Poscia
fue
comandato
a
me
et
al
compagno,
che
noi
facessimo
oracione
a
Dio,
a
ci
ò
che
noi
avessimo
vento:
e
che
se
noi
lo
potessimo
avere,
che
ci
farebbero
grande
onore:
et
acciò
ch'altri
non
potesse
questo
intendere,
quello
che
regeva
la
nave,
favelò
a
modo
d'Armenia,
dicendo:
Se'1
vento
non
si
pu
ò
avere,
noi
gittaremo
l'ossa
in
mare,
etc.
—
Dans
l'original
latin
la
chose
est
dite
ainsi:
Et
ne
alij
hoc
audirent,
dum
nobis
dixit
rector
ille
navis
armenice:
Si
ventus
haberi
non
poterit,
ossa
h
æ
c
proiiciemus
in
mari.
—
ViaggI
del
beato
Odorico
da
Pordenone,
Cap.
XXIV.
[3]
C'est-à-dire
fils
de
Touté
(
Տուտէ
),
prince
arménien,
dans
la
Grande
Arménie.
Grégoire
Toutéordi
était
un
docteur
célèbre,
mais
en
même
temps
défenseur
obstiné
de
ses
croyances
contraires
aux
églises
grecque
et
romaine.
[4]
Célèbre
et
savant
écrivain,
auteur
d'un
livre
de
droit
sur
«Les
lois
et
les
coutumes
arméniennes»,
contemporain
et
compatriote
de
Toutéordi.
[5]
Orateur
et
poète
très
distingué,
vers
le
commencement
du
XI
e
siècle,
et
fils
d'un
digne
et
savant
évêque
(Khosrov);
son
surnom
vient
du
lieu
de
sa
demeure,
le
couvent
de
Nareg,
bâti
aux
bords
du
lac
de
Van,
dans
la
Grande
Arménie.
Son
ouvrage
le
plus
renommé,
et
qui
est
encore
lu,
se
compose
de
presqu'une
centaine
de
prières
élégiaques,
commentées
par
son
admirateur
et
en
même
temps
imitateur,
S.
Nersès
de
Lambroun.
[6]
Le
même
auteur,
dans
ses
commentaires
de
la
prière
XXXII,
dit:
«Le
mât
est
cette
longue
pièce»
de
bois
qui
sert
à
porter
les
voiles».
Un
autre
auteur
donne
une
plus
longue
description:
«Ceux
qui
construisent
le
navire,
le
font
avec
un
bois
léger
et
sec,
et
y
mettent
les
poutres
et
l'
armion,
qui
est
rempli
par
le
vent.
Lorsqu'on
veut
arrêter
le
navire,
on
jette
de
tous
les
côtés
des
ancres
de
fer,
et
l'on
s'y
cramponne.
Lorsqu'on
veut
aborder
un
port
et
qu'on
ne
le
peut
pas,
on
jette
l'ancre
du
côté
de
la
terre
et
l'on
s'y
attache
bien,
et
derrière
le
vaisseau
on
tire
à
soi
la
corde
de
l'ancre,
ainsi
l'on
s'approche
avec
le
navire
au
bord
de
la
terre...
Ceux
qui
veulent
choisir
un
vaisseau,
pour
savoir
s'il
est
solide
et
sûr,
regardent
avant
tout
l'
armion
qui
est
au
milieu
du
navire;
si
celui-ci
est
résistant
et
fort,
et
s'il
n'a
aucune
fêlure
et
s'il
n'est
pas
cassé....
car
tout
l'équipement
et
le
cordage
des
navires
dépendent
de
cette
longue
pièce
de
bois...
Les
soldats
qui
craignent
les
pirates,
construisent
une
tour
carrée
derrière
le
vaisseau
et
le
timonnier
s'y
place
assis,
car
s'il
se
met
devant,
il
ne
peut
plus
diriger
le
navire,
et
les
deux
ailes
du
vaisseau
sont
dans
ses
mains,
la
droite
et
la
gauche;
si
l'un
des
deux
côtés
penche,
il
tire
de
l'autre
côté
et
lâche
celui-là,
et
dirige
le
navire
de
cette
façon».
Non
moins
intéressant
est
ce
que
dit
Arakiel,
évêque
de
Sunik
(au
commencement
du
XV
e
siècle),
dans
ses
Commentaires,
où
il
désigne
les
différentes
espèces
de
navires:
«La
carène
(
ողնափայտ
)
du
vaisseau
est
ce
bois
intérieur,
très
gros,
qui
ressemble
à
l'épine
dorsale
de
l'homme
et
de
tous
les
animaux,
et
auquel
tout
le
reste
est
relié.
Quant
au
mat
(
քեղի
)
c'est
cette
haute
poutre
(
գերան
)
du
milieu
du
vaisseau,
qui
soutient
la
voile
de
l'armion
qui
recueille
le
vent.
Le
chèvre-forme
(
այծեմնաձեւ
)
c'est
le
navire-forteresse
(galère),
Բերդանաւ
qui
est
très
grand
et
a
trois
ponts
l'un
sur
l'autre,
l'inférieur,
celui
du
milieu
et
le
supérieur.
Le
lampiforme
(?)
(
ճրագաձեւ
)
est
un
petit
navire
qui
a
les
deux
bords
en
forme
de
lampe».
Le
vaisseau
de
guerre
ou
navire-forteresse,
dont
parle
l'auteur,
est
à
peu
de
chose
près
la
Galée
ou
galère
ou
Galeone:
tels
étaient
les
noms
que
l'on
donnait
en
ce
temps
là
aux
grands
vaisseaux,
et
que
l'historien
Héthoum,
ainsi
que
d'autres,
appellent
Khalé,
Խալէ;
les
trois-ponts
nous
représentent
les
trirèmes.