Les
défilés
et
les
passages
sont
plus
célèbres
que
ces
montagnes
et
leurs
rivières;
on
en
cite
surtout
deux,
mais
il
y
en
a
un
grand
nombre.
Les
uns
sont
appelés
du
nom
des
montagnes
Amanus,
d'autres
du
nom
des
territoires
de
la
Cilicie
et
de
la
Syrie,
ainsi
ceux
que
nous
avons
décrits:
l'Arslan-boghaze
et
d'autres
près
de
Bahtché,
le
Démir-kapou
(Porte
de
fer)
ou
Kara-kapou
(Porte
noire);
et
ceux
que
nous
décrirons
plus
bas:
les
Portes
ou
Passages
Syro-Ciliciens
au
sud
de
Payas;
le
Déguirmèn-déréssi,
et
le
Youk-béli-déré,
à
l'est
de
Payas;
les
Portes
Syriennes
à
l'est
d'Alexandrette,
près
de
Beylan;
le
Baghras-béli,
ou
Défilés
de
Baghras,
et
d'autres
de
différents
noms.
Au
milieu
de
ces
défilés,
au
nord-est,
doit
se
trouver
celui
de
Nicopolis;
j'attribue
ce
nom
au
passage
étroit
resté
longtemps
inconnu,
par
lequel
les
Egyptiens
entrèrent
en
Cilicie
et
livrèrent
aux
Arméniens
la
funeste
bataille
de
Mari.
Cicéron
dans
une
lettre
à
Caton
[1],
désigne
seulement
deux
portes
donnant
accès
en
Cilicie,
du
côté
de
la
Syrie;
elles
paraissent
être
celles
de
Payas
et
de
Baghras,
ou
celle
du
nord
appelée
Arslan-boghaze.
Le
général
français
Marmier,
s'appuyant
sur
les
paroles
de
Cicéron
s'efforce,
dans
son
livre
des
Routes
de
l'Amanus,
à
démontrer,
qu'aucune
de
celles
que
nous
avons
citées,
ne
saurait
être
la
vraie
Porte
ou
Passage
d'Amanus;
c'est,
selon
lui,
le
défilé
étroit
et
long,
parallèle
au
rivage
de
la
mer,
à
peu
de
distance
de
Myriantus
ou
Myriantrus,
ancienne
ville
ruinée,
entre
Rhosus
et
Alexandrette,
et
qui
se
dirige
au
nord
sur
toute
la
longueur
orientale
du
Golfe
de
l'Arménie.
Il
démontre
qu'Alexandre
arriva
par
ce
défilé
et
non
par
celui
de
Beylan,
qui
selon
lui
n'était
pas
praticable
à
cette
époque;
car
Alexandre
l'aurait
traversé
avec
ses
troupes
et
aurait
empêché
la
fuite
de
Darius
après
la
bataille
d'Issus.
Des
renseignements
plus
détaillés
et
plus
exacts
seraient
à
désirer,
car,
comme
je
l'ai
déjà
dit,
toute
cette
région
des
montagnes
n'est
que
très
peu
connue.
De
nos
jours
encore
ces
lieux
sont
habités
par
des
hommes
farouches,
qui
ne
se
font
pas
scrupule
de
dépouiller
les
voyageurs
et
les
caravanes.
Ils
forment
une
peuplade
de
diverses
tribus
turcomanes
et
kurdes,
et
peut-être
de
peuples
plus
anciens,
parmi
lesquels
doivent
se
trouver
aussi
des
Arméniens.
Ces
derniers
font
en
général
partie
de
la
tribu
Bozan,
et
ils
sont
ennemis
implacables
de
la
tribu
Hayoug,
qui
habite
aux
environs
de
Messis.
Le
botaniste
Kotschy
n'osa
pas
s'aventurer
dans
ces
dédales,
ni
sur
les
hauteurs
lorsqu'il
longeait
ces
montagnes.
Vers
la
fin
du
siècle
dernier
et
au
commencement
du
nôtre,
Kutchuk-Ali
ou
Khalil-beg,
se
distingua
par
ses
violences
et
ses
déprédations;
il
soumit
Payas
et
ses
environs
et
y
régna
en
maître
pendant
30
ou
40
ans.
D'abord
il
n'était
que
simple
chef
de
brigands,
et
sa
bande
comptait
trente
à
quarante
individus,
avec
lesquels
il
saccagea
la
ville
de
Payas;
il
forma
ensuite
une
troupe
de
deux
cents
personnes
et
non
seulement
il
se
fit
payer
un
tribut
par
Payas,
mais
encore
il
osa
obliger
la
grande
caravane
de
la
Mecque,
qui
devait
traverser
la
contrée,
à
lui
payer
un
droit
de
passage.
Il
rendit
vain
tous
les
efforts
des
gouverneurs
ottomans
pour
l'attraper;
enfin
il
obtint
grâce
et
fut
élevé
à
l'honneur
de
pacha
à
trois
queues;
toutefois
malgré
son
titre
et
son
rang,
il
continua
à
dépouiller
les
passants
et
souvent
les
navires
européens.
Il
exigeait
de
fortes
rançons
de
tous
ceux
qui
tombaient
entre
ces
mains
ou
les
emprisonnait,
et
ensuite
il
s'excusait
de
ses
faits
avec
hypocrisie
et
arrogance.
Il
bâtit
plusieurs
tours
sur
les
montagnes
et
à
l'entrée
des
défilés;
il
occupa
aussi
les
Portes
Syriennes;
mais
ces
tours
excitaient
plutôt
l'effroi
par
leur
apparence
que
par
leur
solidité
réelle.
Il
avait
aussi
la
barbare
coutume
de
pendre
deux
personnes
près
de
la
porte
de
Payas,
lors
du
passage
de
la
caravane
de
la
Mecque.
Il
arrriva
qu'une
fois
il
n'avait
personne
dans
les
prisons
et
la
caravane
approchait;
il
demanda
à
son
officier
de
lui
trouver
un
moyen,
et
pendant
que
celui-ci
s'efforçait
de
le
détourner
de
son
triste
propos,
il
porta
la
main
à
sa
barbe:
«J'ai
trouvé,
lui
dit-il,
fais
apporter
ici
le
chrétien
Jacques,
tourmenté
de
la
fièvre
depuis
quatre
mois,
il
ne
pourra
du
reste
pas
s'en
tirer».
Et
il
le
fit
pendre
immédiatement.
Pourtant
après
s'être
joué
du
gouvernement,
après
avoir
vexé
les
étrangers
et
tué
plusieurs
innocents,
il
mourut
paisiblement
(1808).
Son
fils
aîné
Dédé
ou
Dada-beg,
lui
succéda;
le
consul
de
Hollande
lui
ayant
réclamé
des
dédommagements
pour
des
pertes
que
son
père
lui
avait
causées,
il
lui
fit
la
réponse
suivante:
«Si
j'étais
obligé
de
restituer
tout
ce
que
mon
père
a
pris,
toutes
les
pierres
de
Payas
changées
en
or
ne
suffiraient
pas».
Pendant
dix
ans,
il
vécut
comme
son
père
dans
l'indépendance
et
le
libertinage,
échappant
à
tous
les
pièges
des
gouverneurs
de
l'empire,
et
souvent
même
il
battit
leurs
soldats.
Il
finit
pourtant
par
être
pris
par
trahison
en
1817,
et
fut
décapité
par
ordre
de
Moustafa,
pacha
de
Beylan,
et
son
cadavre
fut
brûlé.
Son
frère
Mesdek-bey
avait
alors
douze
ans,
il
s'enfuit
à
Marache.
Dix
ans
après
il
retourna
à
Payas,
pendant
que
Hadji
Ali-bey,
de
la
tribu
de
Karadja,
dominait
avec
tyrannie
sur
la
plus
grande
partie
de
la
Cilicie.
Ce
tyran
s'opposa
d'abord
à
Mesdek;
mais
enfin
il
finit
par
faire
la
paix
avec
lui
dans
le
but
de
soumettre
d'autres
rivaux.
Lorsque
Hussein-pacha
dut
marcher
contre
Ibrahim,
(1832),
Hadji-Ali
s'empressa
d'aller
à
sa
rencontre,
dans
les
défilés
de
la
Cilicie,
pour
faciliter
le
passage
de
l'armée
turque,
voulant
ainsi
se
montrer
sujet
fidèle
de
la
Porte
ottomane.
Il
fut
envoyé
par
le
commandant
à
Costantinople,
où
il
fut,
dit-on,
secrètement
mis
à
mort:
d'autres
croient
qu'il
put
s'échapper
en
se
déguisant
et
qu'il
se
réfugia
en
Europe
[2].
Quant
à
Mesdek,
après
les
victoires
d'Ibrahim,
il
s'attacha
à
lui
et
reçut
en
échange
la
juridiction
sur
trente
seigneurs,
dérébeghi,
des
alentours.
Ahmed-Izzed
pacha,
gouverneur
d'Adana,
voulut
le
soumettre,
mais
ne
réussissant
pas
à
s'emparer
par
ruse
de
sa
personne,
il
ordonna
de
saccager
Payas
et
de
massacrer
cruellement
la
famille
de
Mesdek.
Celui-ci
s'enfuit
d'abord
à
Marache
et
après
à
Constantinople
avec
le
gouverneur.
Revenu
en
Cilicie
l'année
suivante,
il
recouvra
peu
à
peu
sa
puissance
primitive;
se
déclarant
tantôt
sujet
ottoman,
tantôt
libre
brigand,
s'étant
associé
son
fils
Eumer-agha
et
son
cousin.
Tous
trois
étaient
déclarés
rebelles
en
1862,
tandis
que
Kotschy
parcourait
cette
région;
le
gouverneur
d'Adana
s'efforçait
en
vain
de
soumettre
Mesdek.
Celui-ci
termina
sa
vie
paisiblement,
pendant
ou
après
la
soumission
des
Kozans
[3].
La
même
année
(1862),
on
comptait
seize
villages
arméniens
dans
ces
montagnes,
avec
600
familles,
vivant
de
la
même
vie
que
les
montagnards
turcomans.
Ils
doivent
avoir
certainement
conservé
d'anciennes
traditions,
et
des
recherches
sur
les
lieux
amèneraient
peut-être
d'intéressantes
découvertes.
[1]
Duo
sunt
enim
aditus
in
Ciliciam
ex
Syria;
quorum
uterque
parvis
pr
æ
sidiis
propter
angustias
intercludi
potest.
—
Cicero,
Epistolœ.
[2]
Barker
nous
donne
le
récit
des
faits
et
gestes
du
tyran
Kutchuk-Ali
et
de
Hadji-Ali,
dans
son
ouvrage
bien
connu
(Lares
and
Penates),
p.
76-80,
89.
[3]
M.
me
Belgiojoso,
qui
vers
la
fin
de
1852
se
rendait
à
Jérusalem,
logea
dans
la
misérable
maison
de
Mesdek,
qui
la
reçut
avec
beaucoup
de
respect.
Dans
ses
mémoires
elle
dit:
«Mustuk-Bey,
le
prince
du
Djaour-Daghda
(Gruiavour-daghi),
a
passé
les
bornes
de
la
première
jeunesse.
C'est
un
homme
d'une
quarantaine
d'années,
grand
et
bien
fait,
d'une
physionomie
qui
serait
un
peu
commune,
si
elle
n'était
éclairée
par
de
beaux
yeux
bleu
clair,
limpides,
souriants,
et
perçants
comme
deux
épées.
Rien
en
lui
ne
décèle
le
feudataire
ambitieux
et
rusé
qui
résiste
constamment
aux
ordres
de
son
souverain,
tout
en
conservant
les
apparences
du
respect
et
de
la
soumission.
Il
y
a
du
bonhomme
dans
Mustuk-Bey,
ou
du
moins
dans
ses
manières
et
dans
son
langage.
Il
n'affecte
pas
le
luxe
oriental
des
pachas
et
des
chefs
de
sa
tribu.
Son
costume,
sa
tenue,
sa
maison,
sa
table,
tout
respire
chez
lui
la
plus
extrême
simplicité.
—
Derrière
la
maison
du
Bey
se
trouve
une
petite
cour
carrée
entourée
de
bâtiments
bas,
formant
un
seul
étage;
la
cour
étant
un
carré
long,
les
deux
bâtiments
de
côté
couvrent
une
superficie
double
environ
de
celle
qu'occupent
les
constructions
placées
aux
extrémités.
L'une
de
ces
dernières,
n'est
que
le
mur
mi
toyen
qui
sépare
le
harem
de
la
maison
du
Bey,
et
où
l'on
a
pratiqué
la
porte
d'entrée.
Deux
petites
portes,
flanquées
chacune
de
deux
fenêtres,
communiquent
avec
chacun
des
bâtiments
latéraux
de
la
cour,
pavée
de
larges
dalles.
Le
corps
de
logis
du
fond
n'a
qu'une
porte
et
deux
fenêtres,
et
il
est
impossible
d'entrer
dans
ce
cloître
sans
se
rappeler
l'intérieur
d'un
couvent
de
Chartreux».
—
BELGIOJOSO,
Asie
Mineure
et
Syrie,
111.