Le
département
qui
renferme
les
provinces
d'Isaurie,
de
Pamphylie
et
de
Pisidie,
est
appelé
aujourd'hui
Karaman;
cependant
l'appellation
de
Laranda
n'est
pas
oubliée:
dans
les
archives
officielles
du
gouvernement
on
emploie
encore
ce
nom.
Dans
les
siècles
passés
et
jusqu'au
commencement
du
nôtre,
les
parages
maritimes
de
cette
province
étaient
appelés
par
les
Européens
Karamania;
de
même
nos
anciens
écrivains
arméniens
nomment
Kharaman
tant
la
région
que
la
tribu.
(p.
344-
Dame
Karamane)
Cette
province
eut
de
nombreux
rapports
avec
les
Arméniens
de
la
Cilicie,
soit
par
suite
de
son
voisinage,
soit
à
cause
des
nombreuses
guerres
qui
y
eurent
lieu.
Comme
nous
avons
été
obligé
de
mentionner
plusieurs
fois
ce
pays,
je
crois
nécessaire
de
rappeler
ici
quelques
événements
qui
s'y
sont
accomplis.
Nous
avons
dit
plus
haut
que
le
sultan
Alaïeddin,
après
avoir
conquis
la
province
d'Erménég
sur
les
Arméniens,
en
confia
le
gouvernement
à
l'un
de
ses
généraux,
en
1228,
et
y
établit
des
postes
turcomans
pour
la
garde
du
territoire.
Parmi
les
soldats
de
ces
postes,
se
trouvait
un
charbonnier,
appelé
Nouré-Soufi:
(Hammer,
le
savant
auteur
de
l'Histoire
ottomane,
affirme
que
ce
Nouré-Soufi
était
arménien
d'origine;
mais
je
ne
sais
d'où
il
tire
cette
information).
Quoiqu'il
en
soit,
ce
personnage
s'était
enrichi
beaucoup
par
son
métier,
et
avait
deux
fils
appelés,
l'un
Karaman
(d'où
le
nom
de
la
tribu
et
du
pays)
et
l'autre
Ongsouze
ou
Bonsouze.
A
la
suite
des
troubles
occasionnés
par
la
révolution
des
Tartares,
ces
deux
frères
réunirent
des
bandes
de
brigands
et
de
voleurs,
et
se
mirent
à
piller
et
à
dévaster
les
alentours.
Le
sultan
ne
jugea
rien
de
mieux
à
faire
(1257)
que
de
leur
laisser
Erménég
comme
fief
et
de
nommer
l'aîné,
bey
de
la
province;
il
leur
enlevait
ainsi
tout
motif
d'incursion
sur
ses
terres.
N'osant
plus
attaquer
le
territoire
du
sultan,
ils
se
lancèrent
sur
les
possessions
des
Arméniens.
Notre
historien
presque
contemporain
de
ces
faits,
et
devant
par
conséquent
connaître
à
fond
tous
les
événements
et
les
personnages,
sans
faire
d'autres
remarques
sur
leur
nationalité,
dit:
«Un
certain
Karaman
de
la
tribu
des
Ismaélites,
se
fit
connaître,
et
plusieurs
de
la
même
tribu
vinrent
s'enrôler
sous
ses
ordres;
il
se
proclama
sultan,
et
devint
si
fort
que
le
sultan
des
Roumains
Rouknadin
n'osa
point
lui
résister.
Karaman
s'empara
de
plusieurs
lieux
fortifiés
et
fit
endurer
de
continuelles
vexations
aux
villes
d'Isaurie
et
de
Séleucie
dont
il
fit
souvent
prisonniers
les
habitants.
Deux
fois
il
battit
les
troupes
du
roi
Héthoum,
qui
avait
établi
des
postes
militaires
dans
cette
contrée;
c'est
dans
un
de
ces
combats
que
fut
tué
le
très
illustre
Halgam,
grec
de
nation»;
(c'était
probablement
le
petit
fis
de
Halgam,
qui
vivait
au
temps
de
Léon).
«Karaman
eut
aussi
l'audace
d'attaquer
Sempad,
le
frère
du
roi
des
Arméniens;
car
Sempad,
après
de
grands
efforts
et
de
riches
présents,
avait
réussi
à
arracher
des
mains
des
barbares
le
château
de
Maniaun,
qui
avait
déjà
appartenu
aux
chrétiens,
(Halgam
en
était
le
gouverneur
à
la
fin
du
XII
e
siècle).
Le
généralissime
Sempad
fut
assez
brave
pour
le
garder
trois
ans
et
pour
repousser
tous
les
assauts
que
lui
livrèreut
ces
hordes
barbares.
L'orgueilleux
Karaman
fit
énormément
souffrir
la
garnison
et
mit
plus
d'une
fois
Sempad
en
péril;
ce
dernier
dépensa
beaucoup
d'or
et
d'argent
pour
les
munitions
et
l'entretien
des
soldats.
Karaman
vint
assiéger
lui-même
le
fort,
et
le
fit
souffrir
terriblement
durant
neuf
mois
consécutifs.
Il
envoya
plusieurs
messages
insultants
au
roi
Héthoum
et
le
flétrissait
dans
ses
insolents
discours».
Mais
celui-ci,
encouragé
par
les
paroles
de
son
père,
le
sage
Constantin,
rassembla
une
troupe
de
soldats,
«et
passa
à
Séleucie.
Là
se
réunirent
la
cavalerie,
l'infanterie
et
d'autres
soldat
chargés
de
porter
mille
mesures
de
froment
au
château.
Lorsque
les
soldats
chrétiens
et
le
roi
parvinrent
en
vue
du
château,
les
barbares
qui
tenaient
assiégée
la
forteresse,
se
retirèrent.
Le
roi
parvint
au
fort
sans
coup
férir,
il
ravitailla
la
place
et
en
renouvela
la
garnison.
Pendant
que
les
troupes
s'en
retournaient
sans
souci,
Karaman
qui
s'était
mis
en
embuscade
dans
un
lieu
plein
de
buissons,
escarpé
et
étroit,
comme
un
défilé,
les
cribla
de
flèches
et
fondit
sur
elles,
en
poussant
de
grands
cris.
Ces
clameurs
arrivèrent
aux
oreilles
du
roi;
les
plus
courageux
parmi
ses
soldats,
quittant
leurs
rangs
coururent
au
combat,
firent
face
à
l'ennemi
et
le
mirent
en
fuite.
Karaman
lui-même
fut
blessé
par
un
coup
de
lance
et
par
une
flèche;
il
put
rentrer
dans
ses
terres,
mais
il
mourut
de
ses
blessures.
Son
frère
Bonsouze
et
son
gendre
furent
tués
dans
cette
bataille.
De
leur
côté
les
Arméniens
perdirent
le
Bailli
Constantin
de
Soma;
le
prince
Grégoire,
seigneur
de
Mazod-khatche
eut
le
pouce
de
la
main
droite
emporté
par
un
coup
d'épée;
cependant
le
nombre
de
leurs
morts
fut
restreint.
Sempad,
frère
de
Pagourin
et
de
Constance,
grec
d'origine
mais
parent
du
roi
Héthoum,
se
distingua
dans
cette
journée;
quoique
jeune
encore,
il
assaillit
et
laissa
morts
sur
le
terrain
plusieurs
des
ennemis.
Tous
lui
prodiguèrent
des
louanges,
et
envoyèrent
à
Constantin,
père
du
roi,
des
messagers
pour
lui
annoncer
la
conduite
du
jeune
homme.
Dans
la
grande
joie
dont
son
cœur
fut
rempli,
Constantin
renvoya
le
jeune
homme
dans
sa
famille
auprès
de
ses
frères
et
de
sa
mère
Chahan-touhhte
chargé
de
présents.
Le
roi
put
revenir
plein
de
joie
dans
ses
terres,
après
avoir
réussi
à
chasser
et
à
confondre
son
ennemi
avec
si
peu
de
pertes».
Ces
paroles
indiquent
que
le
siège
du
château
de
Maniaun
(qui
doit
être
à
l'est
du
territoire
de
Laranda),
eut
lieu
en
1259,
et
que
les
faits
importants
relatifs
à
la
délivrance
du
château,
aux
guerres
et
à
la
mort
des
deux
frères
fondateurs
de
la
tribu
des
Karamans,
se
passèrent
vers
1262.
Ces
événements
ne
sont
guère
connus
des
Orientalistes;
et
les
historiens
de
l'Orient
n'en
avaient
pas
parlé
peut-être
à
dessin;
voilà
pourquoi
il
nous
a
semblé
bon
de
les
insérer
ici.
Après
la
mort
de
Karaman,
le
sultan
d'Iconium
prit
ses
fils
et
les
mit
en
prison,
mais
les
Tartares
les
délivrèrent
peu
après.
L'aîné
Chemseddin-Mouhammed,
succéda
à
son
père;
suivant
l'exemple
paternel,
il
profita
de
l'incursion
de
Beïbars,
sultan
d'Egypte,
en
Cilicie
et
en
Asie
Mineure,
pour
entrer
à
Iconium
par
fraude,
et
il
massacra
même
l'une
des
troupes
de
l'Egyptien;
mais
ayant
appris
l'arrivée
des
Tartares,
il
s'enfuit
dans
les
montagnes.
Vers
la
fin
du
XIII
e
siècle,
selon
Aboulfeda,
le
maître
du
territoire
de
Karaman
s'appellait
Avad;
il
réussit
probablement
à
étendre
ses
frontières
lors
de
l'extinction
du
sultanat
d'Iconium,
en
1294.
A
la
fin
du
même
siècle
et
au
commencement
du
XIV
e,
le
maître
était
Mohammed-Bédréddin.
L'un
de
ses
successeurs,
en
1318,
fit
une
incursion
sur
le
territoire
de
Tarse
avec
un
grand
nombre
de
cavaliers;
mais
le
bailli
Ochine
s'étant
mis
à
sa
poursuite,
surprit
son
arrière-garde
aux
environs
de
Pompéiopolis,
la
battit
et
la
chassa.
Sous
le
gouvernement
du
même
prince
ou
de
son
successeur,
vers
le
commencement
de
l'année
1336,
selon
un
chroniqueur
contemporain:
«la
tribu
de
Karaman
entrant
en
Cilicie
y
fit
beaucoup
de
mal».
A
la
fin
du
XIV
e
siècle,
le
prince
régnant
était
Alaïeddin,
qui
s'était
marié
avec
Néphise,
fille
du
sultan
Murad:
il
fut
tué
en
1391,
à
la
prise
d'Iconium,
par
Bayazet,
successeur
de
Murad.
Du
chef
de
cette
tribu,
Nour-Sofi,
jusqu'à
la
fin
du
XV
e
siècle,
on
compte
dix
descendants
qui
se
succédèrent
sans
interruptions
jusqu'à
l'année
1486-7,
pendant
laquelle
les
Ottomans
supprimèrent
cette
principauté.
Vers
le
milieu
du
XV
e
siècle
les
Karamans
commençèrent
à
se
faire
connaître
des
Européens,
et
surtout
des
Vénitiens;
ils
se
coalisèrent
même
avec
ces
derniers
et
avec
les
Persans,
contre
les
Ottomans;
ce
qui
fut
la
cause
de
leur
perte.
César
Vecellio,
frère
du
célèbre
Titien,
dans
une
série
de
gravures
représentant
les
costumes
des
diverses
nations,
donne
aussi
ceux
des
Karamans
et
de
leurs
voisins,
les
Arméniens
de
Cilicie,
à
laquelle
il
donne
le
nom
d'Arménie
Inférieure
[1].
(p.
345-
Dame
de
l'Arménie
Inférieure)
(p.
345-
Noble
de
l'Arménie
Inférieure)
En
1432,
le
Français
Bertrandon
passa
par
Laranda
et
la
trouva
très
prospère
et
dans
une
position
commerciale
excellente;
il
y
avait
selon
lui
dans
les
temps
anciens
un
château
très
fort
dont
on
voyait
encore
les
jolies
portes
de
fer,
mais
les
murailles
étaient
ruinées.
Le
voyageur
trouva
dans
cette
ville
deux
Chypriotes
envoyés
comme
ambassadeurs
au
Karaman
(probablement
au
célèbre
Pir-Ibrahim),
pour
lui
faire
stipuler
une
convention
de
paix
avec
le
roi
de
Chypre
nouvellement
élu:
Bertrandon
se
joignit
à
eux
pour
aller
le
voir
à
Iconium.
Pir-Ahmed
avec
l'aide
des
Ottomans
réussit
à
chasser
son
frère
Ibrahim
et
à
se
rendre
maître
du
pouvoir
pour
quelques
années,
(1467-9).
Mais
s'étant
révolté
contre
les
Ottomans
et
dans
l'impossibilité
de
se
défendre
contre
eux,
il
prit
la
fuite
et
se
réfugia
chez
Ouzoun-Hassan,
roi
de
Perse,
dont
il
reçut
un
corps
d'armée
assez
fort,
et
il
marcha
contre
Moustaffa,
fils
du
sultan
ottoman,
qui
par
ordre
de
son
père
avait
pris
possession
des
terres
du
Karaman;
mais
il
perdit
une
bataille
et
dut
se
retirer
avec
son
armée.
Alors
il
demanda
aux
Vénitiens
des
canons
et
l'aide
de
leurs
officiers
et
de
leurs
bateaux,
pour
délivrer
des
mains
des
Turcs
les
parages
maritimes
de
la
Cilicie,
et
pour
rétablir
sur
son
trône,
Karaman
fils
d'Ibrahim,
et
son
frère
Cassim-Beg.
[1]
L'auteur
appelle
Arménie
Basse
les
côtes
méridionales
de
la
Petite
et
de
la
Grande
Arménie.
Comme
il
classe
ceux
qui
sont
représentés
dans
ces
deux
figures,
parmi
les
Karamaniens,
il
fait
voir
qu'ils
demeuraient
parmi
eux,
ou
plutôt
qu'ils
étaient
leurs
voisins:
voici
ses
propres
paroles:
Donna
dell'Armenia
Inferiore.
—
Queste
donne
dell'Armenia
Inferiore,
usano
una
acconciatura
di
testa
stravagante,
con
veli
di
colori
diversi.
Portano
sotto
una
sottana
di
bel
lavoro,
e
sopra
un
rocchetto
bianco
di
bambagina.
Poi
hanno
un
panno
simile
ad
una
patientia
fratesca
lavorato,
ma
alquanto
più
lungo
di
dietro
che
davanti,
quale
portano
per
vedere
et
non
esser
vedute.
Uomo
nobile
dell'Armenia
Inferiore.
—
Questa
sorte
d'huomini
porta
un
dulipano,
c'ha
del
grave
assai,
et
è
di
color
celeste
et
listato.
Portano
la
zazzera
de'capelli
lunga,
et
parimente
la
barba.
Hanno
per
veste
una
cocolla
da
monaco,
o
ad
essa
simile,
ma
però
di
seta
et
ancora
di
lana
o
bambagia,
di
color
per
il
più.
Al
collo
ha
una
tovaglietta
di
seta
finissima,
listata
di
bianco
et
di
rosso
et
d'altri
colori;
il
mezzo
della
quale
si
riposa
sopra
il
petto,
et
gli
estremi
pendono
dietro
alle
spalle.
Calzano
scarpe
ferrate,
corne
i
Turchi.
—
Cesare
Vecellio,
Habiti
antichi
et
moderni,
etc.